Au Turkménistan, les discriminations antichrétiennes sont assumées
Qualifié de « trou noir de l’information », le Turkménistan occupe cette année la dernière place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF (Reporters sans frontière), après la Corée du Nord. Et quid de la liberté religieuse ? Paul Bablot, qui est allé à la rencontre des communautés chrétiennes, témoigne.
Gregorivitch, fils de déporté russe et sacristain de l’église l’église de la Sainte Intercession
Au milieu du désert du Karakoum, battu par les vents et le sable, la petite ville de Mary se dresse, oasis de vie après 250 km parcourus à travers des herbes sèches depuis Turkmenabat, poste frontière avec l’Ouzbékistan. La présence d’une église m’avait été signalée par le curé de Boukhara, sans qu’il ne sache plus tellement ce qu’il en retournait. Effectivement au détour d’un faubourg, l’édifice de brique s’affiche.
![](https://chretiens.com/chretien/2019/11/gregorisky-un-chretien-au-turkmenistan.jpg)
Gregorivitch, fils de déporté russe et sacristain de l’église l’église de la Sainte Intercession/Crédit photo : AED
Construction typique des années 30, il s’agit de l’église de la Sainte Intercession, orthodoxe, rattachée au patriarcat de Tashkent. Gregorivitch et Olivitch, deux solides gaillards au regard clair et franc m’accueillent chaleureusement. Fils de déportés Russes des années 30, ils sont les sacristains de cette église et gardent avec zèle tout en état. Une lueur s’allume dans leur regard lorsque je leur annonce venir de France, et eux de me demander avec insistance d’écrire aux Français qu’il existe encore des chrétiens orthodoxes au Turkménistan.
Les chrétiens sous contrôle de l’État
Arrivé au IIe siècle dans la région, le christianisme se développa jusqu’au XIIIe siècle lorsque Tamerlan décima la population qui ne se convertissait pas à l’islam. Au cœur de cette Asie centrale aux plaines immenses et désertiques, où les nomades de jadis sont désormais sédentarisés, cette partie du globe a été rechristianisée lors de la période soviétique, avec l’arrivée dans la région de nombreux immigrés forcés par Staline. Plusieurs églises furent érigées mais bien vite confisquées, comme celle des catholiques à Ashgabat qui fut transformée en cinéma en 1930.
Minorité religieuse la plus importante de ce pays, les Russes orthodoxes doivent, comme les catholiques, demander des autorisations au gouvernement pour toutes les occasions. La célébration des messes est soumise à un sévère régime d’autorisations discrétionnaires, les processions et grandes fêtes liturgiques également, tout comme les activités caritatives qui bénéficient pourtant à une population plus large que la seule communauté ecclésiale. Récemment, un pasteur protestant a été vivement invité par la police secrète à fermer un camp de vacances pour enfants, sans aucune justification.
Discriminations antichrétiennes assumées
Le Turkménistan pratique ouvertement des discriminations à l’emploi, la censure pour les livres religieux, les intimidations envers les locaux qui souhaitent se convertir, ou des descentes de la police secrète lors de prières ou de messes. Cette persécution est également visible dans la nécessité de s’enregistrer pour les différentes communautés religieuses, faute de quoi de très lourdes peines s’appliquent aux contrevenants. Or ces demandes sont quasi systématiquement refusées.
La petite communauté catholique dans la capitale se réunit quant à elle, discrètement, dans la chapelle de la Transfiguration du Seigneur – après des années à célébrer la messe à la Nonciature où la protection diplomatique était une nécessité. Quelques catholiques locaux (250 pour l’ensemble du pays) côtoient les rares expatriés des grandes entreprises du BTP et du gaz.
Si des relations diplomatiques ont été établies en 1996, une mission sui iuris érigée en 1997 par Saint Jean-Paul II, ce n’est que depuis la reconnaissance officielle de l’Église catholique en 2010 que la situation a quelque peu évolué. Désormais le père Andrzej Madej, polonais, des Oblats de Marie Immaculée et Supérieur de la Mission au Turkménistan, peut se rendre plus librement dans le pays et célébrer, enseigner, dans les maisons chrétiennes disséminées dans les quelques villes du pays. Dans ce pays de 5 millions d’habitants, ils sont deux missionnaires, la foi chevillée au corps, à redoubler d’efforts pour aider nos frères à vivre leur condition de chrétien, malgré une pression réelle, et rester fidèlement accrochés au Christ.
Paul Bablot
Copyright © AED. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cet article (texte, photos, logos, vidéos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED). Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit.
Vous aimez nos publications ? Engagez-vous !
Les systèmes politiques et médiatiques ont besoin que s'exercent des contre-pouvoirs. Une majorité de journaux, télévisions et radios appartiennent à quelques milliardaires ou à des multinationales très puissantes souhaitant faire du profit, privant les citoyens d’un droit fondamental : avoir accès à une information libre de tout conflit d’intérêt.Le Journal Chrétien, service de presse en ligne bénéficiant d’un agrément de la Commission paritaire des publications et agences de presse du Ministère de la Culture, assure un contre-pouvoir à l’ensemble des acteurs sociaux, en vérifiant les discours officiels, en décryptant l'actualité, en révélant des informations de première importance ou en portant le témoignage des dominés.
La qualité de notre travail est reconnu par les médias séculiers. Dernièrement, le président du Journal Chrétien a accordé une longue interview à Sud Ouest, le deuxième quotidien régional français avec une diffusion totale de 219 000 exemplaires.
ENGAGEZ VOUS !
Quand les évangéliques sont attaqués, calomniés ou traités avec mépris par les médias traditionnels, un silence de notre part ne serait pas chrétien. Une telle attitude montrerait un renoncement suspect à se faire respecter et à exiger des médias mondains un tel respect.Lorsque les pasteurs et les églises évangéliques sont attaqués, le critère de la solidarité chrétienne doit jouer. Comment nous dire membres du Corps du Christ si nous restons indifférents à la persécution de certains d’entre nous, souvent réduits au silence et incapables de faire valoir leurs droits ou, tout simplement, de se faire respecter comme chrétiens ou communautés évangéliques ?
En s'appuyant sur notre plateforme de médias, l’action sur l’opinion publique est évidemment essentielle. Faire savoir est la condition de toute action, car rien n’est pire que le silence. D’où l’importance de l’action en direction des médias, des institutions et des populations.
Evidemment, ici comme ailleurs, la réticence de la part des chrétiens à agir comme des groupes de pression constitue une difficulté majeure. Mais, là encore, ne faudrait-il pas s’interroger sur notre dispersion et nos réticences à agir comme lobby, quand il s’agit de défenses des libertés et droits humains fondamentaux ?