Le gouvernement Barnier renversé par une motion de censure
PARIS (Reuters) – Le gouvernement français a été renversé mercredi par une motion de censure, fait inédit depuis 1962 qui ouvre une nouvelle période d’incertitude politique majeure, six mois après la dissolution de l’Assemblée nationale.
Le texte censurant le Premier ministre Michel Barnier, déposé par le Nouveau Front populaire (NFP), a été adopté par 331 voix – 43 de plus que le seuil requis de 288 voix. Les élus du Rassemblement national et de ses alliés « ciottistes » de l’UDR ont joint leurs voix à ceux de l’alliance de gauche.
Selon plusieurs médias, Michel Barnier présentera sa démission au chef de l’Etat jeudi à 10h00. Emmanuel Macron s’adressera aux Français à 20h00, a déclaré l’Elysée.
C’est la deuxième fois seulement que le pouvoir exécutif est ainsi censuré en France par le Parlement depuis le début de la Ve République, soixante-deux ans après le premier gouvernement de Georges Pompidou.
L’ancien négociateur du Brexit, nommé le 5 septembre par le président de la République, est tombé sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 – « un budget d’austérité » selon la motion du NFP -, sur lequel il avait engagé lundi la responsabilité de son gouvernement, comme l’y autorise l’article 49.3 de la Constitution.
La chute du gouvernement de Michel Barnier ouvre une nouvelle phase dans la crise politique déclenchée par la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron au soir des élections européennes du 9 juin dernier.
Le Premier ministre, issu de LR, s’appuyait sur un fragile « socle commun » entre le camp macroniste et son parti et se savait depuis son arrivée à Matignon sous la menace d’une censure dans une chambre basse du Parlement morcelée en blocs inconciliables depuis les législatives des 30 juin et 7 juillet.
« LE CHAOS EST DÉJÀ LÀ »
Jusqu’au bout, Michel Barnier et ses ministres auront tenté de dissuader les députés de ne pas censurer l’exécutif au motif que cela risquerait de déclencher la « tempête » sur les marchés et de plonger le pays dans le « chaos ».
Un argument rejeté en bloc par la gauche et le RN, qui ont renvoyé au pouvoir en place le procès en irresponsabilité, l’accusant de mettre en oeuvre une politique ciblant les Français les plus modestes.
Prenant la parole pour défendre la motion NFP, le député de La France insoumise (LFI) Eric Coquerel a pointé l’absence de compromis du Premier ministre, entaché d’une « illégitimité » transmise par le chef de l’Etat.
« La politique du pire serait de ne pas censurer un tel budget, un tel gouvernement, un tel effondrement », a quant à elle estimé Marine Le Pen, présidente du groupe RN, à la tribune de l’Assemblée nationale.
« Allez leur dire que la vie sera plus douce avec votre maintien au gouvernement, ils le savent, qu’elle sera plus dure. Le chaos est déjà là », a déclaré le communiste Nicolas Sansu, chef de la Gauche démocrate et républicaine.
Michel Barnier se présentait en redresseur des comptes publics, dont le déficit devrait atteindre 6,1% du produit intérieur brut cette année, grâce à un budget affichant 60 milliards d’euros de baisses de dépenses et de hausses d’impôts.
« Soixante milliards d’intérêts (sur la dette), voilà ce que les Français doivent payer chaque année. C’est la réalité et j’ai essayé de l’affronter. Cette réalité ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. Elle se rappellera à tout gouvernement quel qu’il soit », a prévenu le Premier ministre en réponse aux deux motions de censure déposées par le NFP et le RN.
« MACRON NE TIENDRA PAS TROIS ANS »
Bien que la prime de risque sur les actifs français ait augmenté en raison de l’incertitude politique, les analystes ont exclu un scénario de panique boursière. Le Cac 40 a terminé mercredi sur un gain de 0,66%.
Certains s’inquiètent cependant d’une crise « à petit feu » entretenue par l’incertitude politique dans un pays toujours sans budget pour l’an prochain.
Face à une Assemblée fragmentée, Emmanuel Macron avait mis deux mois à nommer Michel Barnier à Matignon.
Le chef de l’Etat, rentré en fin de journée d’un voyage en Arabie Saoudite, souhaite désigner cette fois un Premier ministre rapidement, ont déclaré trois sources à Reuters, si possible avant samedi, jour de la cérémonie de réouverture de la cathédrale de Notre-Dame de Paris selon l’une des sources.
« Rien n’est acté », a dit l’Elysée en réponse à une demande de commentaire.
Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, a appelé à la nomination « d’un Premier ministre de gauche conduisant la politique de la nation en cohérence avec la volonté de changement des électeurs qui nous ont fait confiance et une Assemblée qui cherche des compromis ».
A LFI qui réclame désormais la démission du président de la République, Emmanuel Macron a répondu cette semaine depuis Ryad qu’il comptait honorer son mandat « jusqu’à la dernière seconde ».
« La pression sur le président de la République sera de plus en plus forte », a cependant jugé Marine Le Pen sur TF1.
« Même avec un Barnier tous les trois mois, Macron ne tiendra pas trois ans », a quant à lui prédit le chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon, sur le réseau social X.
(Rédigé par Diana Mandiá, Kate Entringer et Jean-Stéphane Brosse, avec Elizabeth Pineau)