Au Groenland, des élections législatives sur fond d’indépendance et d’intérêt américain
par Jacob Gronholt-Pedersen et Tom Little
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NUUK, Groenland (Reuters) – Les habitants du Groenland sont appelés aux urnes mardi pour des élections législatives, qui sont suivies avec une attention inhabituelle par une grande partie de la communauté internationale depuis que Donald Trump a exprimé l’intention de prendre le contrôle de l’île, riche en ressources et disposant d’une situation géographique stratégique en Arctique.
Les ambitions du président américain sur le Groenland ont en outre relancé le débat sur l’éventuelle indépendance de ce vaste territoire d’environ seulement 57.000 habitants vis-à-vis du Danemark.
Les bureaux de vote fermeront à 22h00 GMT. Le résultat définitif est attendu mercredi entre 01h00 et 03h00 GMT.
Ces élections, qui visent à attribuer les 31 sièges du Parlement, pourraient permettre aux Etats-Unis d’asseoir leur influence sur le Groenland, alors que la fonte des glaces ouvre aux acteurs régionaux l’accès à des ressources et à de nouvelles routes maritimes.
La Chine et la Russie ont renforcé leurs activités militaires dans la région, tandis que les Etats-Unis tentent de garder le rythme.
Le Groenland, qui appartient au Danemark depuis 1953, est gouverné de façon partiellement autonome depuis 1979 et la formation de son premier Parlement. Copenhague continue cependant d’avoir la main sur les questions de défense, les affaires étrangères et la politique monétaire, tout en apportant une contribution d’un peu moins d’un milliard de dollars par an à l’économie.
Le gouvernement local a obtenu une autonomie accrue en 2009, y compris le droit de demander par référendum l’indépendance, bien qu’il s’en soit abstenu jusqu’à présent de crainte que, sans soutien économique danois, le niveau de vie ne se détériore.
L’île est riche de nombreuses ressources naturelles, dont des minéraux critiques telles que des terres rares utilisées dans l’industrie technologique, notamment pour les véhicules électriques ou encore les systèmes de missiles.
Le Groenland n’a cependant pas encore réellement commencé à les extraire à cause de préoccupations écologiques, des intempéries et du contrôle presque complet que la Chine exerce dans le secteur, empêchant d’autres entreprises d’en tirer un bénéfice ou de trouver des acheteurs.
Du fait de l’absence de sondages de sortie, l’issue du scrutin est encore incertaine, bien qu’une enquête effectuée en janvier a suggéré que la majorité des habitants du Groenland sont en faveur de l’indépendance mais ne s’accordent pas sur le calendrier ou son potentiel impact sur leur niveau de vie.
Depuis son arrivée au pouvoir en janvier, Donald Trump a maintes fois exprimé son intérêt pour l’acquisition du Groenland, une idée qu’il avait déjà émise lors de son premier mandat, arguant que l’île est cruciale pour les intérêts sécuritaires américains.
PROMESSES D’INVESTISSEMENTS
Dans un premier temps, Donald Trump a refusé d’exclure l’utilisation de la force militaire, inquiétant de nombreux Groenlandais. Depuis, il a néanmoins adopté une position moins radicale, déclarant qu’il respecterait la volonté de la population et qu’il était « prêt à investir des milliards de dollars » si ils rejoignaient les États-Unis.
Le Premier ministre du Groenland, Mute Egede, a souligné que l’île n’était pas à vendre et a plaidé pour que le gouvernement résiste à la pression extérieure. Lors d’un entretien diffusé lundi par la chaîne danoise DR, il a qualifié l’offre de Donald Trump d’irrespectueuse, se déclarant prêt à coopérer avec d’autres pays à la place.
Les déclarations de Donald Trump ont néanmoins lancé un large débat au Groenland et placé l’indépendance au centre des élections, alors que la population indigène se montre de plus en plus fière de sa culture inuite.
« La question de l’indépendance a été mise sous stéroïdes par Trump », a déclaré Masaana Egede, rédacteur en chef du journal local Sermitsiaq. « Ça a mis le reste des problèmes quotidiens en sourdine. »
Les six partis politiques principaux, y compris le parti au pouvoir Inuit Ataqatigiit et son partenaire de coalition Siumut, soutiennent l’idée de l’indépendance mais divergent sur le calendrier et la manière d’y accéder.
Le parti pro-indépendance Naleraq, la principale force d’opposition, a gagné en popularité avant les élections, pointant du doigt l’exploitation historique par le Danemark des richesses minérales de l’île.
« C’est notre élection d’indépendance », a affirmé Qupanuk Olsen, une candidate de Naleraq.
Le parti estime que l’intérêt américain renforce la position du Groenland pour des négociations de sécession avec le Danemark et vise la mise au vote d’un accord avec Copenhague avant les prochaines élections, dans quatre ans.
Selon le rédacteur en chef de Sermitsiaq, le parti pourrait gagner plus que les cinq sièges qu’il occupe actuellement, mais a peu de chances d’obtenir la majorité au Parlement.
Reuters a interrogé plus d’une dizaine d’habitants du Groenland dans sa capitale Nuuk. Tous se sont exprimés en faveur de l’indépendance mais beaucoup ont exprimé des craintes qu’une transition rapide ne nuise à l’économie et n’élimine des services sociaux, tels que la couverture santé universelle et l’éducation gratuite.
Le Groenland s’appuie sur le Danemark pour environ la moitié de son budget d’État.
(Jacob Gronholt-Petersen avec Louise Rasmussen, version française Pauline Foret, édité par Augustin Turpin)
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