Nouvelle déroute boursière des banques, inquiétudes autour de Credit Suisse
par Noele Illien, Francesco Canepa et Lucy Raitano
ZURICH (Reuters) – Credit Suisse a plongé mercredi à son plus bas niveau historique, accentuant les craintes des investisseurs pour l’ensemble du secteur bancaire, déjà ébranlé par la faillite de l’américaine Silicon Valley Bank (SVB).
Credit Suisse est tombée sous les deux francs suisses pour la première fois de son histoire, le principal actionnaire de la banque helvétique ayant déclaré ne pas pouvoir lui apporter une aide financière supplémentaire.
« Nous ne pouvons pas parce que nous dépasserions les 10% (au capital). C’est une question de réglementation », a déclaré le président de la Banque nationale saoudienne (SNB), Ammar Al Khudairy, en se disant satisfait du plan de transformation du groupe suisse.
La banque saoudienne a acquis une participation de près de 10% au capital de Credit Suisse l’année dernière après avoir participé à sa levée de fonds et s’être engagée à injecter jusqu’à 1,5 milliard de francs suisses (1,53 milliard d’euros).
En Bourse de Zurich, Credit Suisse a dévissé de 24,24% à 1,697 francs, son plus bas niveau.
Le coût de l’assurance contre un risque de défaut de la banque sur sa dette obligataire augmente, le « credit default swap » (CDS) à cinq ans atteignant un niveau record.
Par ricochet, l’indice Stoxx des banques a perdu 6,92%.
À Paris, Crédit agricole, BNP Paribas et Société générale ont abandonné de 5,21% à 12,18%.
À Francfort, Deutsche Bank a cédé 9,25% tandis qu’à Londres, HSBC a lâché 4,96%
Credit Suisse a publié mardi son rapport 2022 dans lequel elle indique avoir identifié des « faiblesses significatives » dans des contrôles internes sur les rapports financiers.
La deuxième plus grande banque de Suisse tente de se relever après une série de scandales qui ont considérablement entamé la confiance des investisseurs et des clients. Au quatrième trimestre, les sorties de fonds des clients ont atteint plus de 110 milliards de francs suisses.
LA FAILLITE DE SVB EN TOILE DE FOND
Tentant de rassurer les marchés, Ulrich Koerner, le directeur général de Credit Suisse, a assuré que le niveau des liquidités du groupe restait solide et dépassait largement toutes les exigences réglementaires.
La Banque nationale suisse (BNS) s’est refusé à tout commentaire sur la situation de Credit Suisse.
Selon le Financial Times, Credit Suisse a fait appel à la BNS et à l’autorité fédérale suisse de surveillance des marchés financiers pour obtenir une aide publique.
Un renflouement de la banque helvétique par ces deux institutions, avec éventuellement une ou plusieurs autres banques, serait le « scénario le plus probable », estiment les analystes d’Exane, qui n’écartent pas non plus une volte-face de la Banque nationale saoudienne.
L’autorité des marchés financiers allemands, la BaFin, a déclaré de son côté qu’elle ne voyait pas de risque direct de contagion, jugeant le système bancaire allemand suffisamment « solide » et apte à encaisser des taux d’intérêt plus élevés.
Les déboires de Credit Suisse s’ajoutent à l’alerte mondiale déclenchée par les faillites des banques américaines SVB et Silvergate la semaine dernière, bien que les régulateurs et gouvernements aient tenté d’éteindre le début de panique qui s’empare des marchés mondiaux.
A Wall Street, de nombreuses grandes banques comme des établissements régionaux étaient dans le rouge à la mi-séance: First Republic Bank reculait de 21,02% tandis que Bank of America, JPMorgan et Citigroup baissaient de 2,12% à 5,73%.
Le directeur général de BlackRock, Laurence Fink, a averti que le secteur bancaire régional américain restait menacé, décrivant la situation financière comme étant le « prix de l’argent facile ».
La remontée rapide des taux d’intérêt a exposé certaines banques comme SVB au risque de baisse de valeur des portefeuilles obligataires.
Moody’s Investors Service a révisé mardi sa perspective sur le système bancaire américain de « stable » à « négative », en évoquant les risques accrus pour le secteur.
Les investisseurs commencent à douter de l’engagement pris par la Banque centrale européenne à relever comme annoncé ses taux d’un demi-point jeudi. Sous l’effet de SVB et Credit Suisse, les marchés monétaires estiment désormais à 70% la probabilité d’une hausse limitée à 25 points de base.
Deux sources au sein de la branche de supervision bancaire de la BCE ont déclaré à Reuters que l’institut d’émission avait contacté des banques qu’elle supervise pour s’enquérir de leur exposition à Credit Suisse.
(Reportage Noele Illien à Zurich, Rae Wee à Singapour, Francesco Canepa, Balazs Koranyi, Tom Sims et Marta Orosz à Francfort, Amanda Cooper, Lucy Raitano et Sinead Cruise à Londres; rédigé par Alexander Smith, version française Laetitia Volga, édité par Blandine Hénault et Kate Entringer)