Au Cameroun, une nouvelle taxe sur les téléphones fait grincer des dents
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Dès ce 15 octobre 2020, une « nouvelle taxe » va entrer en vigueur sur tous les téléphones et tablettes qui vont pénétrer le territoire camerounais. Une mesure qui fait grincer des dents l’opinion publique…
C’est par les hashtags #EndPhoneTax et #EndPhoneTaxBrutally que les internautes camerounais enflamment la toile, pour manifester leur désapprobation quant à la « nouvelle taxe » concernant l’entrée des téléphones portables sur le territoire camerounais.
La mesure date pourtant de la Loi des Finances 2019, votée et adoptée par l’Assemblée nationale camerounaise, mais c’est le 29 septembre dernier que dans un communiqué conjoint, les ministres des Finances et des Postes et Télécommunications ont rendu publique cette annonce.
Concrètement, cela signifie que ce sont désormais les consommateurs qui devront payer les frais de dédouanement de leurs nouveaux terminaux électroniques. En effet, l’Administration camerounaise souhaite réduire les interactions entre les importateurs et les agents douaniers, interactions ayant abouti à des conflits d’intérêt, à une collusion malsaine et naturellement à diverses formes de corruption.
Il s’agit surtout de redresser les performances de la Douane en terme de recouvrement sur ce type d’équipements, car l’assiette s’évalue aujourd’hui à 100 millions FCFA par mois, au lieu de 2 000 000 000 (deux milliards) FCFA au début des années 2000. Des recettes qui sont en contradiction avec la croissance exponentielle des téléphones qui entrent sur le territoire camerounais, puisqu’on parle actuellement de quatre millions d’appareils par an. De plus, les terminaux récents sont plus modernes et plus sophistiqués, plus chers, et donc leur dédouanement devrait naturellement être plus rentable : « Dans notre réflexion, il s’est trouvé qu’il fallait élargir les niches de recettes fiscales mais aussi surtout dénicher les niches qui demeuraient inexplorées. Dans ce registre-là, les téléphones sont apparus comme l’une des niches de recettes fiscales », explique Guy Innocent Diffouo, chef cellule législation à la Direction générale des douanes.
Minette Libom Li Likeng (la ministre des Postes et télécommunications) rappelle qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle taxe, mais plutôt de frais qui étaient déjà existants mais dont les importateurs contournaient le reversement. En rapportant cette taxe à la charge du consommateur, les autorités promettent que les téléphones et tablettes seront désormais moins chers dans les magasins électroniques ; puisque les revendeurs n’ont plus à supporter les tarifs douaniers.
Comment va se passer le recouvrement ?
En théorie, tous les téléphones portables qui ont été activés avant la date du 1er octobre 2020, ne seront pas concernés par cette taxation. Par contre, dès qu’un appareil sera connecté pour la première fois à un réseau téléphonique camerounais (Orange, MTN, Nexttel, Yoomee, Camtel), son possesseur recevra un SMS instantané qui l’informera sur le montant de la taxe à laquelle il devra souscrire. Ce montant équivaudra à 33 % de la valeur d’usine estimée de son équipement, mais cette valeur a été plafonnée à 200 000 FCFA pour les smartphones les plus sophistiqués. L’utilisateur sera ensuite invité à solder cette taxe suivant un paiement unique ou alors à travers plusieurs traites. Il va sans dire que les compagnies téléphoniques seront, à travers cette opération, transformées en agents de recouvrement des Impôts.
Pour les étrangers qui utilisent une puce étrangère en roaming, pas d’inquiétude : la taxation n’est opérée que lorsqu’un nouveau téléphone se connecte pour la première fois à un réseau camerounais, et ce n’est que dans ce cas-là que les informations concernant son IMEI et son terminal feront l’objet d’une imposition.
Quoi qu’il en soit, la nouvelle a fait grincer des dents. On a beau leur expliquer, les Camerounais voient en cette disposition une énième forme « d’escroquerie » de la part de leur Gouvernement, puisqu’ils se plaignent qu’il n’y a pas assez de routes et il n’y a pas assez d’hôpitaux. On ne sait toujours pas à quoi sert l’argent du péage routier par exemple, puisque cette collecte a été confiée à un privé et paradoxalement celui-ci ne renvoie aucune traçabilité claire.
Vivement que cette nouvelle mesure ne vienne pas raviver les tensions sociales qui sont déjà assez exacerbées au Cameroun.
Ecclésiaste Deudjui
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