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Suisse: Rencontre entre une travailleuse du sexe et une religieuse catholique

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Rencontre entre une travailleuse du sexe et une religieuse pour «Le Temps» à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars. Interview.
Rien ne les prédestinait à se rencontrer. Yumie V. a 28 ans, elle est travailleuse du sexe indépendante à Lausanne. Sœur Regina a 65 ans, elle est moniale de la communauté de Grandchamp (NE). Deux femmes aux choix de vie que tout semble opposer. Et pourtant, elles partagent une liberté chevillée au corps, et un amour de l’autre qu’elles ont pour vocation de transmettre. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars, elles mettent en dialogue leurs convictions pour la première fois. Interview croisée.

Le 8 mars a lieu la Journée internationale des droits des femmes. Quels droits encore bafoués vous révoltent?

Yumie V.: Trop de droits basiques sont enfreints dans le monde. Je pense à l’esclavagisme sexuel et à l’excision, soit la mutilation du corps des femmes, parce que celui-ci doit avoir pour unique fonction la reproduction. En Suisse, plus que des droits bafoués, on assiste à des rapports de force, de choix et de liberté interpersonnels et sociétaux normés. C’est plus insidieux. Plus de droits ne signifie pas que nous sommes libres d’être femmes sans être mises en danger.

Sœur Regina: Combien de femmes subissent encore des viols autour de nous? En effet, même en Suisse, une femme n’est pas encore tout à fait en sécurité. Rappelons aussi, que les femmes sont les premières victimes de la guerre: violées et mutilées, elles deviennent des armes, comme le rappelle le Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege.

Selon vous, c’est quoi, être une femme?

Yumie V.: Lorsqu’on naît femelle et qu’on se sent femme, la possibilité biologique d’avoir des enfants a un impact immense sur l’identité, les choix de vie et le regard des autres. Une femme qui abandonne son enfant reste la pire chose qui soit aux yeux de la société. Quant à celle qui choisit de ne pas en faire, elle est difficilement comprise. À cela s’ajoute une construction du genre encore différenciée de celle du garçon. On peut aussi être né mâle et se sentir femme. Être une femme, c’est donc un emboîtement de ces éléments qui donne une identité influencée par des normes, qu’on reproduit ou dont on s’éloigne.

Sœur Regina: Quand je vous entends, je me rends compte que le féminisme pour lequel je m’engageais jeune existe encore. Pour moi, être une femme ne se résume pas à laisser émerger son côté féminin. C’est une harmonie à trouver entre le masculin et le féminin en nous. À Grandchamp, j’ai cette chance d’être libérée des normes de la société et je peux librement déployer cet équilibre. Néanmoins, je ne suis pas de cette jeune génération qui pense qu’il n’y a pas de différence entre le masculin et le féminin et qu’elle découle de l’éducation uniquement. Je crois que la différence est belle si elle est pleinement vécue.

« Même en Suisse, une femme n’est pas encore tout à fait en sécurité. »
SOEUR REGINA

Justement, la différence, vous l’expérimentez par vos choix de vie. Qu’est-ce qu’une travailleuse du sexe, qu’est-ce qu’une religieuse?

Yumie V.: Je suis au service de l’humain et de l’amour à travers la sexualité, comme un espace d’abandon et de rencontre. C’est une profession pleine de sens. Les gens se mettent à nu, corps et âme, libérés des enjeux qui les lient à leur partenaire. C’est très touchant. J’ai accès à une humanité à laquelle personne d’autre n’a accès, un lieu d’intimité profonde. Toucher l’humain et être touchée, dans tous les sens du terme, c’est ça l’amour.

Sœur Regina: Nous avons toutes deux choisi des formes de vie au bord de la norme, soumises aux préjugés. Aujourd’hui, la religieuse n’est plus mise sur un piédestal, et c’est tant mieux. Pour ma part, je cherchais à mettre toute mon attention sur ma vie spirituelle. Saisie par quelque chose de plus grand en moi, Dieu, je souhaitais l’apprivoiser, mais aussi servir l’humanité avec compassion. Cette fragilité humaine, je la vis dans l’écoute. Lors des accompagnements que nous proposons à Granchamp, je m’entretiens notamment avec des personnes qui me confient des paroles qu’elles ne partagent pas avec leur partenaire et avec leurs proches.

Vos choix de vie vous tournent vers l’autre, l’une par le corps, l’autre par la prière. Quel sens y mettez-vous?

