Ashraf Ghani, président en fuite ayant échoué à faire la paix avec les taliban
Le président afghan Ashraf Ghani, 72 ans, a quitté dimanche le palais présidentiel de la capitale Kaboul, où ont pénétré les insurgés taliban qui ont renversé son gouvernement en quelques semaines seulement, en déclarant vouloir éviter un bain de sang.
Elu à deux reprises à la tête du pays, à chaque fois à l’issue de processus électoraux tendus, l’ancien académicien de la Banque centrale n’a pas indiqué où il se rendait. D’après la chaîne de télévision Al Jazeera, il a pris un avion à destination de l’Ouzbékistan.
« Pour éviter un bain de sang, j’ai pensé qu’il valait mieux partir », a-t-il déclaré sur Facebook dans ses premiers commentaires publics depuis sa fuite de Kaboul, où les taliban sont entrés dans la journée.
Arrivé au pouvoir en 2014, Ashraf Ghani s’est fixé comme priorité de mettre fin à des décennies de conflit, en dépit des attaques à répétition menées par les taliban contre son gouvernement et les forces de sécurité afghanes.
Il a supervisé la fin des missions de combat de l’armée américaine dans le pays, le retrait presque définitif des troupes étrangères et un processus de paix inter-afghan houleux avec les insurgés débuté l’an dernier à Doha, au Qatar.
Mais les gouvernements étrangers ont été frustrés par le manque d’avancées dans les discussions et les réactions irritables d’Ashraf Ghani, lequel s’est retrouvé de plus en plus isolé au pouvoir à Kaboul. Les appels en faveur d’un gouvernement intérimaire s’étaient intensifiés ces derniers mois.
Durant son mandat, Ashraf Ghani est parvenu à nommer à des postes clé une nouvelle génération d’Afghans instruits, alors que les arcanes du pouvoir étaient jusque-là fréquentés par une poignée de personnalités issues de l’élite ou usant de leurs réseaux.
Il a promis de lutter contre une corruption endémique, de rétablir l’économie et de transformer le pays en un carrefour entre l’Asie centrale et l’Asie du Sud. La plupart de ses promesses n’ont toutefois pas été tenues.
Après avoir passé plus de 25 ans à l’étranger, Ashraf Ghani, diplômé de l’université Columbia à New York, est revenu en Afghanistan dans la foulée du début de l’intervention américaine, devenant l’un des hauts conseillers du nouveau président Hamid Karzai. Devenu ministre des Finances, il s’est brouillé avec Karzai en 2004 et a quitté le gouvernement.
Une première tentative d’accéder à la présidence, en 2009, a échoué: il s’est classé quatrième du scrutin, avec 4% des suffrages.
Occupant toujours des fonctions importantes dans le pays, dont le rôle de « tsar » de la transition sécuritaire entre l’Otan et Kaboul, Ashraf Ghani s’est de nouveau porté candidat en 2014, cette fois avec succès, alors que Hamid Karzai ne pouvait se représenter du fait de la limite du nombre de mandats présidentiels.
Réélu en 2019, Ashraf Ghani a eu une relation compliquée avec Washington et les puissances occidentales, étant notamment en désaccord sur la stratégie de celles-ci en Afghanistan.
Dans un entretien avec la BBC, il avait déclaré ceci: « L’avenir sera déterminé par le peuple d’Afghanistan, non pas par quelqu’un assis derrière un bureau, en train de rêver ».
(Bureau de Kaboul; version française Jean Terzian)