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Jean-Marie Le Pen, des outrances au séisme de 2002

PARIS (Reuters) – En plus de 60 ans de vie publique, Jean-Marie Le Pen, décédé mardi à l’âge de 96 ans, a continuellement endossé le costume du jouteur d’extrême droite, friand d’outrances, tonitruant mais tenu à la marge du jeu politique, à l’exception de ce soir d’avril 2002 qui l’a vu accéder contre toute attente au second tour de la présidentielle.

Cette surprise n’en était pas une à ses yeux, car contrairement à sa fille Marine, qui lui a succédé et rêve d’une victoire en 2027 après avoir recueilli 41,5% des voix face à Emmanuel Macron en 2022, le patriarche de l’extrême droite française n’a jamais voulu le pouvoir, préférant faire du Front national un réceptacle des colères.

« Le rôle que j’ai joué, c’est celui de tribun du peuple à Rome, celui qui, en face des pouvoirs en place, avait une immunité – que je n’ai pas, moi – pour pouvoir dire ce qu’il pensait, critiquer », confiait-il en 2011 à Reuters.

Jean-Marie Le Pen pouvait néanmoins se targuer d’avoir fait du Front national, qui n’était au départ, en 1972, que l’émanation du groupuscule Ordre Nouveau, une vraie force électorale en même temps qu’une PME familiale.

Le leader frontiste a attendu d’avoir 83 ans pour passer le flambeau à sa fille Marine en 2011, tout en conservant ses mandats de conseiller régional et de député européen, ainsi qu’un droit de regard sur le FN en tant que président d’honneur.

Mais l’année 2015 a été marquée par la crise ouverte avec sa fille, contrainte de lui interdire de conduire la liste FN aux régionales dans la région Paca, puis de l’exclure du parti qu’il avait fondé et qu’elle renommera en 2018 Rassemblement National (RN) pour tourner la page.

Comme s’il souffrait de voir le parti engranger des succès électoraux et, selon ses mots, se « soumettre au système » en tentant de se « dédiaboliser », Jean-Marie Le Pen a multiplié les incartades.

Après avoir proposé de « faire une fournée » avec le chanteur Patrick Bruel, qui est juif, le patriarche a déclaré à plusieurs reprises, entre 1987 et 2009, que les chambres à gaz n’étaient qu’un « détail » de l’Histoire de la Seconde guerre mondiale.

LA POLITIQUE, UN COMBAT

Dans une interview à Rivarol, que sa fille qualifie de « torchon », il a également fait l’éloge du Maréchal Pétain, fracassé les thèmes de la « dédiabolisation » et étrillé Florian Philippot, à l’époque lieutenant de sa fille.

Qualifié de « punk » par Marine Le Pen, il a marqué sa préférence pour sa nièce Marion Maréchal, qui a rallié le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour lors de la présidentielle de 2022, et multiplié les références à la boxe. « La politique, comme la vie, c’est un combat. Si l’on ne veut pas prendre de coups, on ne choisit pas d’être boxeur ».

Usé par les combats, le patriarche était cependant descendu du ring ces dernières années, se faisant plus discret avant d’affirmer finalement son soutien à sa fille pour la dernière présidentielle, malgré sa « sympathie » pour Eric Zemmour, qui a repris le flambeau de ses propos outranciers visant les immigrés.

Surnommé « Le menhir », ce Breton né le 20 juin 1928 à la Trinité-sur-Mer, dans le Morbihan, est le fils d’une couturière et d’un marin-pêcheur, mort en 1942 dans le naufrage de son chalutier, lequel a vraisemblablement heurté une mine allemande.

Il dit avoir trouvé dans son statut de pupille de la nation l’origine de sa foi cocardière, sans doute bercée par l’ambiance d’exaltation patriotique de l’entre-deux-guerres, surtout en Bretagne. Mais son physique de baroudeur et sa gouaille sont sans aucun doute les éléments fondateurs de sa personnalité.

Seul homme dans la famille après la mort de son père, il se croit, selon ses mots, « investi d’une autorité » et se comporte comme un « petit diable » pendant ses études.

