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« On a perdu une trentaine d’années »: Le Brexit perturbe les chaînes d’approvisionnement de Boulogne-sur-Mer

par Richard Lough

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BOULOGNE-SUR-MER (Reuters) – Douze jours après le Brexit, qui a apporté son lot de nouvelles contraintes administratives, les fournisseurs français de poissons et fruits de mer suspendent leurs commandes en provenance de Grande-Bretagne et bataillent pour tenter de sauver leurs chaînes d’approvisionnement en flux tendu.

Les livraisons, expliquent à Reuters les importateurs de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, sont parfois retenues à la frontière à cause de noms latins de certaines espèces mal orthographiés sur les formulaires de douanes.

Certains produits sont aussi retardés à cause de certificats sanitaires ne portant pas les tampons requis, les agents français adoptant une politique de tolérance zéro à l’encontre des erreurs commises dans le laborieux processus d’étiquetage.

Tout cela conduit à une rupture des chaînes d’approvisionnement, alors que la France recevait, avant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 1er janvier, des langoustines écossaises en un peu plus de 24 heures après leur pêche.

Lorsqu’elles aboutissent, les livraisons prennent maintenant un ou deux jours supplémentaires.

« On a jamais connu des retards aussi conséquents », souligne Arnaud Mille, cadre commercial chez Demarne Frères, une entreprise spécialisée dans les produits de la mer pour qui la Grande-Bretagne représente la première source d’approvisionnement. « C’était apocalyptique. »

Les retards occasionnés font que les produits de la mer n’arrivent plus aussi frais qu’ils ne l’étaient précédemment. Sur l’un des chargements de crabes anglais arrivés samedi, avec un jour de retard, dans l’entrepôt d’Arnaud Mille, 20% des crustacés avaient péri.

Le Brexit a mis fin à une coopération établie depuis des décennies, regrettent certains importateurs de Boulogne-sur-Mer, le plus grand centre de tri de poisson en Europe.

« On a perdu une trentaine d’années », constate Arnaud Mille.

ENVOYER DU POISSON SUR MARS

Depuis le divorce entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne à l’initiative de Londres, les contrôles douaniers et formalités administratives, synonymes de coûts additionnels, ont été rétablis.

Ceux qui font transiter des produits de la mer vers l’Europe sont soumis à des conditions supplémentaires, notamment les vérifications sanitaires obligatoires.

Les agents de contrôle sanitaire effectuent des tests sur 15% des envois de poissons sauvages et 30% des envois de poisson d’élevage, explique Charles-Henri Goeury, chef du service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP).

Les exportations de poisson vers la Grande-Bretagne sont elles aussi touchées.

Le fait que les grossistes de Boulogne-sur-Mer doivent maintenant obtenir les autorisations, les signatures et les numéros d’immatriculation de chaque capitaine de navire rend impossible l’envoi de poissons en provenance de France, de Belgique et d’Espagne à un client britannique. De plus, les droits de douanes augmentent les coûts de plusieurs centaines d’euros.

Pierre Haem, responsable des exportations de la société l’Argonaute, déclare avoir passé plus de temps à la pêche aux papiers qu’à envoyer du poisson depuis le 1er janvier.

« Avant, envoyer du poisson à Londres était aussi facile que d’envoyer du poisson au bout de la rue. Maintenant c’est comme si on l’expédiait sur le planète Mars », plaisante-t-il.

(version française Camille Raynaud, édité par Jean-Stéphane Brosse)

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