Incidents avant l’ouverture d’une 45e cérémonie des César sous tension
La police a fait usage de gaz lacrymogène pour repousser vendredi des manifestants près de la salle Pleyel, à Paris, où se déroulera dans la soirée une 45e cérémonie des César dominée par les accusations de viols contre Roman Polanski et la question du respect des femmes dans le cinéma français.
Le cinéaste franco-polonais, qui dément ces accusations, et toute l’équipe de son film « J’Accuse », en lice dans douze catégories, ne participeront pas au rendez-vous annuel du cinéma français.
Deux heures environ avant le début de la cérémonie, des manifestants ont fait tomber une barrière de sécurité les maintenant à bonne distance de la salle. Ils ont été repoussés par les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène.« Le cinéma, c’est comme une famille incestueuse. Tout le monde sait et tout le monde se tait pour sauver sa peau comme il peut », dénonçait Alice, une Parisienne croisée en début de soirée parmi les manifestants.
Derrière elle, d’autres protestataires brandissaient des pancartes dénonçant les « César de la honte » ou scandant le slogan « Violeur on te voit, victime on te croit ».
« Il faut que le monde du cinéma arrête de financer, de célébrer, de travailler avec des pédocriminels, de couvrir d’autres agresseurs. Il faut croire les victimes et mettre les pédocriminels en prison », a déclaré Fabienne El Khoury, porte-parole d’Osez le féminisme.
POLANSKI ET TOUTE L’ÉQUIPE DE « J’ACCUSE » ABSENTS DE LA CÉRÉMONIE
En lice dans douze catégories, « J’accuse », le film de Roman Polanski consacré à l’affaire Dreyfus, est en tête des nominations et concourra notamment pour les récompenses les plus prestigieuses, dont celles du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur.
La présence en force de son film dans les nominations a cristallisé les tensions qui parcourent le cinéma français à l’heure du mouvement #MeToo.
Et la venue potentielle du cinéaste a ravivé la polémique sur les égards que le monde du cinéma a réservés au réalisateur accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes. Roman Polanski a toujours contesté ces accusations.
Le cinéaste avait annoncé dès jeudi son absence à cette 45e soirée annuelle de récompenses du septième art par refus d’un « lynchage public ».Dans un communiqué adressé à Reuters, le réalisateur franco-polonais de 86 ans disait avoir pris « avec regret » cette décision, pour « ne pas affronter un tribunal d’opinion autoproclamé prêt à fouler au pied les principes de l’Etat de droit pour que l’irrationnel triomphe à nouveau sans partage ».
Toute l’équipe de son film a décidé d’en faire de même.
« UN SYMBOLE MAUVAIS »
Dans une lettre transmise dans la journée à Reuters, le producteur du film vu par un million et demi de spectateurs explique cette décision en déplorant les propos du ministre de la Culture, Franck Riester, pour qui récompenser Roman Polanski serait un « symbole mauvais ».
Le ministre, « représentant l’autorité de l’État, s’est autorisé une déclaration condamnant par avance et sans le connaître le résultat d’un vote professionnel, indépendant et secret », écrit Alain Goldman. « Nous ne pouvons accepter que le vote démocratique des 4.313 membres de l’Académie soit remis en cause par un tribunal d’opinion, parce que ses juges autoproclamés n’approuvent pas ces résultats. »
« Pour toutes ces raisons, nous avons donc décidé de ne pas être présents à la cérémonie des César 2020 », conclut le producteur.
Franck Riester a déclaré vendredi matin sur franceinfo qu’accorder à Roman Polanski le César du meilleur réalisateur « serait un symbole mauvais par rapport à la nécessaire prise de conscience que nous devons tous avoir dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ».
Dans une récente interview au New York Times, l’actrice française Adèle Haenel, qui a raconté avoir subi des abus dans le milieu du cinéma à l’âge de 12 ans, a estimé que récompenser Roman Polanski s’apparenterait à un « crachat » pour les victimes d’agressions sexuelles.
Adèle Haenel est en compétition pour le César de la meilleure actrice pour son interprétation dans le film « Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma, qui a elle aussi dénoncé le mauvais traitement réservé aux femmes dans le milieu du cinéma.
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