Yumie V.: Ces deux dernières années, ma spiritualité a grandi et j’ai compris que mon métier était de l’ordre de la mission de vie, de l’appel divin, dans un sens. En dépassant les enjeux physiques, de séduction, ce qui m’intéresse c’est de toucher l’humanité par le corps, par la sexualité. C’est une manière d’honorer cet amour du divin, cet agapè (amour de Dieu envers les hommes, selon le christianisme, ndlr) tout en honorant ma chair, mon incarnation. Je suis alors au service de l’amour, en utilisant une voie qui est considérée comme à l’opposé de l’amour. Pour moi pourtant, la prostitution, telle que je la conçois est la manière la plus directe de transmettre cet amour.

Soeur Regina: Je pourrais dire les mêmes choses! Vos mots expliquent pourquoi je suis célibataire et sans enfant: pour transmettre cet «agapè», cet amour plus large qui jaillit de notre cœur pour aller vers le plus grand nombre. Vous le partagez avec le corps et moi avec le cœur, l’écoute, la prière. Finalement, je touche l’autre avec la compassion.

« Je suis au service de l’humain et de l’amour à travers la sexualité, comme un espace d’abandon et de rencontre. J’ai accès à une humanité à laquelle personne d’autre n’a accès, un lieu d’intimité profonde. »
YUMIE V.

Vous est-il arrivé de douter, voire de regretter votre choix?

Sœur Regina: Je le réinterroge constamment, car il n’est pas absolu et c’est ma liberté qui est en jeu. Bien sûr, je peux dire qu’il y a eu un appel de Dieu. C’est beau, mais ce n’est pas tout. Il faut pouvoir y faire face. Mettre ma vie au service de la spiritualité a longtemps été une lutte intérieure et pourtant quelque chose m’a toujours poussée à continuer. Chaque jour, je me sens plus libre intérieurement.

Yumie V.: Je partage cette vision: un choix de vie à la lisière de la norme oblige à le questionner. Je le perçois comme un avantage lorsqu’on m’assène que mon travail est sale, que je ne me respecte pas, qu’il s’agit d’un viol tarifé, je réinterroge la liberté de mon choix. Il arrive qu’on me réduise à la prostitution, qu’on m’accuse de défendre l’exploitation sexuelle. Mais je la condamne. Ce n’est pas parce que j’ai choisi un métier dans lequel cela existe que j’en suis coupable.

Tout choix implique des renoncements, ça a été votre cas?

Soeur Regina: Mon entourage ne me croyait pas capable d’obéir aux règles d’une communauté. Pourtant, je ne souffre ni de ne pas aller au cinéma ni de devoir demander de l’argent à la communauté pour faire un achat. Je me sens saisie par une Présence intérieure qui me libère, ainsi mon choix ne se pose pas en termes de renoncement.

Yumie V.: Le renoncement désigne la mise de côté volontaire d’une possibilité. Ce sentiment m’est absent, pourtant, il me sert de repère dans mes choix: suis-je en train d’écouter mon cœur ou de résister?

Qu’en est-il de l’amour romantique et de la maternité?

Yumie V.: Je me suis demandé si je devais renoncer à l’amour, à l’éros, comme un sacerdoce, pour pouvoir pleinement donner de l’amour aux autres, un amour agapè. Or pour donner, il faut recevoir. Quant à la maternité, la question reste pour l’instant en suspens.

Sœur Regina: Choisir de ne pas vivre l’éros, ce n’est pas renoncer à cette force de vie en nous, car nous ne sommes pas asexuées. Nous la transformons en un agapè dans la prière et dans la compassion, donné et reçu des autres et de Dieu. Il en va de même de la maternité. Certains estiment mon choix égoïste, mais c’est celui d’une vie dédiée à la spiritualité.

« Pour moi, être une femme ne se résume pas à laisser émerger son côté féminin. C’est une harmonie à trouver entre le masculin et le féminin en nous. À Grandchamp, j’ai cette chance d’être libérée des normes de la société et je peux librement déployer cet équilibre. »
SOEUR REGINA

Une femme peut-elle mieux comprendre votre choix de vie qu’un homme?

Yumie V.: Si les femmes font preuve de plus de compassion que les hommes, mon choix peut être fragilisant pour celles qui ne se sont pas réalisées en tant qu’individu: comment une femme qui a choisi une vie a priori liée à la contrainte peut-elle s’épanouir?

Sœur Regina: Il y a des hommes qui ne comprennent pas que je puisse ne pas vivre la sexualité et la maternité. Les femmes le comprennent plus facilement.

Qu’est-ce qui parle à chacune de vous deux dans le discours de l’autre?

Yumie V.: Nous sommes au service des mêmes choses. Seule la forme diffère. Je suis reconnaissante de cet échange, mais m’attendais à ces parallèles, à ce qu’on se retrouve jusque dans les mots. Je souhaiterais prolonger ce dialogue si fluide.

Sœur Regina: Je désirerais beaucoup approfondir ce partage. Nous vivons et désirons la même chose. Je peux toucher avec la compassion, vous touchez avec le corps et c’est là que réside la seule différence.

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