POUR UNE AFFAIRE IMPORTANTE IL FAUT DE GRANDS MOYENS
Proverbe malgache
“Kojeja bi-löha tsy lanin’akôho boty.” (Ohabolana malagasy)
“Criquet à grosse tête ne peut être mangé par un poussin chétif.” (Proverbe malgache)
“A weak chick cannot eat a bigheaded Grasshopper.” (Malagasy proverb)
Signification : Pour une affaire importante il faut de grands moyens
Source du proverbe : Fulgence FANONY Öhabölaňa betsimisaraka (2011) p.46
Commentaire à la lumière de la Bible
Madagascar est un pays qui mérite plus d’attention de la part des autres pays africains. C’est un immense réservoir de sagesse sous-exploitée. Les Malgaches ont eu la prudence de ne pas sacrifier leurs valeurs linguistiques sur l’autel de la modernité. Or, la langue est le cheval de la culture. L’on comprend alors la richesse culturelle de la grande île qui se manifeste, entre autres, par la densité de ses proverbes.
Celui qui a retenu notre attention ici porte sur un fait qui, à première vue, peut sembler anodin. Un poussin qui a de la difficulté à manger un criquet à grosse tête n’a rien de surprenant. Seulement, en fin observateur, le sage malgache en tire une leçon pour des situations sociales plus complexes. Quand on a une affaire importante, quel que soit le domaine, il convient d’utiliser des moyens conséquents. Évidemment, cela suppose qu’un travail sérieux d’évaluation a été effectué en amont pour éviter de se lancer dans une aventure futile. Mais, quand le gain est considérable, l’on ne lésinera pas sur les ressources financières, matérielles ou humaines.
Ce proverbe fait penser aux paraboles du trésor caché et de la perle dans Matthieu 13 :44-46 où il est écrit :
« 44 Le royaume des cieux ressemble à un trésor enfoui dans un champ. Un homme le découvre : il le cache de nouveau, s’en va, débordant de joie, vend tout ce qu’il possède et achète ce champ.45 Voici à quoi ressemble encore le royaume des cieux : un marchand cherche de belles perles. 46 Quand il en a trouvé une de grande valeur, il s’en va vendre tout ce qu’il possède et achète cette perle précieuse.”
Ces deux proverbes renvoient manifestement à une même réalité. Dans les deux cas, une personne trouve un bien de très grande valeur, immensément au-delà de son actif. Elle prend la sage décision de vendre tous ses biens pour acquérir ce qui est plus précieux. L’expression « le royaume des cieux ressemble à… » qui introduit ces paraboles en trace clairement les paramètres. Nous sommes ici dans un contexte spirituel. Face à la vie éternelle avec toutes ses valeurs et ses bénédictions, les biens éphémères de ce monde ne font pas le poids. Bien entendu, le but de ce proverbe n’est pas d’enseigner que le salut éternel est lié à la dépossession des richesses matérielles pour ne s’en tenir qu’à celle qui est spirituelle. C’est plutôt une question de priorité, de la capacité de surmonter les pièges sur le chemin du royaume de Dieu. D’autres textes bibliques, à l’instar de Matthieu 5:29-30 ou 6:33, Rom. 8:18, Phil. 3:7-8, peuvent édifier à ce sujet. En clair, il convient de sacrifier les biens ou les privilèges de ce monde lorsqu’ils constituent un obstacle aux glorieuses richesses du royaume des cieux.
Si le contexte se prête naturellement à une interprétation spirituelle, le principe qui se dégage de cette péricope est aussi valable dans d’autres domaines de la vie sociale. Par exemple, l’Afrique est vivement secouée en ce moment par des groupes constitués, des organisations, et des mouvements qui ne font pas de mystère sur leur objectif de semer la terreur ou de déstabiliser des régions, des nations ou un groupe important de nations. À voir de près leurs forces de frappe et les moyens dont ils disposent, l’on est en droit de se demander si les communautés nationales et internationales y mettent vraiment les moyens nécessaires. Par ailleurs, la pauvreté extrême fait rage sur le continent africain et nourrit l’insécurité. Aucun pays au monde, si petit soit-il, n’est à négliger. Mais si l’on considère l’importante somme de plus de cent milliards de dollars investis en Ukraine (https://www.statista.com/statistics/1303432/total-bilateral-aid-to-ukraine/) comparativement à ce qui est injecté dans un pays comme la République Démocratique du Congo, ou les pays de la zone sahélienne, pour ne citer que ceux-là, il y a lieu d’être dubitatif.
L’avenir du monde ne se fera pas sans le continent africain. D’ici à l’an 2100, l’Afrique sera le continent le plus peuplé. Ses ressources sont infiniment plus importantes que ce qui est communiqué par les géologues ou les économistes. La preuve en est qu’aucune année ne passe sans qu’on ne découvre de nouveaux gisements de ressources minières, gazières ou pétrolières sur le continent. Les Chinois, qui y sont très actifs ces dernières années, l’ont vite compris même si ce n’est pas toujours dans l’intérêt de l’Afrique. La récente rencontre du Président Joe Biden avec les Chefs d’états africains est un bon début. Toutefois, une stratégie plus mûre, plus holistique, et impliquant étroitement les leaders africains, est nécessaire.
Une action collégiale permettra de réaliser par exemple qu’il est important de mener des actions stratégiques sur le plan local, national, continental et international et de mobiliser des ressources largement plus importantes que celles qui sont annoncées. En effet, une solution toute faite en dehors du continent et imposée aux leaders africains avec des conditions unilatérales ne va jamais atteindre les objectifs escomptés. Pourtant, les ressources humaines et minières du continent sont si importantes qu’investir aujourd’hui pour bâtir des nations plus fortes et paisibles va générer infiniment plus de richesses tant pour les nationaux que pour la communauté internationale à moyen et à long terme. Seulement, combien d’oreilles entendent le conseil des amis malgaches ? Combien de stratèges prennent encore en compte les enseignements du Seigneur Jésus-Christ ?
Prof. Moussa Bongoyok