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Séismes: Le bilan s’alourdit à plus de 33.000 morts en Turquie et Syrie

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par Ali Kucukgocmen et Henriette Chacar

ANTAKYA, Turquie (Reuters) – Six jours après les puissants séismes qui ont frappé la Turquie et la Syrie, les sauveteurs ont encore sorti dimanche des décombres des personnes vivantes, tandis que les autorités turques s’efforcent de maintenir l’ordre dans les zones sinistrées et ont engagé des poursuites à l’encontre de personnes accusées d’être responsables de l’effondrement de certains bâtiments.

Alors que les chances de retrouver des survivants s’amenuisent, le bilan, désormais évalué à plus de 33.000 morts en Syrie et en Turquie, pourrait encore s’alourdir. C’est d’ores et déjà la sixième catastrophe naturelle la plus meurtrière du siècle, devant les 31.000 morts du tremblement de terre qui a secoué l’Iran en 2003.

Dans le détail, les séismes de lundi dernier ont tué 29.605 personnes en Turquie et plus de 3.500 en Syrie, selon les derniers bilans communiqués il y a deux jours.

La Turquie a indiqué qu’environ 80.000 personnes étaient hospitalisées et plus d’un million de personnes réfugiées dans des abris temporaires.

Dans la ville d’Antakya, dans le sud de la Turquie, une équipe de sauveteurs chinois et de pompiers turcs a pu secourir dimanche Malik Milandi, un Syrien de 54 ans, qui a survécu 156 heures dans les décombres.

Un père et sa fille, un bébé, ainsi qu’une fillette de 10 ans ont également été extraits des décombres dimanche, mais de tels miracles devraient se raréfier.

Lors d’un enterrement près de la ville turque de Reyhanli, des femmes voilées gémissaient, tandis que des corps sans vie étaient déchargés des camions, certains dans des cercueils, d’autres parfois simplement enveloppés dans des couvertures.

Sur la route menant à la ville turque de Kahramanmaras, un gros camion était rempli à ras bord de cercueils en bois.

L’AIDE EN SYRIE BLOQUÉE

Dans le nord-ouest de la Syrie, tenu par les rebelles et en proie à une guerre civile depuis 12 ans, les stigmates du séisme sont encore plus visibles, la région ayant reçu peu d’aide comparativement aux zones tenues par les forces gouvernementales.

L’aide dans les zones rebelles a été en partie retardée, faute du feu vert du groupe islamiste Hayat Tahrir al Cham (HTS) qui contrôle une partie du Nord-Ouest syrien, a expliqué Jens Laerke, porte-parole de l’Onu.

Une source au sein de HTS à Idlib a déclaré à Reuters que le groupe n’autoriserait aucune expédition depuis les zones tenues par les forces gouvernementales syriennes et que l’aide devra passer par le nord de la Turquie.

« La Turquie a ouvert toutes les routes et nous ne laisserons pas le régime (syrien) profiter de la situation pour montrer qu’il aide », a dit la source.

Les Nations unies espèrent intensifier les opérations de secours au niveau de la frontière entre la Syrie et la Turquie en ouvrant deux autres points de passage pour permettre l’acheminement de l’aide, a déclaré Jens Laerke.

« Pour le moment, nous avons laissé tomber les habitants du nord-ouest de la Syrie », a déploré sur Twitter Martin Griffiths, le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires humanitaires, qui s’est rendu à la frontière turco-syrienne, où un unique poste frontalier achemine pour l’instant l’aide de l’Onu.

« Ils se sentent à juste titre abandonnés », a-t-il ajouté, promettant de redoubler d’efforts pour améliorer rapidement la situation.

Martin Griffiths se rendra lundi dans la ville d’Alep, dans le nord de la Syrie, pour évaluer les dégâts du séisme et plaider pour une assistance en faveur des zones contrôlées par les forces gouvernementales syriennes et celles tenues par les rebelles.

Une première aide de l’Union européenne destinée aux zones de la Syrie tenues par les forces gouvernementales est arrivée à Damas dimanche.

DES PILLEURS SIGNALÉS

Dans la ville turque de Kahramanmaras, proche de l’épicentre du séisme, les personnes déplacées ont déclaré avoir choisi d’installer des tentes aussi près que possible de leurs logements endommagés ou détruits afin d’éviter des vols.

Critiqué pour la gestion de la catastrophe, le président turc Recep Tayyip Erdogan, candidat à sa réélection en juin, s’est engagé à lancer la reconstruction des logements détruits dans quelques semaines.

Il a également menacé d’une sévère punition les personnes tentant de profiter de la situation pour se livrer à des vols.

Gizem, une secouriste dans la province de Sanliurfa (sud-est), a déclaré avoir vu des voleurs dans la ville d’Antakya. « Nous ne pouvons pas beaucoup intervenir car la plupart des pilleurs sont armés de couteaux ».

A Kahramanmaras, une personne âgée a déclaré que des bijoux en or avaient été dérobés à son domicile, tandis que dans la ville portuaire d’Iskenderun, la police a été déployée aux carrefours des artères commerçantes qui abritent nombre de magasins de téléphonie et de bijouteries.

Deux associations allemandes d’aide ont suspendu leur opérations en Turquie samedi, évoquant des cas d’affrontements entre divers groupes et des craintes en matière de sécurité dans les zones touchées par les séismes.

INTERROGATIONS SUR LES NORMES ANTISISMIQUES

Sur le plan politique, une polémique a éclaté sur les normes de construction en Turquie, qui se trouve sur plusieurs lignes de faille sismique.

Le vice-président turc, Fuat Oktay, a déclaré que 131 personnes avaient été identifiés à ce jour comme responsables de l’effondrement d’une partie des milliers de bâtiments rasés dans les dix provinces touchées.

« Nous assurerons un suivi méticuleux du dossier jusqu’à la conclusion de la procédure judiciaire, en particulier pour les bâtiments qui ont subi de lourds dégâts et ceux qui ont provoqué des morts et des blessés », a-t-il déclaré.

Des proches des victimes du tremblement de terre et une partie de l’opposition ont accusé le gouvernement d’avoir tardé à agir, jugeant par ailleurs insuffisants ses efforts. Ils notent que l’armée, qui a joué un rôle important lors du tremblement de terre de 1999, n’a pas été mobilisée au départ.

Le président turc a reconnu l’existence de quelques problèmes, notamment dans l’acheminement de l’aide, mais il a affirmé que la situation n’a jamais été hors de contrôle. Il a appelé à la solidarité et condamné les manoeuvres politiques « négatives ».

(Reportage Ali Kucukgocmen à Antakya et Henriette Chacarà Elbistan, avec Umit Bektas à Antakya, Maya Gebeily à Adana, Daren Butler et Yesim Dikmen àIstanbul, Ece Toksabay à Ankara, Timour Azhari à Beyrouth,Suleiman al-Khalidi à Amman; rédigé par Clarence Fernandez etDominic Evans; version française Claude Chendjou)

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