La rue ne décolère pas en Biélorussie
par Andrei Makhovsky
MINSK (Reuters) – Des milliers de personnes ont formé des chaînes humaines et défilé dans les rues des villes mercredi en Biélorussie pour protester contre la réélection du président Alexandre Loukachenko et la répression des forces de sécurité.
Des heurts ont opposé la police et l’armée à des manifestants pendant trois nuits consécutives depuis que la commission électorale a annoncé la victoire de Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, avec 80% des voix lors de l’élection présidentielle de dimanche, malgré des accusations de fraudes massives.
Environ 6.000 personnes ont été interpellées, selon les autorités.
Les ministres européens des Affaires étrangères se réuniront vendredi pour débattre d’éventuelles sanctions contre l’ancienne république soviétique, a annoncé mercredi la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde. L’Union européenne a levé certaines sanctions contre Minsk en 2016.
Dans la capitale biélorusse, des femmes vêtues de blanc ont formé une chaîne humaine devant un marché couvert, des fleurs à la main, criant des slogans. Une foule s’est également rassemblée devant une prison où sont détenus des manifestants.
« Je ne peux pas laisser mes enfants la nuit mais je peux venir la journée et dire ce que je pense », a déclaré une habitante de Minsk, Elena. « Ils n’ont pas seulement volé mon vote, mais vingt-six ans de ma vie. Alors oui, je pense que ce régime doit disparaître. »
L’ONU PROTESTE
A Brest, dans le sud-ouest de la Biélorussie, à la frontière avec la Pologne, la police a tiré à balles réelles contre des protestataires, déclarant que ces derniers étaient munis de barres de fer et avaient ignoré des tirs de sommation. Une personne a été blessée, selon le ministère de l’Intérieur.
Alexandre Loukachenko accuse les manifestants de conspirer pour renverser le gouvernement avec le soutien de la Russie ou d’autres gouvernements étrangers.
« Le noyau de ces soi-disant protestataires est constitué aujourd’hui de gens avec un passé criminel et de sans-emploi », a-t-il dit mercredi lors d’une réunion de son gouvernement.
La candidate de l’opposition à la présidence, Svetlana Tikhanovskaïa, dont le mari, blogueur et opposant, a été arrêté en mai, a annoncé mardi avoir quitté la Biélorussie pour assurer la sécurité de ses enfants.
La Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a condamné l’arrestation de 6.000 personnes, « y compris des passants, des mineurs, ce qui suggère une vague d’arrestations massives qui viole clairement les règles internationales en matière de droits de l’homme ».
Lors d’un entretien téléphonique, Emmanuel Macron a fait part mercredi à Vladimir Poutine de « sa très grande préoccupation sur la situation en Biélorussie et la violence opposée aux citoyens lors des élections ».
Les manifestations se poursuivaient mercredi soir, des milliers de personnes descendant dans les rues de Minsk.
« Nous avons peur, mais que faire d’autre ? Nous ne sommes pas agressives », a déclaré Jenia, une habitante de la capitale. « Nous avons peur mais nous voulons être entendues. »
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