Poutine reçoit Xi Jinping à Moscou à un moment charnière
LONDRES (Reuters) – Trois jours après l’émission par la Cour pénale internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt à son encontre pour crimes de guerre en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a reçu son « cher ami » chinois Xi Jinping à Moscou lundi.
Cette visite, la première de Xi Jinping depuis sa reconduction pour un troisième mandat inédit à la présidence de la Chine et la première d’un dirigeant étranger depuis l’annonce de la CPI, est présentée par la Russie comme l’illustration qu’elle dispose d’un puissant allié disposé à faire front à ses côtés face à des Occidentaux hostiles.
Xi Jinping est arrivé à l’aéroport international de Vnoukovo lundi en début d’après-midi, selon des images de la télévision publique russe. Il s’est entretenu de manière « informelle » avec Vladimir Poutine pendant près de quatre heures et demie, selon les agences officielles russes, avant un dîner et un entretien « formel » prévu mardi.
Vladimir Poutine a accueilli Xi Jinping en disant « envier un peu » la Chine, louant son « système très efficace pour développer l’économie et renforcer l’Etat », selon des propos retransmis à la télévision d’Etat.
Le président chinois lui a retourné la politesse en se disant convaincu que les Russes le rééliraient sans difficulté l’an prochain pour un nouveau mandat.
« Sous votre ferme direction, la Russie a fait de grands progrès dans son développement prospère », a-t-il déclaré.
Washington a de son côté estimé que le déplacement de Xi Jinping à Moscou trois jours après l’émission du mandat d’arrêt de la CPI contre Vladimir Poutine était une façon d’absoudre le président russe de ses crimes.
« Au lieu de les condamner, cela revient à fournir une couverture diplomatique à la Russie pour qu’elle continue à commettre de tels crimes », a déclaré le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.
MÉDIATION EN UKRAINE ?
Alors que ni la Russie ni la Chine ne sont membres de la CPI, le Kremlin a décrit la décision de cette dernière comme juridiquement sans valeur, en plus de la dénoncer comme outrageuse.
Mais en faisant de Vladimir Poutine un homme virtuellement recherché dans 123 pays, la CPI a braqué encore davantage les projecteurs sur la venue à Moscou de Xi Jinping, pour lequel ce déplacement était déjà considéré comme délicat.
La Chine, qui s’est gardée de condamner l’offensive en Ukraine ou de la décrire comme une invasion, se retrouve dans une position délicate, entre les difficultés de l’armée russe et l’avertissement lancé par les Etats-Unis si Pékin venait à fournir des armes à Moscou, a estimé Jonathan Eyal, du Royal United Services Institute, centre de réflexion basé à Londres.
Alors que la Chine veut jouer le rôle de médiateur, Xi Jinping a déclaré que le plan présenté le mois dernier par Pékin reflétait les positions mondiales et avait pour objectif de neutraliser les conséquences de la crise ukrainienne.
Dans une tribune parue dans la Rossiiskaya Gazeta, quotidien publié par le gouvernement russe, le président chinois a appelé au « pragmatisme », admettant que les solutions à la crise n’étaient pas simples.
Vladimir Poutine a dit attendre beaucoup de la visite de Xi Jinping, selon des propos rapportés par un journal chinois et publiés dimanche soir par le Kremlin sur son site internet. Il a dit aussi se réjouir de la volonté de Pékin de servir de médiateur.
« Nous sommes reconnaissants de la ligne équilibrée (de la Chine) en lien avec les événements se déroulant en Ukraine, pour avoir compris le contexte et les causes réelles », a dit le président russe.
KYIV ATTEND DE XI QU’IL USE DE SON INFLUENCE
L’Ukraine s’est montrée prudente à l’égard du plan dévoilé par Pékin, qui ne contient aucune mesure concrète, et a prévenu que tout accord nécessiterait que la Russie se retire des territoires qu’elle a saisis – dont la péninsule de Crimée, annexée en 2014.
Washington a affiché un grand scepticisme sur la volonté réelle de la Chine d’intervenir pour trouver une issue, étant donné son refus de condamner l’offensive russe, et a reproché au contraire à Pékin d’envisager de fournir des armes à la Russie. La Chine a rejeté ces accusations.
Kyiv attend de la Chine qu’elle use de son influence sur la Russie pour mettre fin à la guerre en Ukraine, a déclaré lundi le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Oleg Nikolenko, à Reuters, peu après l’arrivée de Xi Jinping à Moscou.
Des combats acharnés se poursuivent dans la ville de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, où les forces ukrainiennes résistent depuis l’été dernier.
Par ailleurs, les ministres de Affaires étrangères de l’Union européenne, réunis lundi à Bruxelles, ont signé un accord pour fournir des obus de 155 mm à l’Ukraine, qui juge ces approvisionnements essentiels.
L’armée ukrainienne, dans son compte rendu quotidien des combats sur le front, a déclaré que ses forces dans les villes de la région de Donetsk avaient repoussé 69 attaques russes au cours de la journée écoulée.
(Reportage Reuters, rédigé par Michael Perry et Philippa Fletcher; version française Jean Terzian, Kate Entringer et Tangi Salaün)
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