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Future médecin, Kelly Vargiu défend l’œcuménisme

Présidente du Centre d’animation de jeunesse œcuménique du Nord vaudois (CAJO) à Yverdon, Kelly Vargiu, ancienne gymnaste, s’apprête à entrer en faculté de médecine.
La petite pause qu’elle s’octroie ne semble pas vitale. Elle aurait pu continuer de «bosser», facile. Dans la cour du Gymnase de Chamblandes, une pile de documents entre ses deux bras, Kelly Vargiu, Yverdonnoise de 24 ans, est entre deux sessions de révisions. Les examens du «racc», passerelle universitaire qu’elle suit à Lausanne depuis une année, approchent… Car même si elle bûche dans ce gymnase aux allures de club nautique ou d’hôtel de la plage, Kelly Vargiu n’est pas en vacances pour autant. Au contraire, celle à qui on avait conseillé la «voie secondaire à options» quand elle était adolescente n’a pas dit son dernier mot. À la rentrée, Kelly Vargiu se voit déjà en faculté de médecin.

Alors qu’elle s’assied au bord du lac, elle commence à détailler une vie en forme de marathon. Son été promet d’ailleurs d’être bien rempli, notamment avec ses activités bénévoles. En tant que présidente du Centre d’animation de jeunesse œcuménique du Nord vaudois (CAJO), cette jeune catholique organise en effet la deuxième édition d’un camp «destiné aux enfants qui n’ont pas forcément la chance de partir en vacances».

Fâchée avec «le big boss»

Sa foi, son moteur? «Il y a quelque chose de la mission dans tous mes engagements», confie celle pour qui la collaboration avec entre jeunes protestants et catholiques autour d’activités diverses – son mandat au CAJO d’Yverdon – semble logique: «À vrai dire, je ne comprends pas tellement qu’il y ait des catholiques, des juifs, des évangéliques… On sert tous le même Dieu. Ce sont seulement les textes qui nous font nous différencier les uns des autres. Et encore…» Une façon pour elle d’exprimer que, quand on est au service «du grand Monsieur là-haut», on est appelé à «mettre en commun nos différences».

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Mais un nuage passe brièvement sur le visage de Kelly Vargiu au moment de parler de son rapport actuel à Dieu. «Je suis un peu fâchée avec lui, en ce moment. C’est par vagues, on ne se comprend pas toujours», lâche la jeune femme qui semble soudain vouloir rester discrète. Elle en vient toutefois à parler d’un «grand travail» fait sur elle-même, au lendemain d’un événement malheureux qui a changé sa vie, et à cause duquel elle lancera un «pourquoi moi?» un peu désespéré à celui qu’elle appelle aussi «le big boss».

Mauvaise chute

À l’âge de 15 ans, alors qu’elle est gymnaste depuis ses huit ans, Kelly Vargiu évolue «dans la compétition de façon intense». «Comme je faisais partie des Amis Gymnastes Yverdon (AGY), une société très connue dans la région, je participais à huit compétitions annuelles en individuel ou en groupe, en plus de mes six heures d’entraînement hebdomadaires», se souvient-elle. À Wettingen pour une compétition, Kelly Vargiu, qui se présente en équipe, se lance sur «un premier salto, suivi d’un périlleux avant et une ouverture demi-vrille. Comme j’avais trop de rotation, mon genou a fait « clac »». Résultat des courses: rupture des ligaments croisés. Sa carrière dans la gymnastique s’arrête là, alors qu’une amie qui se déplace le coude le même jour, elle, s’en remettra après quelques séances de physio et quelques mois avec le bras dans le plâtre.

Mais pas de panique. Kelly Vargiu se met à entraîner les plus jeunes et reste indispensable au sein de son club. «Je continuais à vivre ma passion par procuration», raconte celle qui avoue toutefois qu’au bout d’un moment, elle devient «un peu amère». «Assister à ces compétitions, voir les autres gagner et savoir que je ne pourrais plus jamais concourir… C’est devenu trop pour moi. J’ai annoncé mon départ.» S’ensuit un décrochage scolaire alors que Kelly Vargiu est en première année de maturité bio-chimie. «C’était une sorte de dépression. Jamais vraiment diagnostiquée car j’étais dans une forme de déni.»

Pour la soutenir, Kelly Vargiu peut compter sur sa famille. Sa sœur de 20 ans, et particulièrement sa mère, une aide-soignante haïtienne qui se marie en Suisse avec un maçon italien, fils de bergers, lui-même arrivé chez nous dans les années 1960. «Ma maman est très pieuse et m’a initiée à la prière. Mais je regretterais presque le jour où je lui ai montré comment utiliser YouTube. Depuis, dès les petites heures du matin, on entend des louanges résonner dans la maison», s’amuse-t-elle.

Enterrement par Skype

Mais c’est en se souvenant de sa grand-mère maternelle, atteinte d’Alzheimer, que Kelly Vargiu explique son choix pour la médecine. Elle se remémore sa visite en Suisse, en 2006, «la première et seule fois où elle aura pris l’avion», puis son enterrement, suivi grâce à Skype par sa maman, qui n’a pas pu se rendre en Haïti pour l’occasion. «Le cri de déchirement de ma mère m’a littéralement brisé le cœur», raconte-t-elle avec émotion. Et lorsqu’elle se lance dans un apprentissage d’assistante en soins et santé communautaire, qu’elle effectue dans un service de psycho-gériatrie après avoir douloureusement quitté le gymnase, c’est la révélation. «J’y ai accompagné familles dont un proche souffrait de démence ou d’autres maladies psychiques, ce qui m’a évidemment fait penser à ma grand-mère. Et cela a forgé mon envie de devenir médecin», déclare-t-elle.

Pour gagner un peu d’argent, Kelly Vargiu fait encore des veilles au sein des Établissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV). «Même si cela me prend pas mal de mes week-ends, je peux mettre un peu d’argent de côté. L’avantage d’avoir obtenu un CFC à l’époque», reconnaît la jeune femme qui, si elle prépare son entrée en médecine en révisant, s’en remet aussi au Très-Haut: «Je fais parfois des neuvaines. Des séries de neufs jours où l’on prie le même saint, le Seigneur ou la Vierge.» Mais en aura-t-elle vraiment le temps? «On verra. Chaque séance dure le temps d’un chapelet. C’est-à-dire une heure et demie ou carrément trois heures…»

Passé, présent futur…

Est-ce que c’était mieux avant?

Oui, car la prise de conscience de notre époque fait qu’en tant que métissée, je ne vis pas l’enfer que d’autres ont pu vivre. Et non, car on en sait peut-être un peu trop sur tout, ce qui empêche de vivre paisiblement…

Une bonne raison de vivre dans l’instant présent?

Oui, pour rencontrer le monde grâce à Internet. J’aime ces histoires de gens qui se retrouvent après des années grâce à un réseau social. Ou ces personnes qui s’aiment à distance pour finalement fonder une famille.

Un rêve pour l’avenir?

Que les gens cessent d’être égoïstes. Au Rolex Learning Center, j’ai vu une fille faire tomber un vélo et ne pas le ramasser. J’ai vu ça et je n’ai pas ramassé le vélo non plus. Je le regrette.

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