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Brexit: Paris demande à l’UE de protéger ses pêcheurs, menace Londres de représailles

Paris a encore haussé le ton contre Londres mercredi, appelant l’Union européenne à des représailles après le refus du gouvernement britannique et de celui de Jersey d’accorder des licences à des pêcheurs français.

Au sortir d’une réunion avec les professionnels du secteur, la ministre française de la Mer, Annick Girardin, s’est fixé un délai de 15 jours pour convaincre Bruxelles de prendre des mesures de rétorsion prévues en cas de non respect de l’accord signé dans le cadre du Brexit.

Ce sujet « est la démonstration de la mauvaise volonté des Britanniques », a-t-elle déclaré à la presse. « J’en appelle à la protection de l’Europe. »

« Sur tous les sujets les Britanniques traînent les pieds ou font en sorte de ne pas tenir leur engagement. Donc on a tout intérêt à revenir au niveau européen (…) et demander à la Commission de mettre en place les mesures de rétorsion prévues dans l’accord », a-t-elle ajouté.

Des représailles pourraient aussi être décidées côté français, a-t-elle dit, indiquant que le président Emmanuel Macron et le Premier ministre Jean Castex avaient demandé aux membres du gouvernement « d’identifier des mesures de rétorsion ».

Interrogée sur les ripostes possibles, Annick Girardin a évoqué la fourniture d’énergie, l’accueil des étudiants en France, le ferroviaire, les flux commerciaux.

Présent à la réunion, Romain Davodet, pêcheur au Carteret (Manche), a dit sa déception.

« On a passé neuf mois à recueillir des données, tous les services de l’Etat, tous les pêcheurs, donc ce n’est pas normal qu’il n’y ait que 37% des licences demandées qui soient définitives aujourd’hui », a-t-il déclaré, déplorant la « mauvaise foi » des Britanniques.

« On espère des mesures de rétorsion franches, fortes, efficaces. Et que les pays européens nous soutiennent », a ajouté ce pêcheur de homards et de bulots. « Si on est dans l’Europe, il faut qu’on soutienne ceux qui sont dans l’Europe sinon ça ne sert plus à rien. »

TENSIONS

Londres a accordé aux bateaux français 12 licences d’accès à ses eaux sur les 47 demandées par Paris.

Le Royaume-Uni s’est dit ouvert à la discussion tout en estimant que les exploitants des bateaux déboutés n’avaient pas apporté la preuve qu’ils pêchaient dans ses eaux avant le Brexit, condition nécessaire pour continuer à exercer dans la zone de 6-12 milles nautiques correspondant aux eaux territoriales britanniques.

« Notre approche a été raisonnable et pleinement conforme à nos engagements de l’Accord de commerce et de coopération », a déclaré un porte-parole du gouvernement britannique en référence à l’accord de libre-échange conclu entre Londres et l’Union européenne.

De son côté, le gouvernement de l’île anglo-normande de Jersey a accordé 64 licences définitives et 31 provisoires à des bateaux français pour pêcher dans ses eaux, tout en refusant 75 autres demandes.

Selon Annick Girardin, le gouvernement britannique n’a délivré au total que 100 licences sur les 175 demandées par la France.

Londres dit pour sa part avoir accordé des permis de pêche à près de 1.700 navires dans la zone des 12 à 200 milles nautiques et 105 autres licences pour les navires exerçant dans la zone des 6-12 milles nautiques à l’appui de preuves d’une antériorité d’exercice.

Ce différend s’inscrit dans un contexte de tension entre Paris et Londres, encore aggravé par l’annulation récente d’un contrat entre la France et l’Australie pour la construction de 12 sous-marins, remplacé par un accord entre Canberra, Londres et Washington.

Selon deux sources diplomatiques, des instructions ont été données aux diplomates français pour limiter les contacts avec le Royaume-Uni.

Sur le sujet de la pêche, « la balle est clairement dans le camp des Britanniques », souligne un proche d’Emmanuel Macron. « C’est une question qui tient vraiment à la gestion des turbulences post-Brexit. »

 

(Reportage Elizabeth Pineau à Paris et Paul Sandle à Londres, avec la contribution de Richard Lough et de John Irish)

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