Une mosquée de Pantin fermée en réponse à l’assassinat de Samuel Paty
par Antony Paone et Tangi Salaün
PANTIN, Seine-Saint-Denis (Reuters) – La grande mosquée de Pantin sera fermée « sous 48 heures » pour une période de six mois pour avoir notamment partagé sur son compte Facebook une vidéo dont les enquêteurs pensent qu’elle a conduit à l’assassinat de Samuel Paty vendredi à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a annoncé mardi le ministère de l’Intérieur.
L’enseignant de 47 ans, décapité par un jeune islamiste présumé d’origine tchétchène, avait montré des caricatures de Mahomet publiés par le journal Charlie Hebdo lors d’un cours d’éducation morale et civique, une initiative à l’origine d’une campagne de haine sur les réseaux sociaux.
Face au choc provoqué par cet assassinat en plein procès des attentats de janvier 2015, dont celui qui avait visé Charlie Hebdo, le gouvernement a multiplié initiatives et annonces visant à lutter contre l’islamisme et la haine en ligne.
Lundi, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a ainsi mis en avant l’expulsion d’étrangers radicalisés et sa volonté de dissoudre des associations et des lieux de culte liés à la mouvance islamiste.
Dans l’arrêté de fermeture placardé mardi matin à l’entrée de la grille de la mosquée de Pantin, le préfet de Seine-Saint-Denis précise agir en vertu d’un article du code de sécurité intérieure qui permet la fermeture d’un établissement « aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme ».
Il met en cause le partage sur le compte Facebook de la mosquée de la vidéo dans laquelle Brahim C., le père d’une des élèves de Samuel Paty, appelait « tous les musulmans » à faire pression sur l’enseignant et le collège du Bois d’Aulne, dont il donnait l’adresse, pour dénoncer son comportement et obtenir son renvoi.
Brahim C., qui est toujours placé en garde à vue dans cette affaire, invitait aussi tous ceux qui voulaient « dire stop » à le contacter directement, et laissait à cette fin son numéro de portable. Or, une source proche de l’enquête a déclaré mardi à Reuters qu’Abdoullakh A., l’assassin présumé de Samuel Paty, avait envoyé un SMS à Brahim C. avant de passer à l’acte.
LES « REGRETS » DU RECTEUR DE LA MOSQUÉE
Le recteur de la grande mosquée de Pantin, M’hammed Henniche, avait exprimé dès ce week-end ses « regrets » d’avoir partagé la vidéo sur le compte Facebook de la mosquée, qui compte près de 100.000 abonnés. Le lieu de culte avait condamné samedi la « sauvagerie » de l’attaque sur son compte Facebook, et appelé à participer au rassemblement de dimanche en hommage au professeur assassiné.
M’hammed Henniche a déclaré au Parisien l’avoir fait uniquement parce que Brahim C. s’était « ému qu’on ait pu demander à des élèves musulmans de se signaler » avant de leur montrer des caricatures du prophète Mahomet, et ne pas avoir cautionné les appels à la mobilisation orchestrés par la suite par l’activiste islamiste franco-marocain Abdelhakim Sefrioui.
Estimant mardi que le gouvernement a agi pour apaiser l’opinion publique et sous la pression de la « fachosphère », M’hammed Henniche s’est dit victime de la « politique spectacle ».
« J’ai le sentiment qu’ils devaient jeter quelqu’un en pâture aux chiens », a-t-il déclaré au Parisien.
L’association cultuelle gérant la mosquée – qui n’a pas répondu aux sollicitations de Reuters – disposait de 48 heures pour contester ou demander un assouplissement de la décision de fermeture à compter de sa notification lundi soir, a-t-on précisé au ministère de l’Intérieur.
L’arrêté préfectoral met aussi en cause l’implication dans la mouvance islamiste radicale du principal imam de la mosquée, le prédicateur salafiste d’origine malienne Ibrahim Abou Talha, dont Gérald Darmanin avait déclaré lundi soir sur TF1 qu’il avait scolarisé ses enfants en bas âge dans une « madrassa » clandestine fermée il y a deux semaines à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Après en avoir pris connaissance du texte placardé sur la grille, Maya, une habitante de Pantin dont le mari se rend chaque vendredi à la mosquée, comme 1.500 à 2.000 fidèles hors période de restrictions sanitaires liées au coronavirus, s’est dite « triste » que l’on « en soit arrivé là ».
« C’est dommage pour toute la communauté, pour la ville, pour tous les musulmans », a déclaré la jeune femme, qui ne porte pas le foulard islamique comme d’autres habitantes du quartier. « Cette affaire affecte tout le monde. »
(Edité par Henri-Pierre André)
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