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Municipales: Comment Macron n’a pas gagné Paris

par Elizabeth Pineau et Michel Rose

PARIS (Reuters) – En cette veille de la Saint-Valentin, Emmanuel Macron arpente un glacier alpin menacé par le réchauffement climatique quand il reçoit via son application Telegram une embarrassante vidéo transmise par sa fidèle collaboratrice Sibeth Ndiaye.

    Sur les images qui ont déjà commencé à fuiter sur les réseaux sociaux, le candidat du parti présidentiel à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, filme son sexe et écrit des messages érotiques à une femme qui n’est pas son épouse.  « Il était stupéfait », dit un témoin de la réaction du président français. « Complètement incrédule. »

    Emmanuel Macron poursuit sans broncher le programme prévu et prononce un discours d’une heure, l’air un brin fébrile, bouillant intérieurement à l’idée de voir un fidèle disciple victime ce qu’il croit alors être un coup monté, raconte un proche.

    « Soyez-là pour lui », a-t-il dit au petit cercle d’alliés dévoués que leurs détracteurs surnomment les « Macron Boys » ou « les Mormons ». « Et s’il décide de rester, vous ferez bloc derrière lui. »

    Mais Benjamin Griveaux informe rapidement le président qu’il jette l’éponge. L’annonce est officielle au matin du vendredi 14 février, obligeant son camp à trouver d’urgence un candidat crédible à un mois du premier tour des élections municipales.

    Le lendemain, le chef de l’Etat s’entretient avec Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, qui lui fait part de son désir de s’engager en politique, à l’heure même où les prémices d’une épidémie née en Chine commence à inquiéter le monde.

    « Elle en avait très envie, il ne lui a pas tordu le bras », assure un membre de l’entourage de l’ex-ministre. Une autre source affirme toutefois que le président a aussi prévenu l’hématologue qu’il s’agissait pour elle d’un aller sans retour possible au gouvernement.

    Un confinement, des doutes et une poussive campagne de second tour plus tard, Agnès Buzyn est donnée par les derniers sondages pour le second tour de dimanche prochain avec un retard d’environ 20 points derrière la maire socialiste sortante, Anne Hidalgo.

    « On avait de l’or dans les mains, on l’a transformé en plomb. Maintenant il nous faut de l’humilité, du boulot, et on verra dans six ans », persifle une députée La République en marche (LaRem).

    Comment en est-on arrivé là, dans une capitale qui a voté à 80% pour Emmanuel Macron au second tour en 2017 et élu une douzaine de députés LaRem dans la foulée ?

    Aux dires de trois membres du gouvernement, d’une douzaine de parlementaires de la majorité et de proches du président interrogés par Reuters, les germes de l’échec ont été tôt plantés. De non-décisions en erreurs de jugement, de manque d’autorité en loyauté aveugle, l’ancien banquier de 42 ans et son mouvement créé il y a quatre ans ont montré la limite de leur sens politique.

    Longtemps, Paris a été jugée acquise au camp présidentiel. Malgré sa chute de popularité à l’échelle nationale, le président y recueille 33% des voix aux élections européennes de mai 2019, loin devant les Verts.

    Au début de l’été, la Commission d’investiture de LaRem désigne à l’unanimité Benjamin Griveaux, un homme réputé arrogant dont même les amis reconnaissent un « problème d’image ».

Ecarté, le député mathématicien Cédric Villani entre d’emblée en dissidence et ira au bout de son choix, jusqu’à recueillir un peu plus de 7% des voix le 15 mars 2020.

    « On n’a pas été à la hauteur, on n’aurait pas dû laisser passer ça, c’est une question d’autorité et de crédibilité », analyse avec le recul un député LaRem.

    Emmanuel Macron tentera lui-même en vain de faire changer d’avis le populaire scientifique lors d’une rencontre avec l’intéressé à l’Elysée un dimanche de janvier.

    « A l’Elysée, ils ont été trop arrogants une fois encore en pensant qu’il suffisait que le président le convoque pour le débrancher mais ça ne s’est pas passé comme ça », dit un membre de l’entourage de Cédric Villani.   

    Après le scandale Griveaux, le choix d’Agnès Buzyn a lui aussi fait débat, alimentant les critiques quant aux qualités de recruteur du chef de l’Etat.

    Novice en politique, la ministre de la Santé a abandonné son poste à Olivier Véran alors que survenait la plus grave crise sanitaire de ce début de siècle. Crise qu’elle avait prédite, si l’on en croit ses confidences déçues, mi-mars, à une journaliste du Monde où elle qualifie le premier tour de scrutin de « mascarade ».

    « Griveaux  et Buzyn c’était une double erreur de casting et au passage ils ont esquinté Cédric », grogne un proche du mathématicien. « La fonction politique nécessite de la préparation, de l’envie, du travail, du sang-froid du professionnalisme: ni plus ni moins. »

    Agnès Buzyn, qui a réenfilé sa blouse blanche à l’hôpital Percy de Clamart pendant le confinement, a beaucoup hésité à revenir dans la course aux municipales. Au point que LaRem a organisé le 21 mai une réunion entre têtes de listes parisiennes pour réfléchir à un remplaçant.

    « Oui, elle s’est posé la question. En politique on est plutôt habitués à des gens qui foncent tête baissée », défend un proche. « Il était normal que le parti se prépare à toutes les situations. »

« COMMENT PERDRE UNE ÉLECTION EN TROIS ANS »

Le mouvement dirigé par Stanislas Guerini, lui-même député de Paris et membre du premier cercle de la Macronie, pourrait sortir abîmé de ces élections qui devaient être un tremplin politique et s’annoncent au final plus que difficiles, avec la perte possible de mairies « Macron-compatibles » à Lyon, Bordeaux et Toulouse.

« On a accumulé tout ce qu’il ne faut pas faire. Ça pourrait faire un manuel d’histoire : comment perdre une élection en trois ans », juge sévèrement un membre du gouvernement. 

    Une députée LaRem ne pense pas qu’Emmanuel Macron soit le premier responsable. « En revanche, que LaRem n’ait pas pris la mesure de ce qu’était un parti après avoir critiqué tout le monde en 2017 sans rénover le champ partisan est une erreur fondamentale », observe-t-elle.

De l’aveu même de certains « macronistes », le manque de discipline voire la trahison sont dans l’ADN d’En Marche, fondé par un homme qui a brigué l’Elysée dans le dos de celui qui lui avait donné sa chance en le faisant nommer conseiller puis ministre, l’ancien président François Hollande.

    « Trop de gens se sont dits ‘Macron a été disruptif moi aussi je peux l’être' », dit un député LaRem.

En attendant les résultats de dimanche, le camp d’Agnès Buzyn fait mine d’y croire encore. « Depuis qu’un pangolin a arrêté la totalité de la planète, je ne m’étonne plus de rien et je sais que tout peut arriver », sourit – un peu jaune – un proche de l’ancienne ministre.

(Elizabeth Pineau et Michel Rose, édité par Jean-Michel Bélot)

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