En Afrique, les propos du Pape François sur l’homosexualité heurtent les sensibilités
Le 21 octobre 2020, la diffusion du film « Francesco » au Festival international du film de Rome a révélé des propos du Pape François qui semblent annoncer une ouverture du Vatican en direction des droits des homosexuels. En Afrique, et en particulier au Tchad, ces déclarations du Souverain Pontifie créent un malaise dans les rangs des fidèles.
« Les personnes homosexuelles ont droit à être dans une famille, ce sont des enfants de Dieu, elles ont droit à une famille » a dit le Pape François dans un extrait du film. Il a complété en disant qu’« on ne peut évincer personne d’une famille, ni lui rendre la vie impossible à cause de cela. Ce que nous devons faire, c’est une loi d’union civile, elles ont le droit d’être légalement protégées. »
Ces propos du Pape sont tirés du documentaire-portrait « Francesco » présenté par Evgeny Mikhailovich Afineevsky, un réalisateur, producteur et directeur de la photographie juif d’origine russo-américaine et résidant aux USA. Ils viennent s’ajouter à une interrogation du Souverain Pontifie en juillet 2013 sur la même question des droits des homosexuels qui avait déjà intrigué plus d’un. Il disait, en effet, que « si une personne est homosexuelle et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? »
Si ailleurs, ces déclarations du Pape François sont aisément mises sur la table, ce n’est pas forcément le cas dans le contexte africain où la pudeur, le respect et le tabou sont souvent convoqués pour éviter de commenter le point de vue des références morales et autres personnalités publiques. C’est ainsi qu’à N’Djaména, au Tchad, le Curé de la Paroisse du Sacré Cœur de Chagoua, l’Abbé Alain Mesdingam, a préféré constaté que « les propos des autorités religieuses sont souvent mal interprétés ».
Entretemps, sur les réseaux sociaux, certaines voix osent se lever. Chrétien catholique et journaliste à l’Agence Tchadienne de Presse et d’Edition, Henri Badoum Oumandé estime que « la position du Pape ne signifie pas que l’Eglise catholique cautionne cette pratique contre nature. Cependant, en se basant sur les Saintes Ecritures, l’Eglise veut donner une chance à cette catégorie de se repentir, car le rôle de l’Eglise est d’amener les âmes perdues vers Dieu et non le contraire, sinon on ne dirait jamais que Dieu est miséricordieux ».
D’autres chrétiens n’hésitent pas à dire qu’ils sont offusqués par les propos du Saint Père. « J’ai écouté la déclaration du Pape qui est la première personnalité de l’Eglise catholique et j’ai une mauvaise perception de cette sortie », concède Djimlem Augustin, lui aussi chrétien catholique, chercheur en sciences politiques et responsable du département des Etudes et Edition du Centre Al Mouna, un centre culturel d’obédience catholique basé à N’Djaména. Il soutient que « Dieu a créé Adam et Eve pour perpétuer la vie humaine. C’est donc inconcevable en tant que chrétien confirmé d’admettre qu’un homme puisse transformer un autre homme comme sa compagne à vie ».
Tout en craignant que la déclaration du Souverain Pontife ne « crée un effondrement social », Djimlem Augustin trouve que « cette sortie du Pape va ouvrir la boîte de Pandore, puisque tous les chrétiens sont loin d’être dans le même élan de compréhension que le Pape. Ils n’ont ni le même degré de culture, ni la même perception des choses que le Pape ».
En Afrique, la parole du Pape François ne laisse pas indifférents les membres des communautés chrétiennes autres que catholiques. Saint Armand Nagué Kodebri, évangéliste baptiste et aumônier au Complexe Scolaire Evangélique « Le Baptiste » de N’Djaména, s’est dit touché par les propos du Pape. « Cette déclaration m’a perturbé dans ma foi et je m’y oppose. Accepter les homosexuels est-il conforme aux enseignements de la Bible, quand on sait que Dieu avait châtié Sodome et Gomorrhe à cause de telles pratiques ? Cette déclaration n’est pas du tout biblique, elle privilégie seulement un angle social. Or, en tant qu’Africain, j’observe aussi que nos us, au même titre de la Parole de Dieu, interdisent l’homosexualité ».
Selon l’écrivain et anthropologue tchadien, Dr Hoinathy Rémadji, « le discours du Pape n’a pas laissé indifférent sur le continent Africain. Les très rares personnes avec qui j’ai eu l’opportunité de discuter sont tous retournés. Les gens sont perdus. Si vous voulez la vérité, c’est que les fidèles catholiques africains sont perdus. (…) Ceux et celles avec qui j’ai discuté sont clairs : ils ne sont pas d’accord avec cette pratique et ils ne sont pas d’accord avec cette position du Pape si elle venait à devenir une position de l’Eglise ». Il observe que « l’autorité du Souverain Pontife, ou l’autorité de sa parole risque de s’en trouver amoindrie, si jamais des clarifications ne sont pas faites explicitement sur la position de l’Eglise sur cette question de l’homosexualité ».
Yamingué Bétinbaye
Docteur en géographie