Etats-Unis: L’influence accrue de Musk interroge sur l’issue des enquêtes sur son empire
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par Mike Spector, Rachael Levy, Marisa Taylor et Chris Prentice
(Reuters) – Le mois dernier, la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, a imposé un délai de quelques jours à Elon Musk pour accepter un paiement, faute de quoi le milliardaire américain ferait face à des accusations dans le cadre d’une enquête portant sur son rachat en 2022 de Twitter, rebaptisé X depuis.
Elon Musk a annoncé lui-même la nouvelle dans un message publié sur le réseau social: « Oh Gary, comment as-tu pu me faire ça ? », a-t-il écrit en référence au président de la SEC, Gary Gensler.
Ajoutant un émoji « smiley » à son message, le milliardaire a également joint une lettre juridique condamnant l’ultimatum « mal motivé » de la SEC.
« Nous exigeons de savoir qui a dirigé ces actions, que ce soit vous ou la Maison blanche », y est-il écrit.
Un porte-parole de la SEC a refusé de commenter tandis que la Maison blanche n’a pas répondu à une demande de commentaire.
Le patron de Tesla et SpaceX est coutumier des conflits avec la SEC. Le gendarme boursier a ouvert en octobre une enquête sur le rachat de Twitter et mène aussi des investigations sur Neuralink, la start-up d’Elon Musk spécialisée dans les puces cérébrales.
La SEC n’est cependant pas le seul organisme d’enquête que Musk a défié et accusé de harcèlement politique.
Le propriétaire de X s’insurge depuis longtemps contre la surveillance gouvernementale, se décrivant comme une victime de la bureaucratie qui étouffe l’innovation.
Avec le retour attendu à la Maison blanche de Donald Trump, un nouveau dirigeant de la SEC sera nommé, Paul Atkins, pour remplacer Gary Gensler, qui prévoit de démissionner après l’investiture du nouveau président, dont Elon Musk a soutenu la campagne en dépensant plus d’un quart de milliard de dollars.
Le patron de Tesla a été nommé par Donald Trump à la tête d’un nouveau « Département de l’efficacité gouvernementale », une entité privée chargée de donner des conseils en matière de réduction des budgets et des réglementations.
Les prérogatives de cette nouvelle entité restent pour l’heure floues.
Mais la possible influence d’Elon Musk sur la nouvelle administration Trump soulève des questions sur le sort des enquêtes fédérales et des actions réglementaires concernant ses entreprises, dont au moins 20 sont en cours, selon trois sources familières des activités de SpaceX et de Tesla ainsi que cinq fonctionnaires au fait des enquêtes sur l’empire du milliardaire.
Les enquêtes portent notamment sur des violations présumées de réglementations sur les valeurs mobilières, sur la sécurité des systèmes Autopilot et Full Self-Driving (FSD) de Tesla ainsi que sur les problèmes présumés de pollution, de discrimination à l’embauche et d’octroi de licences chez SpaceX. Elles concernent aussi de potentielles violations des règles de protection des animaux dans le cadre des expériences de Neuralink sur les puces cérébrales.
Elon Musk, Tesla, SpaceX et Neuralink n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Avant l’élection de Donald Trump en novembre, Elon Musk a déclaré qu’il n’a « jamais demandé de faveurs [à Trump], et il ne m’en a jamais offert. »
Un porte-parole de la transition à la présidence de Donald Trump a qualifié Elon Musk d’entrepreneur « brillant » et a déclaré que l’administration du président-élu garantirait la loi et l’ordre, « en traitant tous les Américains de la même manière ».
Les affaires liées à Elon Musk pourraient cependant languir ou être abandonnées par les chefs d’agence et de département nommés par Donald Trump, selon d’anciens et actuels fonctionnaires américains.
Au sein du département de la Justice, les nominations de Donald Trump comprennent des avocats qui l’ont défendu dans des procès, ainsi qu’un candidat au poste de chef du FBI qui a promis à plusieurs reprises de poursuivre les ennemis du président élu, soulignent des fonctionnaires du département.
A la lumière de sa relation proche avec Donald Trump, Elon Musk pourrait aussi profiter du pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires du département de la Justice en matière de poursuites judiciaires, estime Barbara McQuade, ancienne procureure à Détroit pendant l’administration Obama et qui a également travaillé en tant que procureur fédéral pendant les administrations George W. Bush et Clinton.
« Dans la mesure où ils veulent plaire au patron, je pense qu’ils savent comment s’y prendre », déclare-t-elle.
Toutefois, certains experts juridiques minimisent le risque d’interférence politique de la part d’Elon Musk, notant que l’absence de progrès d’une enquête pourrait être le signe d’un manque de preuves.
