Sénégal: Dissolution du parti de Sonko alors que la contestation persiste
par Ngouda Dione et Joel Kouam
DAKAR (Reuters) – Le ministre sénégalais de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, a annoncé lundi la dissolution du parti du chef de file de l’opposition, Ousmane Sonko, pour avoir incité ses partisans à la violence lors de manifestations le mois dernier, une décision ayant déclenché de nouveaux appels à la résistance.
Il s’agit du dernier épisode de la querelle de longue date entre le parti du président Macky Sall et le Pastef d’Ousmane Sonko, dont les partisans accusent le chef de l’Etat de se servir de poursuites judiciaires pour empêcher Sonko d’être candidat à l’élection présidentielle de l’an prochain.
C’est la première fois qu’un parti sénégalais est dissout depuis que le pays a obtenu son indépendance en 1960.
« Nous allons attaquer cette décision. Le peuple sénégalais va résister », a déclaré à une radio locale un porte-parole du Pastef, l’un des trois principaux partis de l’opposition, qui s’est classé troisième des dernières élections législatives.
Des manifestants sont de nouveau descendus lundi dans la rue, dans la capitale Dakar, pour protester contre l’arrestation d’Ousmane Sonko, qui a été placé dans la journée sous mandat de dépôt pour des accusations de complot insurrectionniste.
« Il va passer sa première nuit en prison », a déclaré lundi à Reuters l’avocat d’Ousmane Sonko, Bamba Cissé, annonçant le placement de son client sous mandat de dépôt.
On ne sait pas dans l’immédiat si Ousmane Sonko, qui rejette les accusations le visant, va rester en prison ni quand débutera son procès.
Ousmane Sonko, 49 ans, a été arrêté vendredi après une altercation avec des forces de sécurité stationnées devant son domicile qui, selon lui, le filmaient sans sa permission.
Il a été inculpé samedi d’appel à l’insurrection, de complot contre l’autorité de l’Etat et d’association de malfaiteurs ainsi que d’autres chefs d’accusation.
En juin, sa condamnation dans une affaire distincte à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » a provoqué de violentes manifestations dans le pays, qui ont fait au moins 16 morts. Il avait à l’époque incité les contestataires à descendre dans la rue.
Les stations-service ont régulièrement été les cibles d’actes de vandalisme, en particulier celles de compagnies françaises et occidentales.
Des contestataires ont bloqué lundi la principale autoroute reliant Dakar, avec des pneus incendiés et des camions, perturbant le trafic avant même les annonces de l’avocat de Sonko et du ministre de l’Intérieur.
Des affrontements sporadiques ont eu lieu entre des petits groupes de contestataires et la police, qui a fait usage de gaz lacrymogène, ont constaté des journalistes de Reuters.
Le gouvernement a restreint dans la journée l’accès à internet en raison de la diffusion de « messages haineux » sur les réseaux sociaux.
(Reportage Ngouda Dione, Joel Kouam et Diadie Ba; version française Zhifan Liu et Jean Terzian)