États-Unis: Les investisseurs se préparent aux résultats des élections américaines
par Lewis Krauskopf
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NEW YORK (Reuters) – Les investisseurs dans le monde retiennent leur souffle mardi après une campagne électorale américaine tumultueuse qui a eu un impact marqué sur les marchés et pourrait encore influer sur les actifs financiers, alors que les Américains se rendent aux urnes pour départager principalement Kamala Harris, candidate démocrate, et Donald Trump, son rival républicain.
L’élection présidentielle américaine, l’une des plus indécises de l’histoire tant les deux candidats sont au coude-à-coude, pourrait avoir des conséquences radicalement différentes en fonction du vainqueur sur la politique budgétaire et commerciale du pays, ainsi que sur ses institutions.
Les résultats du scrutin pourraient ébranler les actifs dans le monde entier et provoquer d’importantes retombées financières, notamment sur les perspectives de la dette américaine, la force du dollar et une multitude de secteurs qui constituent l’épine dorsale des entreprises américaines.
Alors que les sondages montrent une quasi égalité entre l’ancien président et l’actuel vice-présidente, les investisseurs redoutent surtout une absence de clarté dans le résultat final ou une possible contestation qui pourrait alimenter la volatilité. Le contrôle du Congrès américain est également en jeu dans ce scrutin.
Avant la publication des premiers résultats au niveau national mardi soir, les investisseurs vont se concentrer sur ceux d’une poignée de comtés phares à travers le pays, qui pourraient fournir des indices sur le nom du vainqueur.
Des résultats significatifs dans de nombreux « swing states », considérés comme des Etats clés qui décideront de l’issue de la course à la Maison blanche, pourraient cependant n’être connus que tard dans la nuit.
« C’est l’élection la plus importante que j’ai vue dans ma carrière », a déclaré Mike Mullaney. Ce directeur d’études sur les marchés mondiaux chez Boston Partners travaille dans la gestion en investissements depuis plus de 40 ans.
« Cela va être très partagé, avec certaines choses qui se produiront en cas de victoire de Trump, et d’autres en cas de victoire de Harris », a-t-il ajouté.
Le marché s’intéresse à cette élection alors que l’indice S&P 500 a touché un sommet, avec une progression d’environ 20% depuis le début de l’année, sur fond de croissance économique robuste, de solides bénéfices publiés par les entreprises et de baisses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed).
LES ACTIFS INFLUÉS PAR LE « TRUMP TRADES »
D’après les traders, les promesses de Donald Trump de relever les tarifs douaniers, d’abaisser les impôts et de réduire la réglementation ont influé sur les actifs financiers et pourraient l’être encore en cas de victoire du candidat républicain.
Parmi ces actifs financiers figurent le peso mexicain qui pourrait être touché par un renchérissement des droits de douane américains. De fortes fluctuations sur le titre Trump Media and Technology Group sont également à prévoir, ainsi que des mouvements dans les secteurs qui pourraient bénéficier d’un assouplissement de la réglementation, notamment les banques régionales.
Les rendements des bons du Trésor, qui évoluent en sens inverse des prix des obligations, ont également augmenté, les investisseurs intégrant une inflation potentiellement plus élevée, une autre conséquence de la politique envisagée par le milliardaire républicain.
Le « Trump trades », ces positions prises en anticipation d’une victoire de l’ancien président américain, sont cependant plus mesurées depuis lundi. Un sondage étroitement surveillé dans l’Iowa a montré que Kamala Harris devance Donald Trump dans cet Etat, tandis que les investisseurs sont désormais sur leurs gardes face à d’éventuels mouvements de volatilité.
« Le marché est tiraillé et poussé dans des directions différentes, les investisseurs essayant d’intégrer de nombreuses inconnues liées à l’élection », explique Matt Miskin, co-directeur de la stratégie en investissement chez John Hancock Investment Management. « Dans la semaine à venir, nous aurons des certitudes : soit cela renforcera ce positionnement, soit il y aura un bouleversement », a-t-il prévenu.
Une présidence Kamala Harris devrait quant à elle se traduire par une réglementation plus stricte, un soutien accru aux énergies propres et potentiellement une hausse des impôts pour les entreprises et les particuliers les plus fortunés.
UNE « VAGUE BLUE » JUGÉE IMPROBABLE
Un contrôle du Congrès sera sans doute nécessaire pour agir sur la politique fiscale et budgétaire. Une « vague bleue », dans laquelle Kamala Harris l’emporterait et les démocrates prendraient le contrôle de la Chambre des représentants et du Sénat, est cependant jugé peu probable par la plupart des investisseurs.
« Si Harris gagne (…) il est désormais très probable qu’elle soit confrontée à un Sénat contrôlé par les républicains, ce qui laisserait la plupart de ses projets budgétaires au point mort », écrivent les analystes de Capital Economics dans une note publiée vendredi.
Les données historiques montrent que les actions en Bourse ont tendance à bien performer à la fin des années électorales, quel que soit le parti vainqueur, car les investisseurs apprécient la clarté quant à la situation politique.
Cette année, certains investisseurs craignent toutefois que le résultat soit trop serré, ce qui accroîtrait l’incertitude sur les marchés. Une autre inquiétude concerne la possibilité que l’élection soit contestée, au regard des initiatives prises par le passé par Donald Trump pour faire annuler la victoire de l’actuel président Joe Biden en 2020.
Les investisseurs ont aussi en mémoire l’élection de 2000 entre George W. Bush et Al Gore qui est restée indécise pendant plus d’un mois en raison d’un recomptage des voix en Floride. Au cours de cette période, le S&P 500 a chuté de 5%, le sentiment du marché étant également plombé par le pessimisme sur les valeurs technologiques et l’économie en général.
Des turbulences ont été notées sur le marché action la semaine dernière à la suite de la publication de résultats trimestriels mitigés par les grands groupes technologiques et une anxiété accrue sur le résultat des élections. L’indice Cboe de la volatilité, considéré comme l’indicateur de la peur à Wall Street, est passé à environ 22 points, après être tombé sous les 15 fin septembre.
Une élection peu claire « constitue un gros problème car c’est ce qui s’est passé en 2000 », a déclaré Matt Maley, chef stratège marchés chez Miller Tabak. « Quel effet cela aura-t-il cette fois-ci, alors qu’il se passe tant de choses dans l’arène géopolitique ? », s’est-il interrogé.
(Reportage Lewis Krauskopf; version française Claude Chendjou, édité par Augustin Turpin)