« Je ne pense pas qu’il y ait autant de risques que Musk s’infiltre pour influencer les affaires », juge Robert Frenchman, avocat spécialisé dans la défense des cols blancs chez Dynamis à New York.
« La plupart des procureurs intentent des procès qu’ils pensent pouvoir gagner », ajoute-t-il.
Les représentants des départements et agences enquêtant actuellement sur Elon Musk ou ses entreprises n’ont pas commenté les enquêtes ou leur capacité à renforcer la réglementation contre les alliés de Donald Trump au cours de son second mandat.
L’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) et l’Administration nationale de la sécurité routière (NHTSA) ont déclaré qu’elles continueraient à assumer leurs responsabilités légales et réglementaires.
« MEILLEUR POTE »
Depuis l’élection de Trump, Elon Musk s’est qualifié comme étant le « meilleur pote » du président élu, ayant notamment fréquenté son club Mar-a-Lago en Floride ou célébré la fête de Thanksgiving avec celui-ci.
Le milliardaire a vanté sa nouvelle influence et donné des exemples précis sur la manière dont il pourrait l’utiliser.
Avant l’élection de Donald Trump à la présidence, Elon Musk a déclaré qu’il chercherait à utiliser son poste pour faire avancer les réglementations nationales sur les véhicules sans conducteur, ce qui profiterait à Tesla, et pour éliminer les règles « irrationnelles » telles que celle qui a entraîné une amende pour pollution à l’encontre de SpaceX.
Les responsables de la NHTSA n’ont cessé d’enquêter sur Tesla depuis près de dix ans, provoquant la colère d’Elon Musk.
Lors d’un appel en 2016, il avait proféré des insultes à l’encontre des régulateurs qui lançaient la première d’une série d’enquête sur le système d’aide à la conduite Autopilot de Tesla après un accident mortel, selon deux personnes familières avec le dossier.
Cinq enquêtes de la NHTSA sont en cours au sujet de la technologie d’assistance au conducteur et d’autres opérations dans les véhicules Tesla.
Le département de la Justice enquête notamment pour déterminer si Tesla et Elon Musk ont exagéré les capacités d’autoconduite de leurs véhicules et induit en erreur les consommateurs.
L’enquête était au point mort avant l’élection présidentielle de novembre, en partie à cause d’obstacles juridiques, a déclaré une personne au fait du dossier.
Une autre enquête, menée par le bureau du procureur des États-Unis à Manhattan, porte sur l’autonomie des véhicules électriques de Tesla. Elle fait suite à des informations de Reuters selon lesquelles le constructeur automobile a truqué ses écrans d’affichage sur le tableau de bord pour donner aux conducteurs des projections optimistes sur le nombre de kilomètres qu’ils pouvaient parcourir grâce à la batterie.
« À notre connaissance, aucune agence gouvernementale n’a conclu, dans le cadre d’une enquête en cours, l’existence d’un quelconque acte répréhensible », a déclaré Tesla dans ses documents trimestriels déposés auprès de la SEC.
Selon Reuters, certains conseillers de Donald Trump en matière de politique automobile lui ont recommandé de supprimer l’obligation pour les constructeurs de communiquer des données sur les accidents impliquant des systèmes de conduite automatisée, une mesure qui pourrait paralyser la capacité de la NHTSA à enquêter et à réglementer la sécurité de cette technologie émergente.
FUSÉES ET NASA
SpaceX, autre entreprise d’Elon Musk, fait l’objet d’une surveillance réglementaire limitée, le gouvernement ayant confié la plupart de ses missions spatiales à la société selon deux anciens responsables de SpaceX et un fonctionnaire actuel au fait des interactions de l’entreprise avec la Nasa, l’EPA et l’Administration fédérale de l’aviation (FAA).
Lors d’un sommet en septembre, Elon Musk avait qualifié de « folle » une enquête de l’EPA, qui avait conduit SpaceX à accepter une proposition d’amende de 148.378 dollars pour avoir déversé des polluants qui, selon le milliardaire, étaient en fait de « l’eau potable ».
En septembre, la FAA avait aussi proposé séparément d’infliger à SpaceX une amende de 633.000 dollars pour n’avoir pas respecté les conditions d’obtention de licence et n’avoir pas obtenu l’autorisation d’apporter des modifications lors de deux lancements en 2023.
Elon Musk a demandé la démission du chef de la FAA, Mike Whitaker, en septembre, peu après que l’organisation a infligé une amende à SpaceX et retardé l’un de ses lancements.
Le mois dernier, Mike Whitaker a déclaré qu’il démissionnerait avant le début du mandat de Donald Trump.
(Reportage Mike Spector et Chris Prentice à New York, Rachael Levy et Marisa Taylor à Washington, avec la contribution de Chris Kirkham à Los Angeles et David Shepardson à Washington ; version française Etienne Breban, édité par Blandine Hénault)
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