14 juin 2025Reuters

Israël et l’Iran promettent de se frapper à nouveau mutuellement

par Alexander Cornwell et Parisa Hafezi et Steve Holland

TEL AVIV/DUBAI/WASHINGTON (Reuters) -Israël et l’Iran se sont menacés samedi soir de nouvelles frappes mutuelles, après s’être attaqués durant la journée avec des tirs de missiles et des bombardements aériens au lendemain de la vaste offensive lancée vendredi par l’Etat hébreu contre Téhéran pour l’empêcher de développer l’arme atomique.

Ces menaces font craindre une escalade du conflit au Moyen-Orient. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé que sa campagne militaire, qui a provoqué la mort de dirigeants de l’armée iranienne et de scientifiques iraniens, allait s’intensifier, tandis que la télévision d’Etat iranienne a déclaré que des attaques « lourdes et destructrices » de l’Iran contre Israël étaient à attendre dans les prochaines heures.

Sur son réseau social Truth, le président américain Donald Trump a appelé samedi soir à ce que cette guerre cesse lors d’un entretien d’environ un heure avec son homologue russe Vladimir Poutine, inquiet lui aussi du risque d’escalade tout en condamnant l’opération israélienne, a dit le Kremlin. Un groupement réunissant dix groupes d’Etat chinois a lui aussi condamné les frappes militaires d’Israël, violation selon lui du droit international et de la souveraineté de l’Iran.

Au lendemain du lancement par Israël de l’opération « Rising Lion », des sirènes d’alerte ont retenti samedi en Israël, notamment à Tel Aviv et à Jérusalem, poussant les habitants à se précipiter dans des abris, tandis que des vagues de missiles iraniens sillonnaient le ciel et que des intercepteurs se dressaient pour les bloquer. Cette attaque a fait au moins trois morts. Un responsable israélien a déclaré que l’Iran avait tiré environ 200 missiles balistiques en quatre salves.

Le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a déclaré samedi que les dirigeants iraniens avaient franchi une ligne rouge en tirant sur des civils.

Il a également averti le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, que « Téhéran brûlerait » si le pays continuait de tirer des missiles sur des civils israéliens.

« Le dictateur iranien prend les citoyens iraniens en otage, créant une réalité où eux, et surtout les habitants de Téhéran, paieront un lourd tribut pour les dommages flagrants infligés aux citoyens israéliens. Si Khamenei continue de tirer des missiles sur le front intérieur israélien, Téhéran brûlera », a-t-il déclaré dans un communiqué.

En Iran, la télévision d’Etat a rapporté samedi qu’une soixantaine de personnes, dont 20 enfants, avaient été tuées dans une attaque israélienne contre un complexe résidentiel à Téhéran.

L’agence de presse iranienne Mehr a fait état samedi d’une frappe israélienne près de la raffinerie de Tabriz, dans le nord-ouest de l’Iran, notant qu’une colonne de fumée s’élevait du site. Des médias iraniens ont également fait état d’incendies après un bombardement par Israël d’infrastructures énergétiques du champ gazier de South Pars, dans le Sud de l’Iran.

NUIT DE PEUR EN ISRAËL ET EN IRAN

Avant cela, plusieurs explosions avaient été entendues cette nuit dans la capitale iranienne, selon l’agence de presse Tasnim.

L’agence de presse Fars a indiqué que deux projectiles avaient touché l’aéroport Mehrabad de Téhéran, et les médias iraniens ont fait état de flammes observées dans le secteur.

L’ambassadeur de l’Iran auprès de l’Onu, Amir Saeïd, a déclaré que 78 personnes, dont de hauts responsables militaires, avaient été tuées lors des frappes israéliennes sur l’Iran et que plus de 320 personnes, pour la plupart des civils, avaient été blessées.

Selon le Croissant-Rouge palestinien, le groupe yéménite Houthi, allié de l’Iran, a tiré des missiles sur Israël vendredi soir, mais au moins l’un d’eux semble s’être égaré, blessant cinq Palestiniens, dont trois enfants, en Cisjordanie occupée par Israël.

Cette contre-attaque est perçue par Téhéran comme une réponse à la vaste attaque israélienne ayant visé ses sites nucléaires, ses usines de missiles balistiques et ainsi que des chefs militaires, dont le chef d’état-major de l’armée et le commandant du corps d’élite des gardiens de la Révolution.

Selon un responsable militaire israélien, les sites nucléaires iraniens d’Ispahan et de Natanz ont été considérablement endommagés et il faudrait plus que des semaines à l’Iran pour réparer les dégâts.

Trois scientifiques iraniens, spécialistes du nucléaire, Ali Bakaei Karimi, Mansour Asgari et Saeid Borji, ont été tués dans les frappes israéliennes, a rapporté samedi l’agence de presse Tasnim.

DISCUSSIONS SUR LE NUCLÉAIRE ANNULEES

L’Iran dément toute ambition d’acquérir l’arme atomique alors que le pays est engagé dans des négociations avec les Etats-Unis sur son programme nucléaire.

Le président américain, Donald Trump, a salué les frappes israéliennes et a averti que la situation serait bien pire si l’Iran n’acceptait pas rapidement une forte atténuation de son programme nucléaire.

Téhéran a jugé samedi désormais « vide de sens » les discussions avec les Etats-Unis sur ce programme. En fin de journée, le ministre des Affaires étrangères d’Oman, pays médiateur des discussions, a annoncé que le round de discussions prévu dimanche n’aurait pas lieu.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé sur X s’être entretenu samedi avec le président iranien Massoud Pezeshkian qu’il a appelé à revenir à la table des négociations sur le nucléaire.

Le conflit entre l’Iran et Israël va s’étendre dans les prochains jours aux bases américaines de la région, a rapporté samedi l’agence de presse iranienne Fars, citant de hauts responsables militaires.

Les médias d’Etat iraniens ont également rapporté que l’Iran avait averti les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France que leurs bases et navires dans la région seraient pris pour cible s’ils venaient en aide à Israël pour contrer les frappes de Téhéran.

Le pape Léon XIV a exhorté samedi les autorités iraniennes et israéliennes à agir avec « raison » et à poursuivre le dialogue, lors d’une audience dans la basilique Saint-Pierre, disant suivre l’évolution de la situation avec « une grande inquiétude ».

(Reportage bureaux de Reuters; rédigé par Cynthia Osterman et Stephen Coates; version française Claude Chendjou)