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L’Ukraine accuse deux soldats russes de multiples viols

KYIV (Reuters) – L’Ukraine accuse deux soldats russes d’avoir agressé sexuellement une petite fille de quatre ans et d’avoir violé en réunion sa mère sous la menace d’une arme et devant son père, des allégations qui interviennent dans le cadre de nombreux soupçons d’abus commis depuis l’invasion du pays par la Russie.

Selon des dossiers du ministère public ukrainien que Reuters a pu consulter, ces incidents font partie d’une série de crimes sexuels commis par des soldats de la 15e brigade motorisée séparée de fusiliers dans quatre maisons de Brovary, dans la banlieue de Kyiv, en mars 2022.

Le ministère russe de la Défense n’a pas répondu à une demande de commentaires. Les numéros de téléphone de la brigade étaient hors service.

Contactés par Reuters, deux responsables de la garnison de Samara, dont la brigade fait partie, ont dit n’être pas en mesure de donner les coordonnées de l’unité, l’un d’entre eux indiquant qu’elles étaient confidentielles.

Lors de la tentative de Moscou de prendre le contrôle de Kyiv juste après le lancement de son offensive en Ukraine, les soldats russes sont entrés dans Brovary, pillant et utilisant la violence sexuelle comme tactique délibérée pour terroriser la population, a déclaré le parquet ukrainien.

    « Ils ont choisi les femmes à l’avance et ont coordonné leurs actions et leurs rôles », a ajouté le ministère public, dont les documents sont basés sur des entretiens avec des témoins et des victimes.

    La plupart des atrocités commises se sont produites le 13 mars, lorsque que les soldats « en état d’ébriété, ont fait irruption dans la cour de la maison où vivait une jeune famille », selon le parquet.

    Le père a été battu avec un pot en métal, puis forcé à s’agenouiller pendant que sa femme était victime d’un viol collectif. L’un des soldats a dit à la fillette de quatre ans qu’il « ferait d’elle une femme » avant qu’elle ne soit abusée, selon le document. 

    Ces victimes ont survécu mais le parquet a dit enquêter sur d’autres crimes dans la région, dont des meurtres, survenus à la même période. 

    Le Kremlin, qui dit combattre en Ukraine des « néo-nazis » soutenus par l’Occident, a nié à plusieurs reprises les allégations de crimes de guerre. Il affirme aussi que le commandement militaire n’est pas au courant de violences sexuelles commises par ses troupes.

    Les soldats mis en cause sont deux tireurs d’élite, âgés de 28 et 32 ans, selon les documents du parquet, qui ajoute que le plus âgé est décédé depuis tandis que le plus jeune, identifié comme Evguéni Tchernoknijni Andrïovitch, est rentré en Russie.

Reuters a demandé l’identité des deux soldats mais le parquet a fourni uniquement le nom du plus jeune.

Lorsque Reuters a joint par téléphone un numéro figurant sur une base de données en ligne à ce nom, une personne se présentant comme le frère d’Evguéni Tchernoknijni Andrïovitch a indiqué qu’il était décédé.

    « Il est mort. Il n’y a aucun moyen de le retrouver », a indiqué l’homme en pleurant. « C’est tout ce que je peux dire. »

Reuters n’a pas été en mesure de confirmer cette déclaration.

ALLÉGATIONS CROISSANTES

    Les deux tireurs d’élite font partie de six suspects accusés d’avoir commis les agressions à Brovary. Selon le parquet, il s’agit de l’une des plus vastes enquêtes concernant des abus sexuels depuis l’invasion russe de l’Ukraine.

    Après l’agression présumée de la petite fille et de ses parents, les deux soldats ont pénétré dans la maison voisine d’un couple âgé, qu’ils ont frappé, a indiqué le parquet, et ont aussi violé une femme enceinte de 41 ans et sa fille de 17 ans.

    Dans un autre endroit où vivaient plusieurs familles, les soldats ont forcé tout le monde à se rendre dans la cuisine et ont violé en réunion une fille de 15 ans et sa mère, a ajouté le parquet.

    Toutes les victimes, qui ont survécu, reçoivent des soins médicaux et une assistance psychologique, indique-t-il. 

    Une enquête est en cours concernant le rôle éventuel qu’auraient pu jouer des officiers supérieurs dans les agressions à Brovary, a indiqué le parquet alors que cette affaire alimente les allégations croissantes sur le recours systématique aux abus sexuels par les soldats russes.

Le Bureau du procureur général d’Ukraine indique enquêter sur plus de 71.000 rapports relatifs à des crimes de guerre depuis l’invasion de la Russie. 

Les enquêteurs ukrainiens reconnaissent que la probabilité de retrouver et de sanctionner les soldats russes mis en cause est faible et que les procès éventuels se tiendront par contumace. Leurs efforts sont néanmoins appuyés par ceux de la Cour pénale internationale (CPI) qui enquête sur des crimes de guerre en Ukraine.

S’il est peu probable que les suspects soient livrés par Moscou, toute personne condamnée par contumace peut être inscrite sur des listes de surveillance internationales, rendant ses déplacements difficiles.

    La Russie a aussi accusé les forces ukrainiennes de crimes de guerre, notamment l’exécution de dix prisonniers de guerre.

    Jusqu’à présent, la justice ukrainienne a condamné 26 Russes pour crimes de guerre – certains prisonniers de guerre, d’autres par contumace -, dont un pour viol.

(Reportage Anthony Deutsch à Amsterdam et Stefaniia Bern à Kyiv, avec la contribution de Anton Zverev et Maria Tsvetkova; version française Blandine Hénault, édité par Tangi Salaün)

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