Faire des 100 millions de cas le tournant de la lutte contre le Covid-19
Alors que le monde a passé mercredi en début de journée le cap des 100 millions de cas d’infection au nouveau coronavirus, l’espèce humaine devrait prendre cette triste nouvelle étape comme un moment d’éveil, aller de l’avant et marquer un tournant dans sa lutte ardue contre cet agent pathogène mortel.
La pandémie a maintenant infecté un individu sur 78 dans le monde et tué plus de 2 millions de personnes, une situation extrêmement pénible que peu de gens dans le monde auraient pu prévoir dans les premiers jours de l’épidémie.
Avec le nombre déjà effrayant d’infections et le nombre de décès qui continue de faire boule de neige, le danger que les gens deviennent de plus en plus indifférents vis-à-vis du virus est bien plus menaçant que le virus lui-même. Des études scientifiques tirent déjà la sonnette d’alarme contre la fatigue croissante liée à la pandémie et le phénomène « d’engourdissement psychique » en augmentation.
Pour aplatir la courbe mondiale et commencer à faire basculer la lutte contre la maladie en faveur de l’humanité dès que possible, tous les pays n’ont pas d’autre choix que de se ressaisir et de faire ce qu’il faut ensemble.
La première priorité est de tirer le meilleur parti possible des vaccins. Avec le déploiement des programmes de vaccination dans de nombreuses régions du monde, il est encore possible que la communauté mondiale entame un nouveau printemps avec un ralentissement des infections et une diminution du nombre de décès.
L’efficacité des vaccins est étroitement liée au nombre de personnes pouvant être vaccinées.
C’est pourquoi les pays du monde entier devraient vacciner le plus grand nombre possible de leurs habitants afin de former un filet de protection contre l’assaut déchaîné de ce virus retors.
Il est naturel que la population se méfie des risques potentiels que présentent les vaccins pour les nouveaux-nés, mais les avantages sont indéniables et l’emportent sur les inquiétudes.
Ainsi, les gouvernements et les communautés sanitaires du monde entier devraient jouer leur rôle de guide pour répondre aux préoccupations des personnes encore hésitantes à se faire vacciner, de sorte à augmenter la couverture vaccinale.
Vient ensuite la question de la distribution équitable des vaccins à l’intérieur des frontières nationales et dans le monde entier.
Alors que certains pays sont témoins d’un déploiement chaotique et de l’indignation sociale que suscite le resquillage des privilégiés, les gouvernements devraient optimiser les systèmes d’attribution et de distribution des vaccins, afin que les personnes les plus méritantes, tels que les professionnels de santé de première ligne et les travailleurs essentiels, puissent être protégées à temps.
L’accès inéquitable aux vaccins semble encore plus aigu et déchirant sur la scène mondiale. Certaines économies riches ont accumulé des doses, tandis que les entreprises pharmaceutiques se sont fait concurrence pour obtenir une part plus importante du financement de leur vaccin.
La semaine dernière, alors que près de 40 millions de doses ont été administrées dans 50 pays, un certain pays africain n’en a reçu que 25. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a averti que le monde est « au bord d’un échec moral catastrophique ».
Les pays et les organisations internationales devraient faire pression en faveur d’une initiative mondiale telle que COVAX pour assurer une disponibilité équitable des vaccins aux pays, riches et pauvres, afin que les efforts mondiaux ne soient pas sapés, prolongeant inutilement cette bataille homérique.
Les vaccins, bien sûr, ne sont pas omnipotents. Il faut se garder de l’idée peu réaliste qu’ils peuvent apporter la victoire finale à eux seuls. Tout en vaccinant leurs populations, les pays doivent continuer à appliquer des mesures préventives éprouvées telles que le confinement, le port de masques et la distanciation sociale.
Plus important encore, de nombreux mois de lutte acharnée contre le virus ont mis en évidence certaines des failles de l’humanité. La principale d’entre elles est le manque de conscience que le bien-être de tous les êtres humains est lié en cette ère de mondialisation.
La libre circulation des personnes et des biens à travers la planète, rendue possible par les voyages aériens et maritimes, a permis au virus de se propager jusqu’aux coins les plus reculés du monde. Cela aurait été peu probable dans les temps anciens.
Toutefois, si l’humanité profite des avantages des technologies modernes, elle ne prend pas suffisamment conscience des risques qui y sont liés, et encore moins de ce que signifie être un citoyen du village planétaire.
La pandémie qui fait rage offre un moment d’éveil. Pour être plus précis, les individus devraient commencer à apprendre à réaliser et à remplir leurs obligations collectives en tant que membre de l’espèce humaine. C’est une partie indispensable de l’équation pour que la communauté mondiale puisse éradiquer le virus ou s’attaquer au changement climatique.
« Pour la première fois dans l’histoire mondiale, les gens du monde entier sont obligés de reconnaître que nous sommes tous confrontés à une menace commune qu’aucun pays ne saurait surmonter seul », a écrit Jared Diamond, l’auteur de Guns, Germs, and Steel, lauréat du prix Pulitzer, dans une tribune d’opinion le mois dernier.
« Si les peuples du monde sont contraints de s’unir pour vaincre le COVID-19 […] ils pourraient être contraints de le faire pour lutter contre le changement climatique, l’épuisement des ressources et les inégalités », a-t-il estimé.
Les choses vont toujours vers le pire avant de s’améliorer. Espérons qu’après toutes les infections et tous les décès, nous pourrons constater un affaiblissement de la pandémie, ainsi qu’un réveil des meilleurs côtés de la nature humaine afin de faire face à de futures crises de dimension mondiale.