24 mars 2025Reuters

Gérard Depardieu quasi-muet au premier jour de son procès pour agressions sexuelles

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) -L’avocat de Gérard Depardieu a monopolisé les débats lundi au tribunal correctionnel de Paris, au premier jour du procès de l’acteur poursuivi pour des agressions sexuelles présumées commises contre deux femmes lors du tournage d’un film en 2021.

Durant de longues interventions à deux pas de l’acteur qui lui est resté coi mais attentif, Me Jérémie Assous a réclamé la nullité de la procédure, jugeant que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté lors d’une procédure « à charge », pour « faire tomber Depardieu ».

Vêtu de noir, Gérard Depardieu n’est intervenu en début d’audience que pour confirmer son identité et déclarer qu’il répondrait « bien entendu » aux questions du tribunal.

Les débats doivent durer jusqu’à mardi à raison de six heures par jour à cause de la santé fragile de l’acteur de 76 ans qui a subi un quadruple pontage coronarien et souffre de diabète – d’où un report de cinq mois de son procès.

« Ça va, ça va », a dit Gérard Depardieu, cheveux gris et démarche parfois hésitante, en levant le pouce devant la presse dans un couloir du tribunal pendant une suspension d’audience.

« Monstre sacré » du cinéma français, Gérard Depardieu a été ces six dernières années la cible de plusieurs allégations d’agressions sexuelles, qu’il a toujours niées.

C’est la première fois qu’il comparaît devant la justice ; il encourt jusqu’à cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende.

Le parquet accuse Gérard Depardieu d’avoir agressé deux femmes pendant le tournage du film de Jean Becker « Les Volets Verts » en 2021 « en (les) coinçant entre ses jambes et en (leur) touchant les fesses, le sexe, et la poitrine par-dessus (leurs) vêtements ».

Selon le parquet, trois témoins ont assisté à ces agressions présumées. L’identité des victimes n’a pas été rendue publique. Selon la presse, il s’agit d’une décoratrice et d’une assistante réalisatrice.

Les deux femmes ont porté plainte alors que Gérard Depardieu faisait déjà l’objet d’une enquête pour viols et agressions sexuelles contre la comédienne Charlotte Arnould en 2018. Le parquet a requis le renvoi de l’acteur devant la cour criminelle dans cette affaire.

Charlotte Arnould a assisté lundi au premier jour du procès tout comme l’actrice Anouk Grinberg, qui s’est mobilisée contre les violences sexuelles et sexistes dans le milieu du cinéma.

« GÉGÉ ME TOUCHE DEPUIS HIER »

En amont de l’audience, l’avocate de l’une des victimes présumées a confié à Reuters les appréhensions de sa cliente.

« Evidemment qu’il y a une crainte. C’est un géant du cinéma », a expliqué Me Carine Durrieu Diebolt. « Il y a une peur du monstre sacré du cinéma, c’est le pot de terre contre le pot de fer, et la peur des représailles également parce qu’elles évoluent dans le milieu du cinéma mais à un niveau bien inférieur à celui de Gérard Depardieu. »

Après avoir dénoncé des « accusations mensongères » face aux journalistes, Me Assous a fait remarquer au tribunal qu’en 2021, Gérard Depardieu pesait « 26 kilos de plus » et se déplaçait avec grande difficulté.

En fin d’audience, Me Claude Vincent a lu un message d’une victime présumée écrit en septembre 2021 : « Gégé me touche depuis hier, ça me rend dingue, j’ai envie de lui foutre une tarte ». A l’évocation de ce souvenir, la plaignante s’est mise à pleurer.

« M. Depardieu s’est excusé auprès de [la plaignante], alors pourquoi s’excuser si on n’a rien fait ? », a souligné Me Durrieu Diebolt, conseil de l’autre victime présumée.

L’acteur a présenté des excuses pour des « grossièretés » mais « jamais » pour des agressions sexuelles, a répliqué Me Assous.

L’acteur Vincent Perez est venu au tribunal pour soutenir Gérard Depardieu tout comme l’actrice Fanny Ardant, qui doit intervenir à la barre mardi à l’instar d’autres témoins, dont des membres de l’équipe de tournage des « Volets Verts ».

Ce procès pourrait être l’affaire #MeToo la plus médiatisée en France compte tenu de la renommée de l’accusé, même si d’autres procès ont récemment braqué les projecteurs sur les violences sexuelles faites aux femmes comme celui de Dominique Pelicot, condamné pour avoir drogué son ex-femme Gisèle afin de la soumettre au viol de dizaines d’hommes, ou celui du réalisateur Christophe Ruggia, condamné pour avoir agressé sexuellement l’actrice Adèle Haenel alors qu’elle était mineure.

(Reportage d’Elizabeth Pineau, avec la contribution de Ardee Napolitano, Juliette Jabkhiro et Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)