Gaza: La CPI ne voit « aucun effort réel » de la part d’Israël pour enquêter sur les crimes de guerre présumés
par Anthony Deutsch
LA HAYE (Reuters) – Le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a défendu sa décision de porter des accusations de crimes de guerre contre le Premier ministre israélien, affirmant qu’Israël n’avait fait « aucun effort réel » pour enquêter sur ces allégations.
Dans une interview accordée à Reuters, il est resté fidèle à sa décision concernant le mandat d’arrêt, malgré le vote de la Chambre des représentants des États-Unis, la semaine dernière, visant à sanctionner la CPI en signe de protestation, une décision qu’il a qualifiée d' »indésirable et malvenue ».
En novembre dernier, les juges de la CPI ont délivré des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, de l’ancien ministre de la Défense israélienne, Yoav Gallant, et du chef du Hamas, Ibrahim Al-Masri, pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui auraient été commis pendant le conflit de Gaza.
Le bureau du Premier ministre israélien n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire sur les remarques de Karim Khan à Reuters.
Israël a rejeté la compétence du tribunal de La Haye et nie avoir commis des crimes de guerre. Les États-Unis, principal allié d’Israël, ne sont pas non plus membres de la CPI et Washington a critiqué les mandats d’arrêt délivrés à l’encontre de Benjamin Netanyahu et de Yoav Gallant.
« Nous sommes ici en tant que tribunal de dernier recours et (…) à l’heure où nous parlons, nous n’avons vu aucun effort réel de la part de l’État d’Israël pour prendre des mesures qui répondraient à la jurisprudence établie, à savoir des enquêtes concernant les mêmes suspects pour la même conduite », a déclaré Karim Khan à l’agence Reuters.
« Cela peut changer et j’espère que ce sera le cas », a-t-il ajouté lors de l’interview de jeudi, un jour après qu’Israël et le groupe militant palestinien Hamas ont conclu un accord de cessez-le-feu à Gaza.
Une enquête israélienne aurait pu conduire au renvoi de l’affaire devant les tribunaux israéliens en vertu des principes dits complémentaires. Israël peut toujours démontrer sa volonté d’enquêter, même après l’émission de mandats d’arrêt.
Karim Khan a déclaré qu’Israël disposait d’une très bonne expertise juridique.
Mais il a ajouté que « la question est de savoir si ces juges, ces procureurs, ces instruments juridiques ont été utilisés pour examiner correctement les allégations que nous avons vues dans les territoires palestiniens occupés, dans l’État de Palestine ? Et je pense que la réponse à cette question est ‘non' ».
LE RETOUR IMMINENT DE TRUMP
L’adoption par la Chambre des représentants des États-Unis, le 9 janvier, du « Illegitimate Court Counteraction Act » (loi sur la lutte contre les tribunaux illégitimes) a mis en évidence le fort soutien dont bénéficie le gouvernement israélien parmi les républicains du président élu Donald Trump.
La CPI a déclaré qu’elle prenait note du projet de loi avec inquiétude et a averti qu’il pourrait priver les victimes d’atrocités de justice et d’espoir.
La première administration de Donald Trump a imposé des sanctions à la CPI en 2020 à la suite d’enquêtes sur des crimes de guerre en Afghanistan, y compris des allégations de torture par des citoyens américains. Ces sanctions ont été levées sous la présidence de Joe Biden.
Il y a cinq ans, Fatou Bensouda, au moment où elle était procureure générale de la CPI, et d’autres membres du personnel ont vu leurs cartes de crédit et leurs comptes bancaires gelés et ont été empêchés de voyager aux États-Unis. On s’attend à ce que toute nouvelle sanction américaine sous Trump soit plus sévère et plus étendue.
« Il est bien sûr indésirable et malvenu qu’une institution issue de Nuremberg soit menacée de sanctions. Cela devrait inciter les gens à prendre conscience que ce tribunal n’est pas la propriété du procureur ou des juges. Nous avons 125 États », a déclaré Karim Khan.
« C’est une question qui devrait préoccuper toutes les personnes de conscience », a-t-il ajouté, refusant de discuter plus en détail de ce que les sanctions pourraient signifier pour la Cour.
(Reportage Anthony Deutsch, version française Mara Vîlcu, édité par Augustin Turpin)