La Chine n’imposera pas, pour le moment, de mesures anti-dumping sur le cognac européen
par Casey Hall, Alessandro Parodi et Emma Rumney
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PÉKIN (Reuters) – La Chine a annoncé jeudi qu’elle n’imposerait pas pour le moment de mesures anti-dumping sur le cognac importé de l’Union européenne, malgré les résultats d’une enquête concluant que des mesures de dumping ont été mises en place par Bruxelles.
Ce « geste » devrait conférer aux deux parties une marge de manoeuvre dans des négociations commerciales tendues.
Le ministère chinois du Commerce a déclaré dans un communiqué que les vendeurs de spiritueux de l’UE avaient vendu des eaux-de-vie de vin sur son marché (1,4 milliard de consommateurs) avec une marge comprise entre 30,6% et 39,0%, impactant ainsi son marché domestique.
« Des mesures anti-dumping provisoires ne seront pas prises dans ce cas pour l’instant », précise le communiqué du ministère chinois du Commerce, qui laisse toutefois la porte ouverte à une action future de Pékin.
Les autorités chinoises avaient précédemment déclaré que l’enquête devrait prendre fin au plus tard le 5 janvier 2025, mais qu’elle pourrait être prolongée « dans des circonstances particulières ».
La Chine a fait pression sur les 27 États membres pour qu’ils rejettent la proposition de la Commission européenne d’adopter des droits de douane supplémentaires allant jusqu’à 36,3% sur les véhicules électriques fabriqués en Chine.
Cette décision de ne pas imposer de droits de douane supplémentaires pour l’instant sur le cognac pourrait donc être considérée comme une stratégie de la Chine pour convaincre l’UE de réduire ses taxes sur les véhicules électriques.
« Cela ressemble à une tactique de négociation de la part de la Chine », a déclaré Laurence Whyatt, analyste chez Barclays.
Un porte-parole de la Commission européenne a toutefois dit que la décision chinoise n’influencerait pas les droits de douane imposés par Bruxelles sur les véhicules électriques, décrivant les deux enquêtes comme des « pistes distinctes ».
L’exécutif européen a par ailleurs déclaré dans une déclaration qu’il suivait l’enquête « de très près », tout en soulignant que son évaluation détaillée montrait que le bien-fondé de l’enquête chinoise était « discutable ».
« La Commission suivra donc attentivement l’enquête pour s’assurer que les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont respectées (…) et n’hésitera pas à prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre les exportateurs de l’UE », a-t-elle dit.
LA FRANCE DANS LE VISEUR
La France, pays à l’origine de 99% des importations chinoises de cognac en 2023, est considérée comme la cible de l’enquête de Pékin, en raison de son soutien à l’imposition par Bruxelles de droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques chinois.
La décision provisoire de la Chine n’apaise toutefois pas les craintes du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) quant à l’imposition éventuelle de droits de douane.
S’ils étaient instaurés, ces droits de douane auraient un impact important sur les exportations de cognac vers la Chine, qui représentent un quart de ses exportations, a dit l’organisation.
« C’est toute une filière qui serait désormais la victime collatérale d’un conflit qui la dépasse », souligne la BNIC dans un communiqué, ajoutant attendre de la France et de l’Union européenne qu’elles négocient immédiatement la non-application et l’abandon de ces droits.
Les actions des fabricants français de spiritueux Rémy Cointreau et Pernod Ricard >PERP.PA>, qui ont bondi d’environ 8% après l’annonce, progressaient d’environ 3% vers 14h09 GMT.
Les échanges sur l’italien Campari ont été automatiquement suspendus à Milan après que le titre a grimpé de 4,5%. Il avançait de 1,63% peu avant la clôture.
Interrogé sur cette annonce, le président-directeur général de Pernod Ricard, Alexandre Ricard, a refusé de la commenter en détails mais a précisé que le groupe conservait une attitude « prudente » envers la Chine.
Rémy Cointreau a dit jeudi dans un communiqué publié après la clôture de la Bourse que le ministère du Commerce chinois avait évalué, « de manière préliminaire et sans effet immédiat », à 38,1% la marge de dumping réalisée sur les importations en Chine de sa division Cognac.
Le groupe français, qui ajoute que cela pourrait impliquer une taxe additionnelle dans la même proportion sur les exportations futures de cognac vers la Chine, précise que cette décision est qualifiée de préliminaire et n’est pas accompagnée de mesures provisoires.
« À ce stade, Rémy Cointreau est contraint d’attendre la décision finale du MOFCOM afin d’être en mesure d’évaluer les éventuels futurs impacts », a-t-il dit.
LVMH a déclaré que le BNIC le représentait dans ce dossier.
En plus des eaux-de-vie de vin, Pékin a ouvert ces derniers mois des enquêtes anticoncurrentielles sur les produits laitiers et la viande porcine en provenance de l’UE.
L’enquête sur les produits laitiers a été lancée la semaine dernière, au lendemain de la publication par Bruxelles de son plan tarifaire révisé pour les véhicules électriques fabriqués en Chine.
Les exportations françaises de produits laitiers vers la Chine se sont élevées à 179 millions d’euros l’année dernière, soit environ 35% du total de l’UE, selon les données d’Eurostat.
(Reportage Casey Hall à Shanghai, Joe Cash à Pékin, Emma Rumney à Londres, Philip Blenkinsop à Bruxelles, Alessandro Parodi et Ozan Ergenay à Gdansk et Andrey Khalip à Lisbonne ; Zhifan Liu, Kate Entringer et Diana Mandiá pour la version française)