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Les dirigeants iraniens au défi des menaces de Trump et d’une économie fragile

par Parisa Hafezi

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(Reuters) – Pour les dirigeants iraniens, entamer des négociations avec le « Grand Satan » américain afin de conclure un nouvel accord sur le nucléaire et obtenir un allègement des sanctions qui paralysent le pays pourrait, pour une fois, être le moindre de deux maux.

Bien qu’il nourrisse une profonde méfiance à l’égard des États-Unis, et du président Donald Trump en particulier, le régime des ayatollahs craint tout autant que les difficultés économiques du pays ne débouchent sur un nouveau mouvement de contestation populaire d’envergure, ont déclaré à Reuters quatre responsables iraniens.

C’est pourquoi, en dépit de la position inflexible affichée en public par Téhéran, il y a dans les coulisses du pouvoir iranien un espoir de conclure, par pur pragmatisme, un accord avec Washington, ont-ils dit.

Les inquiétudes des dirigeants iraniens sont nourries par la reprise de la politique de « pression maximale » de Donald Trump, qui vise à réduire à néant les exportations de pétrole et à mettre à genoux l’économie déjà fragile du pays, ont expliqué ces responsables.

Le président Massoud Pezeshkian a souligné plusieurs fois la gravité de la situation économique de la République islamique, la jugeant plus critique que pendant la guerre contre l’Irak dans les années 1980, et il a mis l’accent sur les sanctions récemment imposées par les États-Unis aux pétroliers transportant du brut iranien.

Selon l’un des responsables iraniens interrogés par Reuters, les dirigeants craignent que l’absence d’engagement diplomatique avec Washington n’alimente le mécontentement interne à l’égard du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui détient tous les pouvoirs depuis 1989.

« Il ne fait aucun doute que le guide suprême est, par ses choix en matière de politique étrangère, davantage responsable que quiconque de la situation actuelle », souligne Alex Vatanka, directeur du programme sur l’Iran au sein du centre de réflexion Middle East Institute, basé à Washington.

Ce sont déjà les difficultés économiques qui avaient incité Ali Khamenei à soutenir du bout des lèvres le premier accord sur le nucléaire conclu avec les grandes puissances en 2015, en échange d’un allègement progressif des sanctions qui avait permis un redressement économique.

SUR UN PIED D’ÉGALITÉ

Les conséquences du retrait des États-Unis de l’accord, décidé par Donald Trump en 2018 et maintenu par son successeur Joe Biden, faute de renégociation, pèsent de nouveau lourdement sur les conditions de vie des Iraniens.

« La situation s’aggrave de jour en jour. Je ne peux pas payer mon loyer, ni mes factures, ni acheter des vêtements pour mes enfants », dit Alireza Youssefi, 42 ans, un enseignant d’Ispahan. « Avec les nouvelles sanctions, on ne va même plus pouvoir survivre. »

Tout en accentuant la pression sur l’Iran, Donald Trump a ouvert la porte à des négociations en écrivant à Ali Khamenei pour lui proposer des pourparlers sur le nucléaire.

Le guide suprême a rejeté cette offre mercredi en dénonçant les demandes « excessives » de Washington et en assurant que Téhéran ne se laisserait pas forcer la main.

« Si nous entamons des négociations alors que l’autre partie exerce une pression maximale, nous négocierons en position de faiblesse et nous n’obtiendrons rien », a déclaré le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araqchi, dans une interview publiée jeudi en Iran.

« L’autre partie doit être convaincue que la politique de pression est inefficace. Ce n’est qu’alors que nous pourrons nous asseoir à la table des négociations sur un pied d’égalité », a-t-il ajouté.

Un haut fonctionnaire iranien a déclaré qu’il n’y avait pas d’autre solution que de parvenir à un accord, et jugé une telle issue possible, même si les négociations s’annoncent compliquées faute de confiance réciproque.

L’Iran a jusqu’à présent évité l’effondrement économique grâce au soutien de la Chine, principal acheteur de son pétrole et l’un des rares pays à continuer à commercer avec Téhéran en dépit des sanctions.

Selon les données du gouvernement américain, l’Iran a réussi à exporter pour plus de 50 milliards de dollars de pétrole en 2022 et 2023 en contournant les sanctions. Des revenus menacés aujourd’hui par les sanctions américaines visant les pétroliers et les sociétés impliqués dans ce commerce.

