Trump ravive les craintes de guerre commerciale avec des droits de douane contre le secteur automobile
par Nandita Bose, Leika Kihara et Victoria Waldersee
WASHINGTON/TOKYO/BERLIN (Reuters) -D’Ottawa à Paris, les gouvernements ont menacé jeudi de riposter à la menace de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25% sur les importations de véhicules aux États-Unis, une nouvelle étape dans la guerre commerciale déclenchée par le président américain qui pèse sur les marchés boursiers et met à rude épreuve des liens diplomatiques déjà tendus.
Le locataire de la Maison blanche a déclaré mercredi soir que les nouveaux prélèvements entreraient en vigueur le 3 avril, le lendemain du jour où il prévoit d’imposer des droits de douane réciproques aux pays avec lesquels les États-Unis ont le déficit commercial le plus important.
Ces droits s’ajoutent à ceux déjà appliqués à l’acier et à l’aluminium, ainsi qu’aux produits en provenance du Mexique, du Canada et de la Chine.
Le pays a importé pour 474 milliards de dollars de produits automobiles en 2024, dont 220 milliards de dollars de voitures particulières, avec le Mexique, le Japon, la Corée du Sud, le Canada et l’Allemagne, tous proches alliés des États-Unis, comme principaux fournisseurs.
Cette nouvelle escalade commerciale intervient par ailleurs à un moment où les relations entre Bruxelles et Washington se raidissent quant à la position du président américain sur la guerre en Ukraine et l’engagement futur des États-Unis en faveur de la défense de l’Europe dans le cadre de l’Otan.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé des « taxes, mauvaises pour les entreprises, pire pour les consommateurs », tandis que le Premier ministre canadien, Mark Carney, a qualifié les droits de douane d' »attaque directe » contre les travailleurs canadiens et a déclaré que des mesures de rétorsion étaient envisagées.
« Nous défendrons nos travailleurs, nous défendrons nos entreprises, nous défendrons notre pays, et nous le défendrons ensemble », a déclaré le dirigeant canadien devant les journalistes à Ottawa.
« NOUS SOMMES AGRESSÉS »
Le ministre français de l’Economie, Eric Lombard, a pour sa part estimé que Bruxelles n’avait pas d’autre choix que de riposter à la politique commerciale « agressive » des États-Unis, tout en appelant au dialogue avec Washington.
« Nous sommes dans une situation où nous sommes agressés. Soit on se laisse faire et dans ce cas-là cette situation ne s’arrêtera jamais, soit on riposte. Malheureusement, c’est la règle du jeu qui a été imposée par les Américains », a-t-il déclaré jeudi matin sur France Inter.
« Il faut contraindre (les Américains) à un dialogue », a estimé Eric Lombard, qui a dit espérer que des discussions puissent débuter d’ici aux réunions du Fonds monétaire international (FMI) prévues à Washington à la mi-avril.
Le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, a appelé lui aussi à une attitude sans concession envers Washington.
« Ce qui compte maintenant, c’est que l’UE réagisse fermement à ces droits de douane. Il doit être clair que nous ne nous laisserons pas faire », a-t-il déclaré dans un communiqué, ajoutant que l’UE devait rechercher une solution négociée.
Les valeurs mondiales du secteur automobile ont plongé jeudi, des constructeurs aux fournisseurs de pièces détachées: en France, Forvia, Stellantis et Valeo cédaient entre 2,8% et 5,3% à 12h36 GMT, tandis qu’en Allemagne BMW, Porsche AG, Daimler Truck, Continental et Volkswagen perdent entre 0,7% et 3,4%
Le secteur automobile abandonne 2,1% à la même heure.
Les constructeurs automobiles américains, qui disposent d’usines et de fournisseurs au Canada et au Mexique, sont également en baisse dans les échanges d’avant-Bourse aux Etats-Unis.
Le patron de l’association allemande de l’industrie automobile a déclaré que les droits de douane constituaient un « signal fatal » pour le commerce mondial, soulignant ainsi la nervosité de la plus grande économie européenne, où les constructeurs automobiles sont confrontés à des coûts élevés et à une concurrence étrangère féroce.
MENACES CONTRE L’UE ET LE CANADA
« Si l’Union européenne collabore avec le Canada pour nuire économiquement aux États-Unis, des droits de douane à grande échelle, bien plus importants que ce qui est actuellement prévu, leur seront imposés afin de protéger le meilleur ami que chacun de ces deux pays (sic) a jamais eu », a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social.
De nombreux experts en commerce s’attendent à ce que les droits de douane aient pour effet, dans un premier temps, d’augmenter les prix et de réduire la demande, ce qui serait préjudiciable à l’industrie automobile mondiale, déjà ébranlée par l’incertitude causée par les menaces et les volte-face de Donald Trump.
« Rien de tout cela ne conduit à plus d’emplois ou à de meilleurs salaires. Cela conduit à des ventes atones, à un crédit plus coûteux et à des licenciements potentiels – exactement ce dont une économie fragile n’a pas besoin », juge Nigel Green, directeur du groupe de conseil financier deVere Group.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que la décision américaine violait les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), sapait le système commercial multilatéral et n’était « pas propice à la résolution de ses propres problèmes ».
Au Japon, les constructeurs japonais Toyota Motor et Mazda Motor ont souffert jeudi, le Japon dépendant de l’automobile pour plus d’un quart de ses exportations vers les États-Unis, tandis que les actions des constructeurs automobiles de la Corée du Sud et de l’Inde ont également plongé.
Le Premier ministre japonais, Shigeru Ishiba, a prévenu que Tokyo mettrait « toutes les options sur la table » et la Corée du Sud a déclaré qu’elle réagirait pour son industrie automobile d’ici le mois d’avril.
Au Brésil, le président Luiz Inácio Lula da Silva a annoncé son intention de déposer une plainte auprès de l’OMC au sujet de l’imposition d’une taxe sur l’acier brésilien.
L’industrie automobile européenne a pour sa part appelé jeudi à un accord transatlantique afin d’éviter une escalade commerciale, les fournisseurs mettant en garde contre des hausses de prix immédiates et les concessionnaires craignant l’impact d’une baisse de la demande sur l’emploi.
(Reportage Nandita Bose, Doina Chiacu, David Lawder, Andrea Shalal et David Shepardson à Washington ; avec la contribution de Leika Kihara, Tim Kelly et Junko Fujita à Tokyo, Victoria Waldersee à Berlin, Dominique Vidalon et Dominique Patton à Paris, Kalea Hall à Detroit, David Ljunggren à Ottawa et Costas Pitas à Los Angeles, Lewis Jackson à Pékin, Catarina Demony à Londres ; rédigé par Lincoln Feast et Matthias Williams ; version française Tangi Salaün et Diana Mandiá, édité par Blandine Hénault)
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