Ankara, dans l’attente d’un soutien sur la Syrie, bloque des plans de l’Otan
par Robin Emmott
BRUXELLES (Reuters) – La Turquie refuse de soutenir des plans de défense préparés par l’Otan pour les Etats baltes et la Pologne tant que l’Alliance ne lui apportera pas un soutien politique plus marqué dans le combat qu’elle a engagé contre les combattants kurdes dans le nord de la Syrie, a-t-on appris auprès de quatre sources distinctes au sein de l’Alliance atlantique.
Le gouvernement turc a enjoint à son ambassadeur auprès de l’Otan de ne pas signer ces plans, et la délégation turque a haussé le ton lors de rencontres officielles comme de conversations privées pour que l’Alliance désigne sous le terme d’organisation terroriste les Unités de protection du peuple (YPG), la milice kurde qui opère en Syrie, ajoutent ces sources.
Aucune réaction n’a pu être obtenue dans l’immédiat auprès de la partie turque.
Ce contentieux, quelques jours avant le sommet du 70e anniversaire de l’Otan à Londres, est un signe des divisions entre Ankara et Washington sur l’offensive que l’armée turque a lancée le 9 octobre dernier dans le nord-est de la Syrie.
Il est aussi un élément de plus dans les difficultés que les Alliés éprouvent pour s’entendre sur des sujets pourtant cruciaux.
Sans l’approbation des Turcs, l’Otan aura plus de difficultés à mettre en place ses plans militaires de défense conçus pour la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie dans l’éventualité d’une agression russe à la suite de la crise ukrainienne et de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.
« Ils prennent les Européens de l’Est en otage, bloquant l’approbation de ce plan militaire tant qu’ils n’auront pas obtenu de concessions », a dit l’une de nos sources.
Une seconde source estime que le comportement de la Turquie est « déstabilisant » au moment où l’Otan tente de resserrer les rangs à la suite des critiques émanant tant de Donald Trump que d’Emmanuel Macron, qui a estimé au début du mois que l’Otan était en état de « mort cérébrale ».
Au siège de l’Otan, des diplomates espèrent toujours qu’un compromis pourra émerger, parce qu’Ankara attend parallèlement que les dirigeants de l’Alliance approuvent un plan révisé détaillant la réponse militaire collective en cas d’agression contre le territoire turc, ont souligné deux sources diplomatiques.
Emmanuel Macron, le président turc Recep Tayyip Erdogan, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Boris Johnson se rencontreront en marge du sommet de Londres pour discuter de l’offensive turque en Syrie.
Le traité de l’Atlantique-Nord prévoit qu’une agression contre l’un des Etats membres de l’Otan est une agression contre l’ensemble des Alliés, d’où la nécessité pour l’Alliance de se doter de plans d’intervention pour mettre en oeuvre cet instrument de sécurité collective.
(version française Henri-Pierre André, édité par Jean-Michel Bélot)