Les Iraniens appelés aux urnes, la participation au coeur du scrutin
DUBAI (Reuters) – Plus de 60 millions d’électeurs sont appelés aux urnes vendredi pour les premières élections législatives en Iran depuis les grandes manifestations consécutives à la mort de Mahsa Amini en 2022, qui devraient permettre à l’élite politico-religieuse au pouvoir de mesurer sa popularité dans un contexte de crise multiforme, politique, économique et sociale.
Le scrutin, que les opposants au régime théocratique appellent à boycotter, ne mettra aux prises que des candidats issus des rangs conservateurs sélectionnés par le Conseil des gardiens de la Révolution, l’autorité électorale iranienne.
Plus de 15.000 candidats se disputeront les 290 sièges du parlement, un quart des postulants ayant été mis sur la touche.
Les réformateurs, écartés du jeu politique depuis qu’ils ont contesté la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad en 2009, ont dénoncé des élections « ni libres ni équitables » sans pour autant appeler au boycott.
Leur vision d’un « changement graduel » au sein de la République islamique, déjà mise à mal par des années de vains efforts pour accroître le champ des libertés en Iran, a été rejetée par les manifestations de 2022 et 2023.
Les protagonistes du vaste mouvement de contestation, réprimé par les autorités à coup d’arrestations massives et d’exécutions, appellent à ignorer les urnes et diffusent sur les réseaux sociaux le mot-clé #VOTENoVote en prévenant qu’un fort taux de participation contribuera à légitimer le pouvoir en place.
Le guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, a qualifié le vote de devoir religieux et accusé les « ennemis » de l’Iran – ce qui englobe généralement les Etats-Unis et Israël – de chercher à créer le désespoir parmi les électeurs.
Hossein Salami, le commandant des gardiens de la Révolution, corps d’élite du régime, a quant à lui assuré mercredi que chaque vote était « comme un missile lancé au coeur de l’ennemi ».
Mais le message passe mal auprès des Iraniens confrontés à de graves difficultés économiques, avec un taux d’inflation officiel d’environ 40%, et vraisemblablement supérieur à 50%.
De nombreux analystes soulignent que des millions d’Iraniens ne croient plus les religieux au pouvoir capables de résoudre une longue et profonde crise économique alimentée par les sanctions américaines, la mauvaise gestion et la corruption.
Des instituts de sondage ont prédit un taux de participation similaire à celui des précédentes législatives de 2020, autour de 40%. L’ancien député Mahmoud Sadeghi a cependant relevé que les sondages n’excluaient pas un taux de participation beaucoup plus bas, de l’ordre de 27%.
Les Iraniens seront également appelés à élire vendredi les 88 membres de l’Assemblée des experts, organe religieux chargé de nommer le guide suprême.
La plupart des bulletins seront décomptés manuellement et un délai de trois jours pourrait être nécessaire à l’annonce officielle des résultats.
(Parisa Hafezi, Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Kate Entringer)