Le gouvernement dévoile son projet pour l’agriculture face à la grogne paysanne
PARIS (Reuters) – Le gouvernement français a présenté mercredi son projet de loi « d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture », un texte attendu de pied ferme par les agriculteurs qui protestent depuis plusieurs mois.
Le texte, qui prévoyait initialement des mesures pour aider à l’installation des nouveaux agriculteurs, a été remanié pour y inclure des mesures sur la simplification administrative et sur la souveraineté alimentaire, alors que la grogne paysanne a éclaté en France, et partout en Europe, en début d’année.
Ce projet de loi « doit permettre de donner une perspective à cette sortie de crise », a déclaré mercredi Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, sur RTL.
L’un des principaux points du texte porte ainsi sur la reconnaissance de l’agriculture comme « intérêt général majeur », au même titre que la défense de l’environnement, ce qui permettra de donner davantage de poids au secteur agricole dans les décisions politiques.
La mesure était l’une des promesses du gouvernement annoncées au monde paysan en février alors que les agriculteurs multipliaient les barrages routiers partout en France pour protester notamment contre une concurrence étrangère jugée déloyale et contre une inflation des normes, en particulier environnementales.
« C’est solennel dans la déclaration mais c’est très pratique », a affirmé Marc Fesneau en insistant sur le concept de « souveraineté alimentaire ».
« Ça vise à faire en sorte qu’à chaque fois qu’on a un projet de politique publique, une action de politique publique, on se pose la question ‘est-ce que ça concourt bien à l’objectif de maintenir voire de renforcer notre souveraineté alimentaire et notre sécurité alimentaire?' », a-t-il ajouté.
Le projet de loi contient également plusieurs mesures de simplification et d’autres destinées à favoriser l’attractivité du métier d’agriculteur, alors qu’un tiers des agriculteurs français seront en âge de partir à la retraite dans dix ans.
LOI EGALIM D’ICI L’ÉTÉ
Le projet de loi prévoit ainsi la création d’un diplôme de niveau Bac+3, dit « Bachelor Agro », destiné à accroître les compétences des professionnels du secteur agricole et agroalimentaire.
Du côté de la simplification, le texte veut adapter les sanctions pour les agriculteurs en cas d’atteinte au droit à l’environnement, en évitant les peines « infamantes », réduire les délais de recours contentieux contre les projets agricoles ou hydrauliques et unifier le régime applicable à la plantation des haies.
La question épineuse des revenus des agriculteurs n’est pas directement abordée par le texte.
Marc Fesneau a rappelé sur RTL qu’elle entrait davantage dans le futur projet de loi Egalim, dont le Premier ministre, Gabriel Attal, a promis qu’il serait présenté « d’ici l’été ». Le dispositif Egalim encadre les relations commerciales, et donc la fixation des prix et des revenus des agriculteurs, entre producteurs, industriels de l’agroalimentaire et distributeurs.
Comme l’avait déjà fait en février Emmanuel Macron, le ministre de l’Agriculture a prôné la mise en place d’un Egalim au niveau européen face aux centrales d’achats mises en place par les distributeurs pour contourner les contraintes nationales.
Le sujet des pesticides n’est pas non plus abordé par le texte présenté ce mercredi et qui sera examiné par l’Assemblée nationale à partir du 13 mai.
Début février, Gabriel Attal a promis une « pause » dans la mise en oeuvre du plan Ecophyto 2030, qui vise à réduire de 50% l’usage de pesticides d’ici 2030 par rapport à la période 2015-2017 en France.
Emmanuel Macron recevra les organisations professionnelles d’agriculteurs « dans les jours qui viennent », a annoncé Marc Fesneau.
D’ores et déjà, la Confédération paysanne a dénoncé le projet de loi qui « ressemble davantage à un plan social qu’à un programme de renouvellement des générations », a réagi le syndicat agricole dans un communiqué.
« Rien sur le revenu et rien sur la répartition du foncier qui sont pourtant les deux leviers majeurs pour installer massivement des paysan·nes », a déploré le syndicat.
Même reproche du côté de la Coordination rurale : « La soutenabilité (pour les agriculteurs), elle doit d’abord être économique et financière, or le mot revenu, rémunération, ne figure pas dans ce projet de texte », a regretté Véronique Le Floc’h, présidente du syndicat sur franceinfo.
« On est loin du compte », ajoute-t-elle.
De son côté, l’ONG environnementale Greenpeace a jugé le texte « pas à la hauteur des enjeux du renouvellement des générations ni de la transition agroécologique ».
(Rédigé par Blandine Hénault, avec Sybille de La Hamaide et Bertrand Boucey, édité par Kate Entringer)
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