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Le passage de la flamme olympique, une dépense qui fait débat

par Elizabeth Pineau

LA BAULE, France (Reuters) – Lorsque l’élue écologiste du département de Loire-Atlantique a refusé de débourser 180.000 euros pour le passage de la flamme olympique, plusieurs communes ont cassé leur tirelire pour être au nombre des 400 villes étapes sur le chemin des Jeux de Paris.

A l’approche des festivités qui s’ouvriront le 26 juillet dans la capitale, un tiers des 101 départements français n’accueilleront pas la flamme appelée à en traverser 64 (outre Paris et Marseille) dont cinq territoires ultra-marins, selon un décompte officiel.

Dans cinq départements, dont la Loire-Atlantique et l’Hérault, les communes se sont organisées pour la recevoir après le refus du Conseil général.

Partie de Marseille le 8 mai, la torche allumée à Athènes passera mercredi par le pays d’Ancenis, Vertou, Saint-Sébastien-sur-Loire et Basse-Goulaine avant d’atteindre La Baule, où la foule assistera à la cérémonie de l’allumage du chaudron.

Pour le maire (Les Républicains) Franck Louvrier, la ville connue pour sa plage en arc de cercle bordée d’immeubles se devait de débourser 60.000 euros hors festivités, sur un budget d’une soixantaine de millions, pour être de la fête.

Le tennisman Jo-Wilfried Tsonga sera l’un des porteurs de la flamme attendue en fin d’après-midi dans la cité balnéaire cossue de 17.000 habitants l’hiver – dix fois plus l’été.

La ministre des Jeux, Amélie Oudéa-Castera, au nombre des personnalités politiques ayant une maison de famille dans les parages, sera de la partie, qui coïncide avec le jumping de La Baule, rendez-vous équestre annuel très populaire.

« Il n’y avait aucun argument crédible pour manquer cet événement mondial. Le sport est dans l’ADN de notre ville. Refuser aurait été une erreur majeure pour tout le monde », a dit Franck Louvrier à Reuters dans son bureau décoré d’une photo de Carla et Nicolas Sarkozy, dont le maire de La Baule fut le conseiller en communication à l’Elysée.

« TRÈS CHER POUR TRÈS, TRÈS PEU »

Si la plupart des Baulois croisés par Reuters étaient au courant du passage de la flamme, tous n’y prêtaient pas attention, à l’image de la relative apathie constatée chez les Français. Selon un sondage Ifop publié vendredi, 39% des personnes interrogées sont indifférentes à l’évènement, 37% y sont hostiles et 24% se montrent satisfaits ou enthousiastes.

Pour Anne Boyé, membre de l’opposition socialiste au conseil municipal baulois, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

« C’est très cher, pour très, très peu. Les chaînes de télévision seront ailleurs, en Normandie pour les célébrations du Débarquement », a-t-elle dit à Reuters à la terrasse d’un café de La Baule, décorée d’affiches à la gloire de la flamme.

Louise Pahun, vice-présidente écologiste du Conseil général de Loire-Atlantique en charge des Sports, égratigne elle aussi un évènement sponsorisé par des marques comme Coca-Cola, ciblée en terme de pollution et de santé publique, à l’heure où les collectivités doivent se serrer la ceinture.

« La flamme, c’est un gros billet donné au Comité olympique et on ne sait pas comment va ruisseler cette manne dans le milieu sportif », a dit à Reuters l’élue, qui déplore le manque de transparence du processus.

Dans une lettre du 11 mars 2022 consultée par Reuters et restée sans réponse, le Département demande des précisions sur l’utilisation des 180.000 euros demandés par le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop).

En réponse à Reuters, le Cojop a précisé que le coût du passage de la flamme était de 450.000 euros, financé par le territoire traversé à hauteur de 150.000 euros (180.000 TTC), le reste incombant à « Paris 2024 et ses partenaires ».

Sollicité, le groupe Coca-Cola met pour sa part en avant la « ferveur incroyable à l’arrivée de nos animations sur le convoi qui précède les porteurs de la flamme ».

« ÇA FAIT DU BIEN »

Des élus ont fait part de leurs doutes dans la presse, tel le président conservateur du Conseil départemental de la Sarthe Dominique Le Menèr. « Si ce n’était pas les JO, on parlerait de racket », a-t-il dit à Ouest France. Les médias régionaux ont fait leurs calculs. « Flamme olympique : combien ça coûte ? », titrait le 18 mai La Nouvelle République du Centre-Ouest.

Au conseil municipal de Saint-Sébastien-sur-Loire, 29.000 habitants, les débats ont été vifs au moment de dépenser quelque 60.000 euros – 30.000 pour le Cojop et l’autre moitié pour des réjouissances incluant la création d’un village olympique.

« Quelle autre occasion auront les habitants de voir la flamme olympique sans faire le tour de la planète ? », a plaidé à Reuters le maire, Laurent Turquois.

Hervé Camus, opposant écologiste, déplore que « la flamme reste à peine une heure sur la commune », où « des associations sportives seraient heureuses de profiter des 30.000 euros ».

A La Baule, les avis sont partagés entre ceux qui saluent une parenthèse souriante dans une actualité sombre, et d’autres moins enthousiastes.

« Avec tout ce qui se passe aujourd’hui, ça fait du bien », dit Irène Munier, 72 ans, croisée sur la promenade de mer. Une autre retraitée, Martine Wibaux, est plus critique. « C’est démesuré, il se passe des choses plus importantes dans le monde », dit-elle. « On a l’impression que le pape arrive ! »

(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)

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