La France réfléchit à sa réponse face à « l’hostilité » de l’Algérie – Barrot
par John Irish
PARIS (Reuters) – Emmanuel Macron et les ministres concernés par le dossier algérien se réuniront dans les prochains jours « pour évaluer les suites à donner et les mesures à prendre » face à ce que Paris perçoit comme une « posture d’hostilité » de l’Algérie à son égard, a déclaré mercredi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Les relations tumultueuses entre la France et l’Algérie se sont fortement détériorées depuis que le chef de l’Etat français a reconnu en juillet la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, suscitant la colère d’Alger, soutien historique des indépendantistes du Front Polisario.
Elles se sont encore envenimées ces dernières semaines avec l’emprisonnement par Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et l’arrestation en France de plusieurs « influenceurs » algériens ou binationaux pour la tenue de propos publics haineux ou violents.
« La relation entre la France et l’Algérie n’est pas une relation bilatérale comme les autres, c’est une relation d’intimité profonde », a rappelé Jean-Noël Barrot devant les députés à l’Assemblée nationale.
« Mais pour une coopération, il faut être deux. Et les raisons qui ont conduit les autorités algériennes à adopter une posture d’hostilité n’ont rien à voir avec l’Algérie ni avec ses intérêts. La France est un pays souverain qui choisit les termes de ses alliances avec d’autres pays. Et ce que la France entend construire avec le Maroc n’enlève rien à ce que la France entend construire avec l’Algérie », a-t-il ajouté, précisant qu’il était prêt à se rendre en Algérie pour discuter de cette crise.
« Ni l’Algérie ni la France n’ont intérêt à ce que s’installe une tension durable entre deux pays voisins, deux grands pays de la Méditerranée », a encore souligné le chef de la diplomatie française.
IMPASSE
Même si les canaux diplomatiques ne sont pas rompus, des responsables français décrivent une relation proche de la rupture. Alger met en place selon eux une politique visant à effacer la présence économique française en Algérie et les échanges commerciaux ont chuté depuis l’été de près d’un tiers.
Selon des sources diplomatiques, l’Algérie a entrepris ces derniers mois un effort concerté pour durcir l’environnement économique des entreprises françaises en Algérie, notamment pour les exportateurs de blé, ignorés dans les appels d’offres.
Le bras de fer concerne aussi la sphère politique et culturelle.
Le 6 janvier, Emmanuel Macron estimait que l’Algérie entrait « dans une histoire qui la déshonore » en détenant « de manière totalement arbitraire » l’écrivain Boualem Sansal, dont l’état de santé s’est détérioré ces dernières semaines.
Jeudi dernier, le renvoi en France par Alger d’un influenceur que Paris souhaitait expulser a été largement commenté par la classe politique, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau estimant que l’Algérie cherchait à « humilier » son ancienne puissance coloniale.
« C’est une violation des textes qui régissent notre relation et c’est un précédent que nous considérons comme grave », a estimé mercredi Jean-Noël Barrot.
Dans un communiqué publié samedi, le ministère algérien des Affaires étrangères a démenti chercher l’escalade avec la France et accusé une extrême droite française « revancharde et haineuse ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français » de mener une campagne de désinformation à son égard.
Dans un communiqué, La France insoumise (LFI) a de son côté accusé Bruno Retailleau d »‘entretenir l’escalade et de tenter de forcer la confrontation », rappelant que des millions de Français « vivent une relation directe d’affection et de fraternité respectueuse avec le peuple algérien ».
« De nombreux responsables politiques à Paris disent vouloir forcer l’Algérie à adoucir sa position mais Alger est totalement déterminé à rester ferme. L’Algérie se sent d’autant plus encouragée par le fait que la France est bien moins importante pour son économie qu’il y a quelques années », relève Jalel Harchaoui, chercheur associé au Royal United Services Institute, à Londres.
« Au final, les deux pays se retrouvent bloqués dans une impasse qui dégénère. Et aucun des deux ne semble vouloir reculer ou admettre une faute, ce qui rend cette crise apparemment insoluble. »
(Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Blandine Hénault)