Turquie et Arménie ont discuté d’une normalisation de leurs relations
par Tuvan Gumrukcu et Gabrielle Tétrault-Farber
ANKARA/MOSCOU (Reuters) – Des émissaires de la Turquie et de l’Arménie ont participé vendredi à Moscou à un premier cycle de pourparlers destinés à normaliser leurs liens, une démarche qui pourrait conduire à l’établissement de relations diplomatiques et à la réouverture des frontières entre les deux pays.
Ankara et Erevan n’ont depuis des décennies aucune relation diplomatique ni commerciale, en dépit d’un accord de paix conclu en 2009 qui n’a jamais été ratifié. Les discussions constituent la première tentative depuis cette date pour rétablir des liens restés tendus.
Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont déclaré que les discussions à Moscou s’étaient déroulées dans une atmosphère « positive et constructive » et se sont dits prêts à normaliser leur relations sans pré-conditions. Les émissaires dépêchés dans la capitale russe ont « partagé leur approche préliminaire du processus de normalisation », ont-ils dit.
Le fossé à combler est cependant très profond, avec comme principal point de contentieux le massacre d’environ 1,5 million d’Arméniens sous l’Empire ottoman, considéré par Erevan comme un génocide, ce que réfute Ankara.
La Turquie admet que de nombreux Arméniens ayant vécu sous l’Empire ottoman ont été tués lors d’affrontements durant la Première Guerre mondiale, mais elle conteste le bilan et nie toute exécution systématique.
Durant le conflit dans le Haut-Karabakh, fin 2020, Ankara a apporté un soutien militaire décisif à l’Azerbaïdjan et accusé l’Arménie d’occuper son territoire. La Turquie a par la suite prôné un rapprochement avec Erevan, alors qu’elle cherche à étendre son influence dans la région.
PETITS GESTES ET GROS OBSTACLES
Dans des communiqués séparés mais à la formulation similaire publiés à l’issue de la réunion de Moscou, les deux capitales ont indiqué que leurs discussions se poursuivraient à une date et dans un lieu qui seront fixés ultérieurement.
Selon l’agence de presse russe TASS, le ministère arménien des Affaires étrangères a indiqué jeudi que l’Arménie espérait voir les discussions aboutir à la mise en place de relations diplomatiques et à l’ouverture de frontières fermées depuis 1993.
L’an dernier, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, avait déclaré que, dans le cadre de ce rapprochement, les deux pays allaient aussi ouvrir des liaisons aériennes – celles-ci devraient démarrer le mois prochain.
En dépit de la volonté partagée par Washington de voir s’opérer une normalisation des relations entre les deux pays, alors qu’une importante diaspora arménienne est présente aux Etats-Unis, les experts s’attendent à ce que les discussions se heurtent à des obstacles difficiles à surmonter.
C’est le cas du débat autour de la question du « génocide » de 1915, qui suscite des réactions épidermiques en Turquie, mais aussi des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dont le président turc Recep Tayyip Erdogan a estimé jeudi qu’elles étaient indispensables à la normalisation avec la Turquie alors que la défaite militaire de 2020 a provoqué un profond traumatisme à Erevan.
(Reportage de Tuvan Gumrukcu à Ankara et Gabrielle Tétrault-Farber à Moscou; version française Jean Terzian et Tangi Salaün, édité par Jean-Stéphane Brosse)
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