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Liban: Hariri renonce à former un gouvernement, la crise s’aggrave

par Maha El Dahan et Laila Bassam

BEYROUTH (Reuters) – Saad Hariri a déclaré jeudi qu’il renonçait à former un gouvernement au Liban en raison de désaccords insurmontables, à ses yeux, avec le président Michel Aoun, prolongeant ainsi une impasse politique qui aggrave la crise financière et sociale dans laquelle est plongé le pays depuis des mois.

Le Premier ministre désigné a fait cette annonce à l’issue d’un entretien, d’à peine 20 minutes, avec le chef de l’Etat, mettant en exergue les divergences qui empêchent depuis des mois la formation d’un nouveau gouvernement et la mise en place de réformes – des conditions exigées par la communauté internationale, notamment la France, pour fournir au Liban une aide à même de le sortir de ce que la Banque mondiale a qualifié de pire récession de l’histoire moderne.

Saad Hariri a été désigné en octobre dernier au poste de Premier ministre après la démission d’Hassan Diab à la suite de l’explosion au port de la capitale Beyrouth, qui a fait des centaines de morts et dévasté une partie de la capitale, le 4 août 2020.

Cette explosion a alimenté la défiance d’une grande partie de la population à l’égard de la classe politique du Liban, accusée d’incompétence, de népotisme et de défense de ses intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.

Jeudi, des manifestants ont bloqué des rues près des quartiers majoritairement sunnites de Beyrouth après cette déclaration, incendiant des poubelles et des pneus. Des militaires ont été déployés et ont tiré en l’air pour tenter de disperser la foule, ont montré des images télévisées.

La France réclame depuis des mois la formation d’un nouveau gouvernement et la mise en place de réformes comme conditions au déblocage de milliards de dollars d’aide.

L’Union européenne a fait savoir lundi qu’elle comptait adopter d’ici fin juillet le cadre juridique d’un régime de sanctions contre les dirigeants libanais.

S’exprimant devant la presse au siège des Nations unies à New York, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé l’incapacité totale des dirigeants libanais à trouver une solution à la crise, qualifiant le renoncement de Saad Hariri d’épisode dramatique.

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a qualifié la décision prise par Hariri de « décevante » et a exhorté les dirigeants libanais à mettre de côté leurs différences et à former un gouvernement.

COMPROMIS IMPOSSIBLE

La décision de Saad Hariri, dirigeant sunnite, est le point culminant de mois de querelles avec Michel Aoun, chrétien maronite allié au mouvement chiite Hezbollah. Les deux hommes se sont mutuellement rejetés la faute de cet échec.

« Vous ne pouvez pas me demander de faire tout mon possible pendant qu’un autre ne veut rien sacrifier du tout », a déclaré Saad Hariri dans un entretien à la télévision locale Al Jadeed, plusieurs heures après l’annonce de sa décision.

Il a ajouté que Michel Aoun avait insisté pour disposer d’une minorité de blocage, peu importe la composition du gouvernement, et qu’il s’agissait d’un point majeur de blocage.

Au sortir de la réunion avec le chef de l’Etat, le Premier ministre désigné a déclaré qu’il était « évident que nous ne serons pas capables de nous entendre ». « C’est pourquoi je me récuse pour la formation d’un gouvernement », a-t-il dit, avant d’ajouter: « Que Dieu vienne en aide au Liban ».

Selon sa version de leur entretien, Michel Aoun lui a déclaré qu’ils ne pourraient pas parvenir à un compromis.

Dans un communiqué publié par la suite par la présidence, Michel Aoun a déclaré que Saad Hariri ne s’était pas montré disposé à discuter du moindre changement à la proposition de gouvernement qu’il avait soumise la veille.

Le chef de l’Etat a indiqué avoir proposé au Premier ministre désigné de réfléchir une journée de plus, ce que ce dernier a refusé.

Le communiqué des services de Michel Aoun précise que celui-ci va organiser au plus tôt des consultations parlementaires.

Aucune personnalité ne se dégageant de manière évidente pour tenter de former un gouvernement, tâche revenant à un sunnite selon le partage confessionnel des postes au Liban, le retrait de Saad Hariri risque de retarder un peu plus la mise en oeuvre de réformes.

La devise libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur en moins de deux ans, faisant basculer une grande partie de la population dans la pauvreté sur fond de pénuries générales dans la vie quotidienne.

(Rédaction de Beyrouth, rédigé par Maha El Dahan; version française Bertrand Boucey, Jean Terzian et Camille Raynaud)

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