L’UEFA a violé le droit européen en bloquant une Super Ligue
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé jeudi que la Fifa et l’UEFA avaient abusé de leur position dominante et violé le droit de l’UE en s’opposant à la formation d’une Super Ligue par l’élite des clubs de football européen, une décision qui pourrait bouleverser l’organisation du sport à l’échelle du continent.
Dans son arrêt, la CJUE a jugé que les règles interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à toute compétition non autorisée par la Fédération internationale de football association (Fifa) et l’Union des associations européennes de football (UEFA), sous peine de sanctions, étaient « illégales » et « contraires au droit de la concurrence et à la libre prestation de services » et constituaient un abus de position dominante.
« En effet », a-t-elle expliqué dans un communiqué, « les pouvoirs de la Fifa et de l’UEFA ne sont encadrés par aucun critère assurant leur caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné. »
« Une compétition telle que le projet de Super Ligue ne doit pas pour autant être nécessairement autorisée », a cependant souligné le tribunal. « En effet, la Cour étant interrogée, de façon générale, sur les règles de la Fifa et de l’UEFA, elle ne prend pas position, dans son arrêt, sur ce projet spécifique. »
L’UEFA organise des compétitions de football en Europe depuis près de 70 ans et voit d’un mauvais oeil la création d’une Super Ligue européenne, une compétition fermée réunissant les meilleurs clubs du continent, qui pourrait concurrencer sa lucrative Ligue des champions.
Prenant acte de la décision de la CJUE, l’UEFA a relevé que le tribunal n’avait pas donné son feu vert à la création d’une Super Ligue et assuré qu’elle avait modifié ses règles pour répondre aux problèmes soulevés par la CJUE.
« L’UEFA est confiante dans la robustesse de ses nouvelles règles, en particulier dans le fait qu’elles se conforment à toutes les lois et réglementations européennes », a-t-elle dit dans un communiqué.
« LE FOOTBALL EST LIBRE »
L’idée d’une Super Ligue européenne est évoquée depuis la fin des années 1990.
En avril 2021, douze clubs dont le Real Madrid, le FC Barcelone et la Juventus de Turin en ont annoncé officiellement la création.
Mais au bout de 48 heures, face aux menaces de sanctions et aux protestations de nombreux supporters et de certains joueurs et gouvernements, les clubs anglais impliqués (Manchester United, Liverpool, Manchester City, Chelsea, Tottenham Hotspur, Arsenal) ainsi que le Milan AC, l’Inter Milan et l’Atletico Madrid se sont retirés.
Seuls le Real Madrid et le FC Barcelone continuent encore de promouvoir cette Super Ligue, la Juve ayant renoncé cette année après le départ en novembre 2022 de son ancien président Andrea Agnelli, partisan enthousiaste du projet.
Réagissant à l’arrêt de la CJUE, la société A22 Sports Management, qui promeut la Super Ligue et dénonçait le monopole de l’UEFA et de la Fifa au nom du principe européen de libre concurrence, n’a pas masqué sa satisfaction.
« Nous avons gagné. Le monopole de l’UEFA est terminé. Le football est LIBRE », a déclaré le directeur général de l’entreprise, Bernd Reichard, sur le réseau social X.
La société a présenté peu après l’arrêt de la CJUE un nouveau projet de compétition réunissant 64 équipes masculines et 32 équipes féminines européennes, avec des matches en milieu de semaine.
L’homme d’affaires Florentino Perez, président du Real Madrid, a salué un « grand jour pour le football et le sport ».
« Le football est désormais dans les mains des clubs, des joueurs et des supporters », s’est-il félicité.
« La viabilité à long terme du football européen nécessite la création d’un concept selon les principes de la Super Ligue », a déclaré le FC Barcelone dans un communiqué.
Manchester United a exprimé une voix légèrement discordante au niveau des clubs en affirmant son engagement à participer aux compétitions organisées par l’UEFA.
La Ligue de football professionnel (LFP), en France, a « réaffirm(é) son attachement fort aux compétitions de l’UEFA », soulignant que « les principes de méritocratie qui régissent le football européen constituent des éléments fondamentaux ». Son homologue espagnole a pour sa part fustigé « un modèle égoïste et élitiste ».
Plusieurs clubs cotés en Bourse comme la Juventus et la Lazio de Rome ont vu leur action grimper de 8% à l’annonce du jugement, qui sera désormais examiné par la justice espagnole.
(Avec Inti Lauduro, Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Blandine Hénault)