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EN DIRECT – Un coup d’Etat par l’armée en cours au Gabon

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Un groupe d’officiers supérieurs de l’armée gabonaise a annoncé mercredi avoir pris le pouvoir et placé sous résidence surveillée le président Ali Bongo, quelques instants après l’annonce de sa réélection pour un troisième mandat.

Dans une annonce au cours de la nuit diffusée à la télévision, une dizaine d’officiers ont déclaré que le résultat des élections de samedi était annulé, que toutes les frontières étaient fermées jusqu’à nouvel ordre et que les institutions de l’État étaient dissoutes.

Ils se sont présentés comme des membres d’un Comité de Transition et de Restauration des Institutions et ont dit représenter toutes les forces de sécurité et de défense du Gabon.

On ignore qui est le meneur des putschistes mais la télévision gabonaise a diffusé des images d’un homme en treillis et béret vert porté en triomphe par des soldats scandant « Oligui président », une possible référence à Brice Oligui Nguema, chef de la garde républicaine, la garde prétorienne d’Ali Bongo.

Interrogé par Le Monde, Brice Oligui Nguema a déclaré que les généraux allaient se réunir dans l’après-midi pour désigner « celui qui va conduire la transition ».

Ali Bongo est « mis à la retraite (et) jouit de tous ses droits », a-t-il dit.

« Il n’avait pas le droit de faire un troisième mandat, la Constitution a été bafouée, le mode d’élection lui-même n’était pas bon. Donc l’armée a décidé de tourner la page, de prendre ses responsabilités », a déclaré Brice Oligui Nguema au Monde, soulignant « la grogne » dans le pays et « la maladie du chef de l’Etat », affaibli depuis un AVC en 2018.

Dans la matinée, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de la capitale, Libreville, pour célébrer l’annonce du coup d’Etat, qui semble avoir été filmée depuis le palais présidentiel.

Dans une autre déclaration faite plus tard à la télévision, les officiers militaires ont dit avoir placé en résidence surveillée Ali Bongo, 64 ans. Ils ont aussi annoncé l’arrestation du fils d’Ali Bongo, Noureddin Bongo Valentin, et d’autres personnes pour des accusations de corruption et de trahison.

PRÉSENCE FRANÇAISE

Avant les célébrations, le calme régnait dans les rues de la capitale, même si des coups de feu ont été brièvement entendus à Libreville peu après la première intervention télévisée. Des policiers se sont depuis déployés pour surveiller les principaux carrefours de la ville.

S’il se confirme, ce coup d’Etat risque d’affaiblir un peu plus la place de la France en Afrique alors que des juntes militaires ont déjà pris le pouvoir depuis 2020 au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et, en juillet, au Niger.

La France « condamne le coup d’Etat militaire qui est en cours au Gabon », a déclaré Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. « Nous rappelons notre attachement à des processus électoraux libres et transparents », a-t-il ajouté.

La France, qui fait face à une vague de sentiment anti-français dans la région du Sahel, dispose de 350 soldats français positionnés au Gabon, selon le ministère des Armées.

Les précédents coups d’Etat au Mali et au Burkina Faso l’ont obligée à retirer ses troupes sur place tandis que les putschistes au Niger ont révoqué les accords militaires avec Paris.

RECUL DÉMOCRATIQUE

Le contexte au Gabon est différent du Niger et des autres pays de la région du Sahel, où les violences d’islamistes armés ont érodé la confiance de la population dans les gouvernements élus démocratiquement.

Un coup d’Etat dans ce pays d’Afrique centrale, producteur de pétrole, serait néanmoins perçu comme un nouveau signe de recul démocratique dans une région de plus en plus instable.

Ali Bongo a déjà effectué deux mandats présidentiels après avoir succédé à son père Omar Bongo, décédé en 2009 après avoir conservé le pouvoir depuis 1967.

Ses détracteurs l’accusent de ne pas avoir fait profiter une population de quelque 2,3 millions d’habitants, dont un tiers vit dans la pauvreté, des richesses tirées de la production pétrolière.

« Aujourd’hui, le pays traverse une grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale », ont déclaré les putschistes, estimant que les élections du 26 août avaient manqué de transparence et de crédibilité.

« Au nom du peuple gabonais, et garant de la protection des institutions, nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », ont-ils ajouté.

CONTEXTE TENDU

Avant l’annonce des officiers, les tensions étaient déjà vives au Gabon où se sont déroulés samedi le scrutin présidentiel ainsi que des élections législatives, marqués par des allégations de fraude démenties par l’entourage d’Ali Bongo.

L’absence d’observateurs internationaux, la suspension de certaines chaînes de télévision étrangères et la décision des autorités de couper l’accès à internet et d’imposer un couvre-feu nocturne dans tout le pays après le scrutin ont suscité des inquiétudes quant à la transparence du processus électoral.

Plusieurs heures après l’annonce des officiers, le réseau internet semblait rétabli pour la première fois depuis les élections de samedi, a constaté un journaliste de Reuters.

Un peu plus tôt, le président du Centre gabonais des élections (CGE) avait annoncé qu’Ali Bongo avait remporté un troisième mandat lors de l’élection présidentielle avec 64,27% des voix contre 30,77% pour son principal adversaire, Albert Ondo Ossa.

Face à la tentative de coup d’Etat, le groupe minier Eramet a annoncé mercredi la mise à l’arrêt de ses activités dans le pays, faisant chuter de 15% son titre vers 13h20 GMT à la Bourse de Paris.

Le groupe TotalEnergies, présent aussi au Gabon, a dit pour sa part être mobilisé pour la sécurité de ses employés, sans préciser l’impact sur ses opérations dans le pays. La filiale TotalEnergies EP Gabon chutait de 11% en Bourse.

(Reportage Gerauds Wilfried Obangome, avec la contribution d’Alessandra Prentice, Sofia Christensen, Sudip Kar Gupta et Liz Lee, rédigé par Raju Gopalakrishnan, Nellie Peyton et Sofia Christensen; version française Camille Raynaud, Zhifan Liu et Blandine Hénault, édité par Tangi Salaün, Kate Entringer et Bertrand Boucey)

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