Les actions malmenées par la hausse des taux d’intérêt
par Claude Chendjou
PARIS (Reuters) – Wall Street est attendue en baisse jeudi et les Bourses européennes reculent à mi-séance dans un contexte d’accélération du resserrement monétaire des banques centrales, en particulier celle de la Réserve fédérale américaine (Fed) et celle de la Banque nationale suisse (BNS), ce qui ravive les craintes sur la croissance mondiale. Les futures sur indices new-yorkais signalent une ouverture de Wall Street en baisse de 1,98% pour le Dow Jones, de 2,15% pour le Standard & Poor’s 500 et de 2,54% pour le Nasdaq. À Paris, le CAC 40 cède 2,16% à 5.900,08 vers 11h30 GMT, entrant dans une zone de « bear market » (marché baissier), où il perd plus de 20% par rapport à son record de clôture du 5 janvier à 7.376,37 points. À Francfort, le Dax recule de 2,76% et à Londres, le FTSE abandonne 2,37%. En Suisse, l’indice SMI fléchit de 3,06%, au plus bas depuis décembre 2020.
L’indice paneuropéen FTSEurofirst 300 reflue de 2,25% et l’EuroStoxx 50 de la zone euro de 2,47%. Le Stoxx 600 perd quant à lui 2,22%, à un creux depuis le 21 février.
La Réserve fédérale américaine a relevé mercredi soir ses taux d’intérêt de 75 points de base, une mesure attendue mais inédite depuis 1994, et son président, Jerome Powell, a déclaré en conférence de presse que le comité de politique monétaire devrait « très probablement » choisir entre une hausse d’un demi-point ou de trois quarts de point lors de la réunion de juillet.
La banque centrale américaine a ajouté prévoir dans les prochains mois un ralentissement économique et une hausse du chômage.
La Banque nationale suisse (BNS), de son côté, a relevé jeudi son taux directeur pour la première fois en 15 ans, de 50 points de base, et a annoncé que d’autres hausses pourraient intervenir.
La Banque d’Angleterre (BoE), quant à elle, a annoncé jeudi un relèvement d’un quart de point de son taux directeur, sa cinquième hausse depuis décembre, en assurant qu’elle agirait « avec force » si nécessaire face aux risques liés à l’inflation.
En zone euro, les marchés monétaires prévoient désormais une hausse de 190 points de base des taux de la Banque centrale européenne (BCE) d’ici décembre contre une prévision de 140 points mercredi.
La remontée rapide du coût du crédit pour juguler une inflation record fait craindre un plongeon de l’économie en récession, même si les banques centrales assurent vouloir éviter un tel scénario.
« Il y a beaucoup de nervosité. Après le soulagement initial sur la Fed (…) les marchés semblent s’être réveillés en se disant qu’il s’agit tout de même d’une hausse de 75 points de base », explique Giuseppe Sersale, stratège chez Anthilia.
Les analystes de Wells Fargo, de leur côté, estiment que la probabilité d’une récession aux Etats-Unis est désormais à plus de 50%.
Signe de la nervosité des investisseurs, les indices mesurant la volatilité, gagnent plus de 7% et évoluent au-dessus des 30 points aux Etats-Unis comme en Europe. LES VALEURS À SUIVRE À WALL STREET
Les géants des nouvelles technologies, sensibles à l’évolution des taux d’intérêt, reculent en avant-Bourse, à l’image d’Apple et de Microsoft, qui perdent chacun plus de 3%.
VALEURS EN EUROPE
Sur le Stoxx 600 paneuropéen, tous les principaux secteurs évoluent dans le rouge, la distribution accusant la plus forte baisse avec un repli de 4,1%.
Le groupe britannique de mode en ligne ASOS chute de 29% après un avertissement sur son bénéfice annuel dans un contexte de fortes pressions inflationnistes qui se traduit par une augmentation significative des retours d’articles de ses clients.
Ses concurrents Zalando et Boohoo plongent respectivement de 10% et 14,6%.
Les compartiments des ressources de base (-2,7%) et de l’énergie (-3,1%) souffrent également dans un contexte de craintes sur l’approvisionnement, Engie (-7,5%) ayant déclaré mercredi avoir constaté une baisse des livraisons de gaz après les nouvelles restrictions sur les exportations décidées par la Russie. TotalEnergies abandonne 2,6%.
Côté hausse, Euronext prend 2,8%, à la faveur du relèvement de recommandation de JPMorgan sur la valeur à « surpondérer ».
TAUX Le relèvement surprise des taux de la Banque nationale suisse soutient les rendements obligataires en Europe, certains analystes estimant que la Banque centrale européenne va désormais se montrer encore plus agressive dans sa politique monétaire.
Le taux du Bund allemand à dix ans bondit de 11,6 points de base à 1,812%, au plus haut depuis 2014, et celui à deux ans, le plus sensible à l’évolution des taux, s’envole de 16 points à 1,210% après avoir touché 1,261%, au plus haut depuis 2011.
Le rendement de l’OAT française à dix ans s’adjuge plus de 18 points à 2,402%, tandis que son équivalent italien de même échéance remonte au-dessus de 4%.
Aux Etats-Unis, le rendement des Treasuries à dix ans avance de quatre points à 3,438% et celui à deux ans prend sept points à 3,355%.
CHANGES
Le franc suisse, en hausse de 1,8%, profite des annonces de la BNS pour toucher un plus haut de deux mois face à l’euro à 1,0200 et s’achemine vers sa meilleure performance quotidienne contre la monnaie unique européenne depuis janvier 2015. Contre le dollar, la devise suisse gagne 1,4% à 0,9807 et pourrait enregistrer en clôture sa plus forte hausse en près d’un mois par rapport au billet vert.
L’euro recule de 0,37% à 1,0406 dollar, tandis que l’indice mesurant les fluctuations du billet vert face à un panier de devises de référence est quasiment stable (-0,02%).
PÉTROLE
Les cours pétroliers sont pénalisés par les craintes d’une récession dans le sillage de la forte hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis mais les tensions sur l’offre, principale préoccupation des investisseurs, limitent leur baisse.
Le baril de Brent cède 1,26% à 117,07 dollars le baril et celui du brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) 1,04% à 114,11 dollars.
(Rédigé par Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)