Syrie: Les Etats occidentaux multiplient les contacts avec les nouvelles autorités
(Corrige au §16 pour préciser qu’il ne s’agit pas d’une citation de Kallas)
DAMAS (Reuters) – Des diplomates allemands et français doivent rencontrer mardi à Damas des représentants des nouvelles autorités syriennes, élargissant ainsi les contacts occidentaux avec la nouvelle administration un peu plus d’une semaine après la chute du régime de Bachar al Assad.
Cette réunion aura lieu après que les diplomates britanniques ont rencontré lundi le dirigeant de facto du pays, Ahmed Hussein al Charaa.
Jean-Noël Barrot, ministre français démissionnaire des Affaires étrangères, a annoncé dimanche qu’une délégation française de quatre diplomates allait se rendre dans le pays du Moyen-Orient pour la première fois depuis 12 ans.
La France avait rompu les liens en 2012 avec la Syrie.
Neuf jours après l’éviction de Bachar al Assad, les États occidentaux ouvrent progressivement des canaux à la nouvelle administration syrienne, dirigée par le Hayat Tahrir al Cham (HTC), groupe musulman sunnite précédemment affilié à Al Qaïda et encore considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Canada ou la Turquie.
Lundi soir, Ahmed Hussein al Charaa, aussi connu sous son nom de combattant Abou Mohammed al Joulani, a rencontré une délégation du ministère britannique des Affaires étrangères. Selon l’agence de presse officielle syrienne SANA, il a insisté sur la nécessité de rétablir les liens et de lever les sanctions contre la Syrie afin que les réfugiés syriens puissent rentrer chez eux.
Des photos publiées par SANA montrent Ahmed Hussein al Charaa assis en costume et chemise ouverte lors de la réunion, sa rencontre la plus importante avec un représentant d’un gouvernement occidental depuis que le HTC a pris le pouvoir à la suite d’une offensive éclair lancée par les groupes rebelles fin novembre.
Les images mettent en évidence le changement géopolitique qui s’est opéré depuis le renversement d’Assad, dont la chute porte également un coup aux alliés russes et iraniens de l’ancien régime syrien et pourrait ouvrir la voie à une réouverture des contacts entre les États occidentaux et Damas.
Toute ouverture de l’Occident aux nouvelles autorités nécessite toutefois une manoeuvre pour contourner à la fois la désignation d’organisation terroriste imposée à HTC lorsqu’il était affilié à Al-Qaïda et les sanctions financières imposées à Damas sous le régime d’Assad.
Selon les rapports de SANA, Ahmed Hussein al Charaa a évoqué lundi la nécessité de construire un État de droit et des institutions et d’établir la sécurité, ainsi que le rôle important de la Grande-Bretagne sur la scène internationale.
DÉLÉGATION DE L’UE EN SYRIE
Des diplomates allemands prévoient également de s’entretenir avec des représentants du HTC à Damas mardi, a indiqué le ministère allemand des Affaires étrangères. Il a précisé que les discussions porteraient sur un processus de transition pour la Syrie et sur la protection des minorités.
« Les possibilités d’une présence diplomatique à Damas sont également à l’étude », a ajouté un porte-parole du ministère dans un communiqué, réaffirmant que Berlin surveillait de près le HTC en raison de ses anciens liens avec Al Qaïda. « Pour autant que l’on puisse dire, ils ont agi prudemment jusqu’à présent », a-t-il ajouté.
La guerre civile syrienne, qui a éclaté en 2011 à la suite d’un soulèvement populaire contre le régime de la famille Assad, a poussé des millions de Syriens à se réfugier à l’étranger, dont environ un million en Allemagne.
Le Département d’État américain a déclaré lundi que le gouvernement avait eu plus d’une communication avec HTC au cours de la semaine écoulée.
L’Union européenne (UE) va pour sa part rouvrir sa délégation en Syrie, a déclaré mardi Kaja Kallas, la Haute représentante pour les Affaires étrangères du bloc.
La délégation de l’UE en Syrie, qui s’apparente à une ambassade, n’a jamais été officiellement fermée, mais il n’y avait pas d’ambassadeur accrédité à Damas pendant la guerre en Syrie.
Kaja Kallas a toutefois averti lundi lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles que l’UE ne pourrait alléger les sanctions contre la Syrie que si les nouveaux dirigeants du pays prenaient des « mesures positives » pour mettre en place un gouvernement inclusif et respecter les droits des femmes et des minorités.
La nouvelle administration de Damas a jusqu’à présent donné peu de détails sur les prochaines étapes qu’elle envisage pour la Syrie, qui est confrontée à de nombreux défis après plus de cinq décennies de règne de la famille Assad et près de 14 ans de guerre civile.
Le nouveau Premier ministre de transition de la Syrie, Mohamed al Bachir, auparavant président du « gouvernement de salut syrien », l’exécutif proclamé à Idlib par le HTC, a déclaré qu’il dirigerait le gouvernement intérimaire jusqu’au 1er mars.
(Reportage de Rachel More à Berlin, Maya Gebeily à Beyrouth, rédigé par Tom Perry ; version française Diana Mandia, édité par Blandine Hénault)