Emmanuel Macron consulte les partis pour tenter de trouver une majorité « large et stable »
Près de sept semaines après le second tour des élections législatives anticipées, Emmanuel Macron entame vendredi une série d’auditions des forces politiques afin de trouver une hypothétique « majorité large et stable » dans une Assemblée nationale éclatée.
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Un Premier ministre sera nommé après ces consultations qui se prolongeront lundi, a précisé l’Elysée sans donner aucune indication de calendrier, alors que les Jeux paralympiques commencent mercredi.
Dans une lettre aux Français et de rares apparitions médiatiques, le chef de l’Etat a invité les élus à tirer les leçons du scrutin législatif qui a vu les électeurs sanctionner l’équipe au pouvoir et faire barrage à l’extrême droite, forte de 11 millions de voix mais minoritaire au Palais-Bourbon.
A l’Assemblée, la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) est la plus grosse formation avec 193 députés, loin de la majorité absolue de 289 parlementaires.
« Aucune alliance ne peut revendiquer une majorité. Face à ce Parlement de minorités, il y a nécessité pour les dirigeants politiques de s’entendre », dit-on à l’Elysée.
« Le verdict des urnes contraint tout le monde à changer de logique », ajoute-t-on. « Après décantation, on entre dans cette logique de coalition. »
Reçu en premier vendredi matin, le NFP revendique l’entrée à Matignon de sa candidate Lucie Castets, haute fonctionnaire de 37 ans spécialiste des services publics qui sera reçue à sa demande avec ses camarades à l’Elysée.
« Nous rappellerons au président son devoir de respecter le choix des Français, de désigner une Première ministre en phase avec la volonté populaire », a dit Lucie Castets jeudi lors des Journées d’été des écologistes à Tours (Indre-et-Loire).
Les membres du NFP (France insoumise, socialistes, communistes et Verts) tentent de se montrer unis même si des frictions se font régulièrement jour, notamment au sein du PS où certains refusent l’alliance avec LFI.
« COUP DE FORCE DÉMOCRATIQUE »
Dans une lettre aux Français paraphée par tout le NFP, la gauche se dit « prête » à gouverner et presse Emmanuel Macron de la mener à Matignon pour conduire une politique de « rupture » qui prévoit notamment des hausses de salaires et l’abrogation de la réforme des retraites votée l’an dernier.
« Nous sommes convaincus que nous pourrons améliorer concrètement et rapidement la vie quotidienne des Françaises et des Français, et que l’absence de majorité absolue ne nous en empêchera pas », écrivent les dirigeants, Lucie Castets comprise.
Invitée vendredi matin sur France Inter, la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, a dit voir dans le fait que la délégation du NFP soit reçue en premier par Emmanuel Macron, en présence de Lucie Castets, « un signal extrêmement positif ».
« Ça veut dire qu’il reconnaît enfin le résultat de l’élection », a-t-elle estimé, tout en rappelant que l’expérience a montré que pour le chef de l’Etat « la consultation, c’est surtout de la communication ».
« Il n’y a pas de ‘plan B’ à Lucie Castets », a insisté Marine Tondelier, reprochant à nouveau à Emmanuel Macron de « faire son gaulois réfractaire ».
Le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, a assuré que si le président de la République persiste dans son refus de nommer Lucie Castets à Matignon, la délégation du NFP quittera immédiatement l’Elysée.
« Si on nous reçoit pour nous faire une fin de non-recevoir, il n’y a aucune raison de rester », a-t-il dit vendredi sur TF1.
« Est-ce que vous pensez que le président de la République peut nommer un gouvernement pour mener la même politique, alors que les Français veulent que ça change ? », a demandé Fabien Roussel. Si tel était le cas, cela serait comparable à « un coup d’Etat, un coup de force démocratique », a-t-il cinglé.
Même tonalité du côté de LFI, dont le coordinateur national Manuel Bompard a estimé vendredi que « c’est un comportement d’autocrate de considérer que quel que soit le résultat des élections (…) le président de la République devrait continuer à gouverner et à appliquer son programme ».
« Nous ne souhaitons pas gouverner pour embêter qui que ce soit, nous souhaitons gouverner pour améliorer la vie des Français », a poursuivi Manuel Bompard sur franceinfo, excluant que LFI ne participe pas à un gouvernement du NFP pour vaincre les réticences de l’Elysée et des autres partis.
« NE PAS TOMBER À LA PREMIÈRE MOTION DE CENSURE »
Après la gauche, le camp présidentiel, la droite républicaine, les centristes du groupe Liot et les radicaux de gauche seront reçus vendredi au palais présidentiel.
Lundi, ce sera au tour des chefs de file du Rassemblement national, Jordan Bardella et Marine Le Pen, et de leur allié Eric Ciotti, d’être consultés par Emmanuel Macron, qui doit aussi s’entretenir avec les présidents de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et du Sénat, Gérard Larcher.
Sans dévoiler les intentions du chef de l’Etat, son entourage insiste sur l’importance d’un dialogue « loyal, sincère et utile » de façon à trouver in fine une majorité « stable » qui suppose des alliances délicates, texte par texte.
« La stabilité, c’est la capacité pour un gouvernement à ne pas tomber à la première motion de censure déposée », explique-t-on. « Le président est du côté des Français, il est le garant des institutions et surtout de l’expression de leur vote. »
Des noms ont circulé pour remplacer Gabriel Attal à Matignon dont ceux de l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, du président de la région des Hauts-de-France Xavier Bertrand et du maire de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) Karim Bouamrane.
Aucune équation ne semble pour l’instant tomber juste quant aux alliances potentielles au Palais-Bourbon.
En attendant la nomination du nouveau locataire de Matignon, les ministres démissionnaires du gouvernement de Gabriel Attal gèrent les affaires courantes et préparent le budget 2025 appelé à être débattu à la rentrée.
(Reportage Elizabeth Pineau, avec Ingrid Melander à Tours, édité par Tangi Salaün)
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