Poutine suggère que le projet de trêve doit être remanié, Zelensky y voit une manoeuvre
par Guy Faulconbridge, Andrew Osborn et Vladimir Soldatkin
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MOSCOU (Reuters) – Le président russe Vladimir Poutine a déclaré jeudi que la Russie soutenait, sur le principe, la proposition de cessez-le-feu avec l’Ukraine présentée par les Etats-Unis mais que toute trêve devait répondre aux causes originelles du conflit et que de nombreux détails cruciaux restaient à définir.
Le soutien, très mesuré, apporté par Vladimir Poutine au projet de trêve de 30 jours dont sont convenus des représentants de haut rang américains et ukrainiens mardi en Arabie saoudite semble destiné avant tout à montrer à Washington la bonne volonté de Moscou, sur fond de réouverture d’un dialogue bilatéral depuis l’entretien téléphonique du 12 février entre le président russe et son homologue américain Donald Trump.
Reste que l’éventail des clarifications demandées par le chef du Kremlin et les conditions qu’il semble considérer comme nécessaires pour rassurer Moscou éloignent la perspective d’un cessez-le-feu imminent, trois ans après le début du conflit provoqué par la vaste offensive de la Russie en Ukraine le 24 février 2022, que Kyiv et ses alliés qualifient d’invasion.
Volodimir Zelensky a déclaré jeudi soir que Vladimir Poutine se préparait à rejeter la proposition américaine de cessez-le-feu mais que le président russe avait peur d’en informer directement Donald Trump.
Au cours d’une allocution quotidienne, le président ukrainien a estimé que le Kremlin a posé des conditions à un accord simplement dans le but de le retarder ou de le bloquer.
« (Vladimir Poutine) prépare un rejet (de la proposition) mais il a évidemment peur de dire au président Trump qu’il veut continuer cette guerre, qu’il veut tuer des Ukrainiens », a dit Volodimir Zelensky.
« C’est pour cela que Moscou place des conditions à cette idée de cessez-le-feu, pour que rien du tout ne se produise, ou pour que cela soit retardé autant que possible », a-t-il ajouté.
« L’IDÉE EST BONNE, MAIS… »
Vladimir Poutine a déclaré plus tôt dans la journée que la Russie était « d’accord avec les propositions de cesser les hostilités ». « L’idée est bonne, nous la soutenons », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse conjointe avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko, en visite à Moscou.
« Mais nous partons du principe qu’un cessez-le-feu doit mener à une paix durable et éliminer les causes originelles de cette crise », a ajouté le chef du Kremlin, qui avait présenté l’offensive lancée en 2022 comme une « opération militaire spéciale » et dit craindre pour la sécurité de la Russie.
Parmi les réserves exprimées, Vladimir Poutine a cité les incertitudes sur l’évolution « rapide » de la situation dans la région russe de Koursk (ouest) et ailleurs, ainsi que les interrogations du Kremlin sur les modalités de contrôle d’une trêve alors que « le front s’étire sur 2.000 kilomètres ».
A Washington, Donald Trump a décrit les commentaires de Vladimir Poutine comme « très prometteurs », ajoutant qu’il était disposé à s’entretenir par téléphone avec son homologue russe.
Le président américain a dit espérer que la Russie « fera ce qu’il faut » alors que son émissaire spécial pour le Proche-Orient, Steve Witkoff, en visite à Moscou, tient des discussions « très sérieuses » avec des représentants russes à propos de la proposition américaine de cessez-le-feu.
Ces discussions, a ajouté le chef de la Maison blanche, montreront si la Russie est prête à sceller un accord. Dans le cas contraire, ce sera « très décevant pour le monde ».
PAS DE DÉCISIONS TERRITORIALES
Depuis trois ans, Vladimir Poutine présente le conflit avec l’Ukraine comme une bataille existentielle et reproche à l’Occident d’avoir humilié la Russie après la chute du mur de Berlin en 1989 en élargissant l’Otan et en rognant sur ce qu’il considère comme la sphère d’influence de Moscou.
Kyiv et ses alliés européens dénoncent l’offensive russe comme une démarche impérialiste et une agression injustifiée.
Conflit le plus sanglant en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, la guerre russe-ukrainienne a fait des centaines de milliers de morts et blessés, déplacé des millions de personnes, et réduit des villes entières en cendres.
Tout délai dans la conclusion d’une trêve serait à même de permettre à la Russie de poursuivre ses efforts pour repousser les derniers soldats ukrainiens dans la région de Koursk et renforcer ses positions dans les territoires ukrainiens que Moscou entend conserver.
Kyiv a rejeté l’idée de céder les territoires conquis par la Russie, qui contrôle environ un cinquième du territoire ukrainien dont la péninsule de Crimée annexée en 2014.
Washington étudie quels territoires l’Ukraine pourrait perdre ou conserver lors de la signature d’un accord, a déclaré Donald Trump. Un représentant du gouvernement ukrainien, s’exprimant jeudi sous couvert d’anonymat, a dit que la question de concessions territoriales n’a pas été évoquée lors de la réunion entre représentants de haut rang à Djeddah.
POUTINE VEUT DES « GARANTIES » SUR LES LIGNES DE FRONT
Vladimir Poutine a déclaré jeudi que les forces russes avançaient sur les lignes de front et que tout accord de cessez-le-feu ne devait pas permettre tout simplement à l’Ukraine de renforcer ses troupes.
« Comment pouvons-nous et comment allons-nous garantir qu’une telle chose n’arrivera pas ? Comment le contrôle (du cessez-le-feu) sera organisé ? », a-t-il dit devant la presse.
Au lendemain de sa visite à Koursk pour la première fois depuis l’incursion ukrainienne en août dernier, Vladimir Poutine, vêtu d’un uniforme militaire – une image rare -, s’est interrogé également sur l’impact d’une trêve pour la situation dans la région russe. « Si on arrête les hostilités pendant 30 jours, qu’est-ce que cela signifie ? Tous ceux qui s’y trouvent vont-ils partir sans combattre ? », a-t-il demandé.
L’Ukraine contrôle actuellement une zone d’environ 200 km2 à Koursk, bien moins que les quelque 1.300 km2 au plus fort de son assaut terrestre frontalier, selon des données de l’armée russe.
Kyiv a lancé l’été dernier cette incursion surprise avec l’objectif de contraindre Moscou à redéployer des troupes présentes dans l’Est ukrainien, mais aussi d’embarrasser Vladimir Poutine et de disposer d’un levier en vue de quelconques négociations.
Volodimir Zelensky a été pressé par Donald Trump d’accepter de s’associer aux démarches de Washington pour mettre fin au plus vite à la guerre. Le président américain a décidé la semaine dernière, dans la foulée de sa vive altercation avec le président ukrainien à la Maison blanche, de geler l’aide militaire à Kyiv et le partage de renseignements – cette suspension a été levée mardi après l’entente scellée à Djeddah.
(Guy Faulconbridge, Andrew Osborn et Vladimir Soldatkin; version française Zhifan Liu et Jean Terzian)
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