LA COLÈRE DE LA POPULATION COUVE

Les dirigeants de la République islamique doivent faire face à de nombreuses difficultés, allant des pénuries d’énergie et d’eau à l’effondrement de la monnaie locale, le rial, ou aux revers militaires subis par leurs alliés en Syrie, au Liban et dans la bande de Gaza.

Les secteurs de l’énergie et de l’eau sont plombés par un déficit chronique d’investissements dans les infrastructures, la surconsommation due aux subventions, la baisse de la production de gaz naturel ou encore un système d’irrigation inefficace.

Le rial a perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au dollar depuis la réintroduction des sanctions en 2018, selon les bureaux de change et des responsables iraniens. Et la chute du rial n’est sans doute pas terminée. Craignant une confrontation avec les États-Unis, les Iraniens qui le peuvent placent leurs économies dans des devises fortes, l’or ou les crypto-monnaies, soulignent les médias locaux.

Le prix du riz a bondi de 200% depuis l’année dernière, selon les médias d’État. Les coûts du logement et des services publics ont fortement augmenté, grimpant d’environ 60% dans certains quartiers de Téhéran et d’autres grandes villes au cours des derniers mois, sous l’effet de la chute brutale du rial et de la flambée des prix des matières premières.

L’inflation est officiellement de 40%, mais selon certains experts iraniens, elle dépasse en réalité 50% et continue d’accélérer.

En janvier, le directeur de l’Institut iranien du travail et de la protection sociale, cité par l’agence de presse Tasnim, a déclaré que 22 à 27% des Iraniens vivaient désormais en dessous du seuil de pauvreté. Un chiffre contesté par le journal de la République islamique, Jomhouri-e Eslami, qui l’estime à 50%.

« Je peux à peine payer le loyer de mon magasin de tapis et les salaires de mes employés. Plus personne n’a les moyens de s’acheter un tapis. Si ça continue, je vais devoir mettre la clé sous la porte », a déclaré Morteza, 39 ans, un commerçant du Grand Bazar de Téhéran joint par téléphone.

« Comment pensent-ils résoudre la crise économique s’ils refusent de parler à Trump ? Il faut conclure un accord. On ne peut pas s’offrir le luxe d’être fier quand on a l’estomac vide. »

LIGNE ROUGE NUCLÉAIRE

Selon les médias d’État, plus de 200 manifestations ont eu lieu dans tout le pays en février, rassemblant des retraités, des employés, des professionnels de la santé, des étudiants et des commerçants. Les principaux mots d’ordre portaient sur les difficultés économiques, notamment les bas salaires et les salaires impayés.

Si ces manifestations étaient loin d’avoir l’ampleur des précédents mouvements de contestation, les autorités craignent que la situation ne dégénère, comme en 2022-2023 après la mort en détention de Mahsa Amini, ou en 2019 après l’augmentation du prix des carburants.

« Le pays est comme un baril de poudre, et de nouvelles tensions économiques pourraient être l’étincelle qui le ferait exploser », a déclaré l’un des quatre responsables interrogés par Reuters, proche du gouvernement. Selon lui, l’élite dirigeante est consciente du risque et plusieurs réunions ont eu lieu au plus haut niveau pour s’y préparer.

Pour autant, les responsables iraniens se disent convaincus que la République islamique ne cédera pas à toutes les demandes de Donald Trump, comme le démantèlement de son programme nucléaire civil ou le renoncement à ses capacités en matière de missiles balistiques conventionnels.

« Oui, nous sommes préoccupés par une pression économique accrue, par la colère croissante de la population, mais nous ne pouvons pas sacrifier notre droit à produire de l’énergie nucléaire parce que Trump le veut », a déclaré le haut fonctionnaire.

Pour Ali Vaez, directeur du projet Iran au sein de l’ONG de résolution des conflits International Crisis Group, le principal frein aux négociations est la conviction des dirigeants iraniens que l’ouverture de pourparlers sous la contrainte enverrait un signal de faiblesse qui encouragerait Donald Trump à accentuer la pression au lieu de la réduire.

« C’est pour cette raison, dit-il, que l’ayatollah Khamenei semble croire que la seule chose qui soit plus dangereuse que les conséquences douloureuses des sanctions serait le fait de s’y soumettre. »

(Version française Tangi Salaün, édité par)

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