L’attitude des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) qui mènent violemment l’épuration à la Libération le révolte, nourrissant un sentiment anti-gaulliste qui croîtra jusqu’à la fracture de l’Algérie française.

Inscrit en 1947 à la faculté de droit, place du Panthéon à Paris, le jeune Breton adhère à l’Association corporative des étudiants en droit (Corpo), s’ancre plus franchement à droite et se fait craindre par ses outrances verbales et physiques.

VOLONTAIRE EN INDOCHINE

Licence de droit en poche, Jean-Marie Le Pen se porte ensuite volontaire en Indochine pour combattre le Viêt-Minh. Aspirant de réserve, il sert dans la Légion mais arrive deux mois après la chute de Dien Bien Phu. Ce 7 mai 1954, il « pleure de chagrin et de rage », selon ses dires.

Repéré par Pierre Poujade, il est élu député de Paris en 1956 sous la bannière de l’Union et fraternité française, qu’il quittera l’année suivante.

Dans « Le Pen sans bandeau », de Jean Marcilly, le président du FN explique avoir perdu progressivement son oeil gauche à la suite d’une cataracte consécutive à une bagarre en 1958. Il n’évoque plus aujourd’hui qu’une maladie de l’oeil, qu’il a longtemps recouvert d’un bandeau de pirate.

Réélu député de Paris l’année suivante, Jean-Marie Le Pen adhère au Centre national des indépendants et paysans d’Antoine Pinay mais quitte un peu plus tard les bancs de l’Assemblée nationale pour se porter volontaire en Algérie.

Quarante ans plus tard, il justifiera l’usage de la torture lors de son temps de service en Algérie contre des partisans du FLN, par la nécessité de lutter contre le terrorisme.

Battu aux élections de 1962, Jean-Marie Le Pen collectionne ensuite les sanctions pénales, notamment lorsqu’il parle des chambres à gaz nazies comme d’un « détail » de la Seconde Guerre mondiale, pour laquelle il sera condamné à de multiples reprises pour « banalisation de crimes contre l’humanité. »

PERCÉE EN 1984

Jean-Marie Le Pen verra aussi sa première femme, Pierrette, poser nue dans Playboy après son divorce parce que Jean-Marie Le Pen lui conseillait de « faire des ménages » quand elle s’était lamentée dans la presse d’être sans le sou.

Il sera accusé d’avoir tiré une partie de son patrimoine de legs laissés par des sympathisants, comme l’héritier des ciments Lambert.

Longtemps abonné aux scores électoraux confidentiels, le président du Front national a effectué sa première véritable percée au scrutin européen de 1984 avec 10,95% des voix et l’élection de 35 députés à l’Assemblée nationale en 1986.

Qualifié à la surprise générale au second tour du scrutin de 2002, éliminant le socialiste Lionel Jospin, le leader d’extrême droite s’efforcera jusqu’à la présidentielle de 2007 de donner l’image d’un « Le Pen light », se présentant en rassembleur.

Il n’obtiendra cependant que 10,44% des voix en 2007, contre 16,86% au premier tour de 2002, tandis que ses candidats subiront une lourde défaite aux législatives suivantes (4,29%).

En janvier 2011, lors de son dernier discours de président, au congrès de Tours, le vieux chef a égrené comme autant de médailles les outrances qui lui ont été reprochées, de « l’affaire du détail » au « Durafour-crématoire », un jeu de mots douteux visant un ministre socialiste de François Mitterrand.

« Tous mes projets ont été détournés de leur sens réel, parce que je refusais de me soumettre à la dictature de la pensée », a-t-il lancé devant 2.000 sympathisants rugissant de joie.

Les dernières années de Jean-Marie Le Pen sont marquées par des problèmes de santé. Il est hospitalisé en février 2022 à la suite d’un accident vasculaire cérébral puis de nouveau en avril 2023 après un malaise cardiaque.

Son état de santé lui permet d’échapper en novembre 2024 au procès du RN dans l’affaire de détournement de fonds européens pour laquelle sa fille Marine Le Pen, également poursuivie, risque une peine d’inégibilité.

(édité par Tangi Salaün et Blandine Hénault)

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