Libye: Plus de 2.000 morts à Derna, 10.000 disparus après les inondations
par Ayman Werfali et Ahmed Elumami
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DERNA, Libye (Reuters) – Plus de 2.000 personnes sont mortes et au moins 10.000 autres étaient toujours portées disparues mardi après les violentes inondations ayant frappé Derna, dans le nord-est de la Libye, où une tempête méditerranéenne a emporté des pans entiers de la ville côtière, détruisant des digues et des immeubles.
Les autorités s’attendent à ce que le bilan continue de s’alourdir après le passage de la tempête Daniel, qui a aussi touché plusieurs autres villes du littoral dont Benghazi, la deuxième ville du pays, après avoir frappé la semaine dernière la Turquie et la Grèce.
A Derna, ville d’environ 125.000 habitants, des journalistes de Reuters ont constaté la dévastation laissée par la tempête dans plusieurs quartiers, dont les bâtiments ont été balayés par les eaux et où des véhicules gisaient sur le toit dans des rues couvertes de boue et de débris.
Le directeur d’un hôpital de la ville a déclaré mardi à Reuters que le bilan s’élevait à 2.200 morts. Mohamad al-Qabisi, qui dirige l’hôpital Wahda, a précisé que 1.700 personnes avaient péri dans l’un des deux districts de Derna et 500 supplémentaires dans l’autre district.
Des cadavres jonchaient la rue devant l’entrée d’un hôpital bondé. Certains habitants regardaient sous les linceuls, à la recherche de leurs proches disparus.
Le long d’une route menant à Derna, les ravages de la tempête étaient aussi apparents, entre voitures retournées, arbres déracinés et maisons inondées laissées à l’abandon.
UN QUART DE LA VILLE A « DISPARU »
« Des cadavres sont partout – en mer, dans les vallées, sous les bâtiments », a déclaré par téléphone à Reuters le ministre de l’Aviation civile du gouvernement contrôlant l’Est libyen, Hichem Chkiouat, dans la foulée de sa visite à Derna.
« Je n’exagère pas en disant que 25% de la ville a disparu. De très, très nombreux bâtiments se sont effondrés », a-t-il ajouté.
Hichem Chkiouat a déclaré par la suite à Al Djazira qu’il s’attendait à ce que le nombre de morts grimpe à 2.500, au vu du nombre croissant de personnes disparues.
Le chef d’une délégation de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFCR) a déclaré que le nombre de morts serait « immense ».
« Nous pouvons confirmer, grâce à nos sources indépendantes d’informations, que le nombre de disparus a atteint 10.000 personnes jusqu’ici », a dit Tamer Ramadan lors d’une visioconférence avec des journalistes.
Le Conseil norvégien des réfugiés a déclaré que la catastrophe avait fait des dizaines de milliers de déplacés sans perspective de pouvoir retourner chez eux.
Depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye a connu une succession de conflits internes et s’est coupée en deux sur le plan institutionnel, avec des exécutifs rivaux, l’un à Tripoli, la capitale, l’autre à Benghazi, dans l’est. Les services publics se sont effondrés à travers le pays.
Le gouvernement d’unité nationale reconnu par la communauté internationale, basé à Tripoli, ne contrôle pas l’est du pays mais a envoyé de l’aide à Derna. Au moins un avion a quitté dans la journée l’aéroport de Misrata, dans l’ouest, a rapporté un journaliste de Reuters présent à bord de l’appareil.
MACRON ANNONCE L’ENVOI D’UNE AIDE FRANÇAISE
Via le réseau social X (anciennement Twitter), le directeur de l’aide humanitaire de l’Onu, Martin Griffiths, a annoncé que des équipes de secours étaient mobilisées pour venir en aide sur le terrain.
Plusieurs pays, dont la Turquie, ont dépêché de l’aide en Libye, avec l’envoi notamment de véhicules de recherche et secours, de bateaux, de générateurs électriques et de denrées alimentaires.
A Paris, l’Elysée a fait savoir que le président Emmanuel Macron avait décidé d’envoyer de l’aide d’urgence, en accord avec les autorités du pays, et s’était entretenu avec le président du Conseil présidentiel libyen.
L’Egypte, le Qatar, l’Iran, l’Allemagne et l’Italie figurent parmi les pays qui se sont déclarés prêts à envoyer de l’aide. Les Etats-Unis ont également indiqué qu’ils se coordonnaient avec leurs partenaires de l’Onu et les autorités libyennes pour déterminer comment participer aux opérations de secours.
Un porte-parole du ministère libyen de l’Intérieur a déclaré sur la chaîne Al Djazira que des équipes maritimes menaient des recherches pour retrouver « les nombreuses familles qui ont été aspirées en mer dans la ville de Derna ».
« Nous n’avons rien pour sauver les gens (…) Pas de machines (…) Nous demandons de l’aide urgente », a déclaré Khalifah Touil, un ambulancier, à la télévision libyenne.
Dans une étude publiée l’an dernier, l’hydrologue Abdelwanees Achour, de l’université libyenne Omar Al-Moukhtar, a écrit que les crues répétées des cours d’eau saisonniers représentaient une menace pour Derna.
Citant cinq inondations depuis 1942, il appelait à des mesures immédiates pour garantir un entretien régulier des digues. « Si une inondation importante se produit, la conséquence serait catastrophique pour la population (…) », est-il dit dans le document.
(Reportage Tarek Amara à Tunis, Ayman Werfali à Derna, avec Ahmed Elumami, Laila Bassam, Friedrieke Heine, Angus McDowall; version française Blandine Hénault, Zhifan Liu et Jean Terzian, édité par Bertrand Boucey)
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