Anniversaire de la guerre en Ukraine sur fond de doutes sur le soutien des USA à Kyiv
par Tom Balmforth et Olena Harmash
Débat sur la fin de vie. Réagissez à l'interview du député Olivier Falorni au +33 0769138397 ou par email à l'adresse [email protected]
KYIV (Reuters) – La guerre entre l’Ukraine et la Russie va entrer dans sa quatrième année, alors que lundi marque le troisième anniversaire de l’offensive lancée par Moscou, sur fond d’incertitudes à Kyiv à l’égard du soutien crucial des Etats-Unis, au moment même où les troupes ukrainiennes peinent à repousser les assauts incessants de l’armée russe.
En milieu de semaine dernière, le président américain Donald Trump s’en est pris vivement à Volodimir Zelensky, qualifiant son homologue ukrainien de « dictateur » et l’exhortant à sceller rapidement un accord de paix sous peine de perdre son pays. Zelensky a accusé Trump de vivre dans une « bulle de désinformation » russe.
Cette querelle est survenue en parallèle à l’ouverture de discussions entre Washington et Moscou, dont des représentants de haut rang se sont rencontrés mardi dernier en Arabie saoudite pour évoquer notamment le conflit en Ukraine – un changement de posture radical de la part des Etats-Unis qui a décontenancé et inquiété l’Ukraine et les Européens, tenus à l’écart.
L’administration de Donald Trump, revenu au pouvoir à la Maison blanche le 20 janvier, a également fait savoir qu’elle n’enverrait aucun soldat en Ukraine pour apporter les garanties réclamées par Kyiv en cas d’accord de paix, laissant aux puissances européennes la responsabilité d’une telle mission, à la réalisation compliquée sans le soutien américain.
Volodimir Zelensky a multiplié les échanges téléphoniques avec des dirigeants européens ces derniers jours, avec l’objectif de s’assurer de leur soutien et d’établir la marche à suivre, après avoir demandé à l’Europe de créer sa propre armée et appelé les Etats-Unis à se montrer « pragmatiques ».
Un certain nombre de dirigeants européens devraient se rendre à Kyiv pour commémorer l’anniversaire de la guerre en Ukraine, le conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.
« ÉPUISÉS PSYCHOLOGIQUEMENT »
Des milliers de civils ukrainiens ont été tués depuis le lancement le 24 février 2022 de ce que la Russie a présenté comme une « opération militaire spéciale », qualifiée d’invasion par l’Ukraine et ses alliés occidentaux. Plus de 6 millions de citoyens ukrainiens ont fui le pays.
Si les pertes sur les lignes de front restent tenues secrètes, aussi bien par Kyiv que Moscou, des estimations de pays occidentaux basées sur des compte-rendus des services de renseignement divergent mais font toutes état de centaines de milliers de soldats tués ou blessés dans les deux camps.
Nombre de familles ukrainiennes ont été affectées par le conflit dans chaque recoin du pays, où les funérailles militaires sont devenues courantes. La population est exténuée, entre les sirènes d’alerte au milieu de la nuit et les frappes russes contre des infrastructures énergétiques.
Sur le champ de bataille, l’armée ukrainienne fait face à des troupes russes supérieures en nombre et dépend grandement en termes d’équipements et d’armes du soutien apporté par les puissances occidentales, en particulier les Etats-Unis.
On ne sait pas dans quelle mesure les alliés européens de l’Ukraine pourraient compenser un éventuel ralentissement ou arrêt de l’aide fournie par Washington.
Evhen Kolosov, chef des services de secours sur une base militaire ukrainienne dans l’Est du pays, a déclaré que les soldats étaient épuisés psychologiquement.
« Ils continuent de se battre, mais ceux (qui sont là) depuis les premiers jours sont fatigués, davantage psychologiquement que physiquement, de même que les médecins. C’est difficile, mais c’est la guerre », a-t-il dit.
Pavlo Klimkin, ancien ministre des Affaires étrangères à Kyiv, a déclaré qu’il fallait que Volodimir Zelensky tente de préserver les liens stratégiques avec Washington tout en renforçant les relations avec l’Europe et en entrant en contact avec d’autres pays comme la Chine et l’Inde.
Les relations entre l’Ukraine et les Etats-Unis n’ont pas encore atteint un point de crise, en dépit des coups de colère de Donald Trump, a estimé celui qui fut chef de la diplomatie ukrainienne de 2014 à 2019.
NE PAS « ALIMENTER LA TORNADE »
« Cette tornade n’est pas viable, elle va passer, mais il est important de ne pas l’alimenter de quelque manière que ce soit », a dit Pavlo Klimkin.
Il a ajouté ne pas s’attendre à un accord cette année qui répondrait aux attentes de Kyiv – une paix durable et juste -, mais a déclaré qu’un cessez-le-feu était envisageable.
Au coeur de la relation actuelle entre Kyiv et Washington se trouve la question des minerais ukrainiens, auxquels Donald Trump entend avoir accès, alors que le président américain dit vouloir récupérer les centaines de milliards de dollars d’aides apportées par les Etats-Unis à l’Ukraine.
Volodimir Zelensky a refusé de signer plus tôt ce mois-ci un projet d’accord sur les minerais, déplorant l’absence de garanties sécuritaires réclamées par Kyiv et déclarant que l’accord n’était en l’état pas dans l’intérêt du pays.
Donald Trump a déclaré vendredi qu’un accord était proche, sans donner davantage de précisions.
Le chef de la Maison blanche a réclamé par ailleurs que l’Ukraine organise des élections, alors qu’un scrutin était prévu l’an dernier, reprochant à Volodimir Zelensky son manque de légitimité – une critique formulée de longue date par la Russie.
Volodimir Zelensky, dont le mandat devait expirer en mai dernier, dit ne pas pouvoir organiser d’élections du fait de la loi martiale entrée en vigueur en Ukraine en réponse à l’offensive lancée par la Russie.
Le président ukrainien a déclaré dimanche qu’il était prêt à quitter ses fonctions si cela permettait la conclusion d’un accord de paix et l’entrée de l’Ukraine au sein de l’Otan.
(Tom Balmforth et Olena Harmash, avec Dan Peleschuk, Max Hunder, Vitalii Hnidyi; version française Jean Terzian)
Vous aimez nos publications ? Engagez-vous !
Les systèmes politiques et médiatiques ont besoin que s'exercent des contre-pouvoirs. Une majorité de journaux, télévisions et radios appartiennent à quelques milliardaires ou à des multinationales très puissantes souhaitant faire du profit, privant les citoyens d’un droit fondamental : avoir accès à une information libre de tout conflit d’intérêt.Le Journal Chrétien, service de presse en ligne bénéficiant d’un agrément de la Commission paritaire des publications et agences de presse du Ministère de la Culture, assure un contre-pouvoir à l’ensemble des acteurs sociaux, en vérifiant les discours officiels, en décryptant l'actualité, en révélant des informations de première importance ou en portant le témoignage des dominés.