Syrie-Mohamed al Bachir promet de reconstruire un pays à court d’argent
par Maya Gebeily et Timour Azhari
DAMAS (Reuters) – Le nouveau Premier ministre de transition de la Syrie, Mohamed al Bachir, a affirmé mercredi qu’il ferait revenir dans le pays les millions de réfugiés syriens, protégerait tous les citoyens et fournirait les services de base, tout en soulignant que cela serait difficile car le pays manque de devises étrangères.
« Dans les coffres, il n’y a que des livres syriennes qui ne valent rien ou presque. Un dollar américain permet d’acheter 35.000 de nos pièces », a déclaré Mohammed al Bachir au quotidien italien Il Corriere della Sera.
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« Nous n’avons pas de devises étrangères et en ce qui concerne les prêts et les obligations, nous sommes encore en train de collecter des données. Alors oui, financièrement, nous sommes très mal en point. »
Il était jusqu’ici président du « gouvernement de salut syrien », l’exécutif proclamé à Idlib par le groupe islamiste Hayat Tahrir al Cham (HTC), qui a mené la coalition de rebelles ayant provoqué la chute du régime de Bachar al Assad.
De son côté, le chef du HTC, Ahmed al Charaa, plus connu sous son nom de djihadiste Abou Mohammed al Joulani, a déclaré qu’aucune amnistie ne serait accordée à tous ceux qui ont été impliqués dans la torture et le meurtre de détenus dans les prisons syriennes.
« Nous les poursuivrons en Syrie et nous demandons aux pays de nous livrer ceux qui ont fui afin que nous puissions rendre justice », a-t-il dit dans un communiqué publié sur la chaîne Telegram de la télévision d’État syrienne.
Il a également annoncé son intention de démanteler l’appareil de sécurité de l’ancien régime et de fermer les prisons les plus tristement célèbres.
Dans une déclaration écrite adressée à Reuters, il a déclaré que son groupe collaborait avec des organisations internationales pour sécuriser les sites où pourraient être entreposées des armes chimiques.
Le Pentagone a salué cette dernière déclaration tout en disant attendre des actes. Il a également précisé que les prisons abritant des détenus du groupe Etat islamique étaient toujours sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par Washington.
Depuis la chute de Bachar al Assad, dimanche, le monde entier scrute attentivement la Syrie et en particulier ses nouveaux dirigeants, afin de voir s’ils apportent bien la stabilité promise dans un pays où les factions pourraient chercher à se venger à la suite de la guerre civile.
Un habitant de Qardaha, la ville natale de la famille Assad, a déclaré que des combattants sunnites avaient incendié le mausolée dans lequel se trouvait le cercueil de Hafez al Assad, le père du dirigeant déchu, semant la peur parmi les villageois de confession alaouite qui avaient promis de coopérer avec les nouveaux dirigeants.
TÂCHE COLOSSALE
La reconstruction de la Syrie s’annonce comme une tâche colossale après 13 ans d’une guerre civile qui a fait des centaines de milliers morts. Les villes ont été bombardées et réduites à l’état de ruines, des pans entiers de la campagne ont été dépeuplés et l’économie du pays affaiblie par les sanctions internationales.
Des millions de réfugiés vivent toujours dans des camps après l’un des plus grands déplacements de population des temps modernes.
De nombreux pays européens ont suspendu les demandes d’asile de Syriens et certains réfugiés en Turquie ont commencé à rentrer chez eux.
Les responsables américains, qui ont déjà pris contact avec la coalition de rebelles menées par le HTC, les ont exhortés à ne pas prendre la tête du pays de manière automatique, mais à mettre en place un processus inclusif pour former un gouvernement de transition.
Le nouveau gouvernement doit « respecter des engagements clairs en matière de respect des droits des minorités, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire à tous ceux qui en ont besoin, empêcher que la Syrie ne serve de base au terrorisme ou ne constitue une menace pour ses voisins », a déclaré le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, dans un communiqué.
HTC, ancienne branche syrienne d’Al Qaïda, a tenté de lisser son image en minimisant ses racines djihadistes, mais reste désignée comme organisation terroriste par les Nations unies, les États-Unis, l’Union européenne, la Turquie et d’autres pays.
Lors d’une brève allocution à la télévision d’État mardi, Mohamed al Bachir a déclaré qu’il dirigerait l’autorité de transition jusqu’au 1er mars.
Le pape, dans ses premières remarques publiques sur la Syrie depuis la fin du régime de Bachar al Assad, a appelé mercredi les divers groupes religieux du pays à « marcher ensemble dans l’amitié et le respect mutuel pour le bien de la nation ».
(Reportage Maya Gebeily et Timour Azhari à Damas, Suleiman al-Khalidi et Firas Makdesi à Amman, Cristina Carlevaro à Rome, Ece Toksabay et Mert Ozkan à Yayladagi, Turquie, David Brunnstrom, Erin Banco et Simon Lewis à Washington, rédigé par Lincoln Feast et Michael Georgy ; version française Kate Entringer)
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