Retraites: L’équilibre financier du système au coeur des discussions
Au lendemain d’une nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites, gouvernement et partenaires sociaux ont renoué le dialogue vendredi pour tenter de s’accorder sur les modalités du projet de loi, qui maintient la mesure financière de « l’âge pivot » contre l’avis des syndicats réformistes.
Si les syndicats opposés à un système de retraites par points – CGT et FO au premier chef – restent inflexibles, le gouvernement ne déroge pas non plus à sa ligne de fermeté.
Les consultations bilatérales organisées vendredi par le Premier ministre, Edouard Philippe, visent à ouvrir malgré tout un nouveau chapitre en s’accordant sur la méthode et le calendrier d’une « conférence de financement », idée avancée par la CFDT de Laurent Berger et reprise par le gouvernement.
« L’âge d’équilibre », l’option gouvernementale pour l’équilibre financier du système, figure dans l’avant-projet de loi qui a été communiqué au Conseil d’Etat : il entrera progressivement en vigueur à partir de 2022 pour atteindre 64 ans en 2027, sauf si les partenaires sociaux trouvent une solution alternative d’ici le 1er septembre 2021.
Le gouvernement souhaite que la conférence soit organisée en parallèle de l’examen parlementaire du projet de loi et complète ou modifie le texte via des amendements. Celui-ci doit être présenté le 24 janvier en conseil des ministres puis soumis à partir du 17 février à l’Assemblée nationale.
Évalué à 3,5 milliards d’euros en 2018, le déficit du système de retraites français devrait s’aggraver pour atteindre de 8 à 17 milliards d’euros en 2025, jusqu’à 27 milliards d’euros en 2030 dans le pire des scénarios, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR).
Laurent Berger, que l’exécutif espère rallier, réclamait le retrait de l’âge pivot de l’avant-projet de loi avant les discussions de vendredi. Il était reçu dans l’après-midi.
ÉPÉE DE DAMOCLÈS
Premier syndicat réformiste reçu, l’Unsa a exigé que l’âge pivot soit retiré « dans les prochaines heures ».
« Un compromis ne peut se faire qu’à partir du moment où on n’a pas l’épée de Damoclès de l’âge pivot, et donc il faut qu’il soit retiré du tapis », a dit son secrétaire général, Laurent Escure, à la presse.
Reçus à sa suite, Force ouvrière et la CGT ont réaffirmé leur désaccord avec le texte gouvernemental.
Edouard Philippe a refusé la « pause » réclamée par Yves Veyrier (FO) dans les discussions pour examiner les articles de l’avant-projet de loi. « Nous ne ferons pas non plus de pause quant à notre détermination à faire en sorte d’empêcher que ce régime unique par points voie le jour », a-t-il dit.
L’intersyndicale CGT-FO-Solidaires-CFE-CGC-FSU a appelé à une manifestation massive samedi avant une nouvelle journée interprofessionnelle de grèves le 14 janvier.
Philippe Martinez, dont le ton trahissait à la sortie de Matignon une forme de désabusement, s’est dit d’accord avec le principe d’une conférence de financement « qui ne soit pas déconnectée de l’examen du projet de loi ».
« Une étude économique qui respecte la diversité des organisations syndicales et patronales pour que nous présentions nos propositions avec l’aide d’experts économiques », a-t-il précisé à la presse.
UNE MESURE D’ÂGE « INDISPENSABLE » POUR LE MEDEF
Le secrétaire général de la CGT a avancé des pistes : réintégration pour « plusieurs milliards d’euros » de cotisations sociales patronales après un « bilan des exonérations », « taxation d’un certain nombre de transactions financières ».
« L’âge pivot c’est un faux problème, une fausse polémique. Il existe déjà! », a-t-il lancé.
L’Unsa a proposé pour sa part une taxation des revenus supérieurs à 10.000 euros mensuels et un recours partiel au Fonds de réserve des retraites (FRR), doté à la fin 2017 de quelque 36 milliards d’euros.
Le président du Medef, tout comme François Asselin (CGPME), a jugé « absolument indispensable » une mesure d’âge. Les représentants patronaux refusent une hausse des cotisations.
« Nous avons découvert les simulations sur les chiffres des nouvelles mesures sur l’adaptation du temps partiel et le minimum contributif à 1.000 euros : en l’état actuel des négociations, c’est à peu près 500 millions supplémentaires de dépenses », a précisé Geoffroy Roux de Bézieux.
« On veut une conférence de financement qui soit sur le déficit à court terme, à moyen terme mais aussi à long terme », a-t-il poursuivi. « C’est indispensable qu’on ait tous les chiffres de ce futur régime universel, et notamment comment sera financé la différence de cotisation entre ce que paye l’Etat et la cotisation universelle à 28%. »
Selon le dirigeant patronal, la conférence devrait durer trois mois, le texte de loi devant « être finalisé fin avril ». « Si on n’y arrive pas en trois mois, on n’y arrivera jamais. »