Des cas de viols perpétrés au Niger, des éléments du contingent tchadien indexés
Dans un communiqué de presse du 2 avril 2021, signé par son président, le Professeur Emérite Khalid Ikhiri, la Commission nationale des droits humains (CNDH) du Niger, a confirmé des allégations de viols perpétrés par des soldats tchadiens à Tera.
Cette confirmation arrive après une mission d’investigation et d’établissement des faits à Tera, dans la région de Tillabéri. Les faits datent du mois de mars dernier et la mission est entreprise du 31 mars au 1er avril 2021.
Il s’agit, en effet, des allégations de viols attribués par les populations à certains éléments du contingent militaire tchadien récemment installé dans le département de Tera. Ces éléments sont à Tera dans le cadre du déploiement de la force conjointe du G5 Sahel pour la lutte contre le terrorisme dans la « zone des trois frontières » située à l’intersection du Niger, du Mali et du Burkina Faso.
Les conclusions de la mission de la CNDH sont pour le moins graves. « Il ressort des entretiens et des premières analyses médico-légales, qu’il y a eu effectivement des viols sur une fille mineure de 11 ans en classe de CE2 et de deux femmes mariées (dont une enceinte) âgées de 23 ans et 32 ans, toutes les deux mères de plusieurs enfants ». Par ailleurs, « pour les deux femmes, ces actes odieux ont été commis en présence de leurs maris sous menace d’arme à feu par les agresseurs ».
De plus, « la mission a échangé avec cinq autres femmes ayant fait l’objet de tentative de viol mais qui ont réussi à s’enfuir quand ces hommes armés s’étaient introduits dans leurs maisons ». Et « certaines victimes de viols n’ont pas voulu témoigner par peur d’être stigmatisées dans un contexte de pression socioculturelle ».
Outre ces cas, « la mission a fait le constat d’agressions et de confiscation de biens sur des paisibles citoyens sans compter la présence de ces mêmes éléments du contingent tchadien dans la ville, circulant sans encadrement avec des armes lourdes et légères ».
Ces conclusions de la CNDH s’appuient sur « des informations collectées auprès des personnes témoins, des parents des victimes et elles s’appuient sur les résultats de l’expertise médico-légale du médecin légiste, expert en évaluation juridique du dommage corporel, assermenté en médecine légale près les Cours et Tribunaux du Niger ».
Entre autres recommandations, la CNDH exige la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur ces actes. Elle insiste aussi sur la nécessité de traduire les coupables devant les juridictions compétentes pour que justice soit rendue.
Le 3 avril 2021, l’Etat-major général des armées du Tchad s’est indigné de ces cas de viols imputables à certains éléments du bataillon tchadien basé à Tera. Il a condamné ces actes ignobles et s’est « totalement désolidarisé de ce comportement indigne », prenant aussitôt des mesures conservatoires pour suspendre les présumés coupables.
La haute hiérarchie militaire tchadienne a également présenté ses compassions aux victimes ainsi qu’à leurs familles. Elle a enfin annoncé l’ouverture immédiate d’une enquête aux fins de situer les différentes responsabilités, promettant que des sanctions seront prises lorsque la culpabilité des éléments mis en cause sera établie.
Toujours est-il qu’en dépit de l’implication salutaire du Tchad dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, cette situation de Tera ne contribue qu’a écorner l’image d’une armée tchadienne déjà décriée, entre autres, par International Crisis Group dans son rapport Afrique n°298 du 22 janvier 2021. Ce rapport faisait état de problèmes d’indiscipline récurrents dans cette Grande Muette.
Yamingué Bétinbaye
Docteur en géographie