Des gérants chinois plafonnent les salaires, Pékin cible les inégalités de revenus
par Samuel Shen, Selena Li et Julie Zhu
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(Reuters) – Deux des principaux gérants d’actifs chinois ont plafonné les compensations annuelles de leurs employés et demanderont un remboursement des salaires jugés excessifs, selon cinq sources au fait du dossier, alors que Pékin cherche à limiter les inégalités de revenus dans le cadre de sa politique de « prospérité commune ».
China Merchants Fund Management a ainsi déclaré à ses équipes le mois dernier que leur compensation annuelle sera plafonnée à 3 millions de yuans (379,493 euros) à compter de cette année, et leur a demandé de rendre les sommes supérieures à ce plafond perçues l’année dernière, selon trois sources.
L’argent devra être rendu dès ce mois-ci, selon deux sources, et environ 60 employés seront affectés.
Bosera Asset Management a également fixé un plafond de 2,9 millions de yuan et demandé de récupérer le trop perçu de l’an dernier, selon deux autres sources, l’une d’entre elles précisant que ces décisions avaient été appliquées en juin.
China Mechant Group, un conglomérat public, détient 100% de China Merchants FM et 49% de Bosera. Aucune des trois entreprises n’a répondu aux demandes de commentaires de Reuters.
Le plafonnement des salaires est l’une des conséquences de la politique de « prospérité commune », qui vise à limiter les inégalités de revenus en Chine à mesure que la croissance ralentit. Le régulateur boursier a par ailleurs durci la supervision du secteur, accusé par certains de demeurer très profitable malgré la performance médiocre des actifs chinois.
Le salaire de base pour les cadres supérieurs et les responsables des ventes ou de l’investissement au sein des gérants de fonds chinois était compris en 2023 dans une fourchette de 1,6 à 6 millions de yuans par an, selon le guide 2023 des salaires en Chine de Morgan McKinley.
Il n’est pourtant pas rare que les salaires des cadres supérieurs ou des gérants de fonds performants dépasse 10 millions de yuans au sein des fonds de moyenne ou grande taille, et puisse atteindre plusieurs centaines de millions de yuans durant les périodes de forte hausse des marchés.
China Merchants FM est le sixième plus grand gérant de fonds chinois, avec 551 milliards de yuans d’encours hors monétaire, tandis que Bosera, avec 527 milliards de yuans d’actifs sous gestion, est le septième gérant chinois.
« MAUVAISE IDEE »
Certaines banques ont pris des mesures similaires ciblant notamment les banquiers d’affaires, caractérisés par Pékin comme des hédonistes aux existences fastueuses.
Dans un document publié dimanche à l’issue de la réunion du Comité central du Parti communiste chinois, le gouvernement a déclaré que la « répartition des revenus et les manières d’accumuler des richesses demeureront bien régulées », et que les revenus excessifs seront « correctement régulés ».
Plafonner les revenus compliquera le recrutement et la rétention des employés, et n’encouragera pas les gérants à la performance, préviennent des experts du secteur.
« Désormais, plus personne ne voudra faire l’effort de vendre des produits. Nous pouvons rester à ne rien faire juste pour garder notre emploi, parce que nous craignons trop de devoir rendre l’argent qui nous sera versé », explique un responsable des ventes chez un gérant d’actif.
L’érosion des marges rend certes impératif d’ajuster les salaires, mais demander le remboursement des trop-perçus de l’année précédente « va à l’encontre de l’esprit du contrat » entre entreprise et employés, estime Mandy Wang, ancienne responsable des activités de gestion de fonds de Morgan Stanley en Chine.
« C’est une mauvaise idée, et elle aura des conséquences durables », prévient-elle.
(Reportage Samuel Shen, Selena Li et Julie Zhu, version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)
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