France: Reçu à Matignon, Ciotti (LR) pose ses conditions sur la réforme des retraites
par Elizabeth Pineau et Caroline Pailliez
PARIS (Reuters) – Le nouveau président des Républicains (LR), Eric Ciotti, a dénoncé mercredi la « brutalité » de l’idée gouvernementale de décaler à 65 ans d’ici 2031 l’âge légal de départ à la retraite, maintenant le bras de fer avec l’exécutif qui a besoin du soutien du parti conservateur pour lancer sa réforme controversée.
Le député des Alpes-Maritimes a rencontré dans la matinée la Première ministre, Elisabeth Borne, pour discuter du projet de réforme du gouvernement qui a pour ambition de décaler l’âge moyen de départ à la retraite afin de rééquilibrer les finances du régime sur le long terme.
Pour l’heure, Emmanuel Macron maintient sa promesse de campagne de repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans d’ici 2031, une idée combattue par la gauche et les syndicats, qui prévoient une mobilisation unitaire en janvier.
« J’ai posé à la Première ministre les conditions pour que cette réforme puisse voir le jour. Nous ne soutiendrons pas la reforme des retraites à n’importe quel prix », a déclaré Eric Ciotti, à l’issue de cette rencontre à Matignon.
S’il estime nécessaire de réformer le régime actuel « compte tenu de l’évolution démographique », il juge la proposition présidentielle trop dure.
« Nous mesurons qu’aller à 65 ans tout de suite est d’une brutalité sans doute trop forte par rapport à la situation que vivent les Français », a-t-il dit.
« La réforme, oui, mais discutons du rythme et du calendrier de cette réforme. Je souhaite que nous évoquions les petites retraites et notamment celle des femmes qui n’ont pas cotisé tout au long de leur vie », a-t-il poursuivi.
UN PARTI DIVISÉ SUR LES RETRAITES
Le soutien des Républicains à l’Assemblée nationale est fondamental pour le gouvernement qui ne détient qu’une majorité relative à la chambre basse, alors que la gauche et l’extrême-droite ont déjà fait savoir qu’elles s’opposeraient au projet.
Le parti, fort d’une soixantaine de députés au Palais-Bourbon et majoritaire au Sénat, reste divisé sur la conduite à tenir.
Olivier Marleix, président du groupe à l’Assemblée, plaide pour un report de l’âge légal à 63 ans d’ici la fin du quinquennat. La majorité sénatoriale demande, quant à elle, un report de l’âge légal à 64 ans assorti d’une accélération de la mise en place de la réforme de 2014 qui prévoit une augmentation de la durée de cotisation pour obtenir la retraite à taux plein.
Aurélien Pradié, chantre de la « droite populaire » et candidat malheureux à la présidence de LR, refuse pour sa part de toucher à l’âge légal, préférant moduler uniquement la durée de cotisation.
Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière le report au 10 janvier de la présentation officielle de la réforme afin de poursuivre les négociations avec les partis d’opposition et les syndicats sur la question de l’âge et les moyens de compenser la pénibilité du travail, un thème cher à la CFDT.
Les consultations doivent reprendre à Matignon à partir du 2 janvier.
POSSIBLE RECOURS AU 49.3
Réunie jeudi dernier en bureau national, son instance décisionnaire, la centrale présidée par Laurent Berger, avec qui l’exécutif espérait un rapprochement, a repoussé toute idée d’ouverture tant qu’un report de l’âge serait envisagé.
La balle est donc à l’Assemblée nationale. L’exécutif s’est déjà dit ouvert à une mesure combinant report de l’âge légal de départ à la retraite et accélération de la réforme de 2014. Il s’agit, selon un proche d’Emmanuel Macron, de la seule marge de manoeuvre possible pour le gouvernement.
Dans tous les cas, l’exécutif mise sur une adoption rapide de la réforme pour éviter l’éruption dans le pays d’un conflit social majeur et durable, précise ce proche du chef de l’Etat alors que les instances syndicales, qui affichent un front uni, promettent un mouvement d’ampleur en début d’année.
Un parlementaire au fait du dossier a évoqué lors d’un entretien à Reuters la piste d’un recours à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) sur la seule question de l’âge, qui ouvrirait la possibilité de recourir à l’article 49.3 de la Constitution permettant de faire adopter le texte sans vote.
Les autres mesures portant sur l’emploi des seniors, les carrières longues et la pénibilité, notamment, seraient incluses dans un projet de loi plus vaste.
Interrogé sur le véhicule législatif envisagé, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a fait savoir jeudi que la question n’était pas tranchée mais qu’un recours à un PLFSSR ou simple PLFSS était envisagé.
(Caroline Pailliez et Elizabeth Pineau, édité par Kate Entringer)
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